Préquelle Nous, être de haine

22 minutes de lecture

Je regarde les étoiles briller dans la nuit noire, assis au bord de la falaise, à la lisière des deux mondes où le ciel et la mer ose à peine se toucher, d'ici, je ne peux pas atteindre ses points lumineux, après quelques minutes où je laisse mon esprit vagabondé, quelqu'un me donne une tape amicale sur l'épaule, me faisant sortir de mes songes en disant :

–Salut ! Je ne t'ai pas trop fait attendre ?!

Je tourne la tête vers la personne au sourire malicieux, heureuse d'avoir réussi son effet de surprise, elle s'assoit à mes côtés, je l'accueille :

–Non t'inquiète, ça va sinon Solène ?

–Comme d'hab mon cher Orion.

–Rien de nouveau sous le soleil ?

–Rien du tout, juste mes petits tracas du quotidien.

On se met à regarder les étoiles ensemble et après de longues minutes de silence, Solène me demande :

–Tu te souviens de ce qu'on disait quand on était à la maternelle ?

Je ne détourne pas le regard du ciel qui happe toute mon attention :

–Comme si c'était hier.

On s'est rencontrés sur les bancs de l'école, amis depuis lors, nous n'avons pas arrêté de faire les quatre cents coups, nos parents disent qu'on est inséparable et c'est vrai que nous ne sommes presque jamais séparés, du moins pas plus de quelques semaines, une nuit alors qu'on rentrait de l'école elle m'avait soudainement demandé :

–Dis ? Tu penses que quand on disparaît, on devient une étoile ?

–Hein ?

–Ma maman est "décédée" la semaine dernière et mon papa m’a dit qu'elle était devenue une étoile, tu crois que c'est vrai ?

–Aucune idée.

Quand je suis rentré à la maison et que j'ai posé la question à mes parents de ce qu'on devenait une fois "décédé", ils m'ont répondu qu'on rejoignait les cieux, tout en me demandant comment un gamin d'une dizaine d'années pouvait avoir appris des termes aussi compliqués, pour moi tout ça n'avait rien de compliquer, c'était juste un mot, un mot dont les adultes voulait nous préserver de leur sens.

Je finis par lui demander :

–Ou veux-tu en venir ?

Elle fait mine de réfléchir et secoue la tête en me répondant :

–Rien, je trouve cela poétique de devenir une étoile.

C'est dernier temps, je la trouve un peu évasive, pas que cela soit bizarre, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'elle me cache quelque chose, elle pointe le ciel du doigt, index et pouce tendu et vise l'étoile polaire qui brille de mille feux :

–Je suis sûre qu'un jour, je surpasserai son éclat, je serai tellement brillante que les autres n'auront d'autres choix que de me regarder.

Je lui fais une petite pique amicale :

–Tu sais que plus personne ne regarde le ciel de nos jours quand même.

–La ferme !

On est pris ensemble d'un fou rire qui aurait pu durer une éternité, une fois ce petit moment terminé, je lui dis en me relevant et en soupirant :

–Bon, il est l'heure de s'rentrer.

Elle jette un œil sur son téléphone portable et souffle :

–Il est déjà si tard ?

–Eh ouais, c'est ça d'arrivée en retard aussi.

Elle se lève d'un coup et me lance comme un défi :

–Tu verras qui sera en retard demain !

–Ne rêve pas, mes cours finissent toujours avant les tiens.

Elle me fait un sourire plein de malice, vu sa tête, elle a sûrement un plan pour arriver la première :

–On verra, j'te dirais bien bonne nuit, mais je sais que tu vas trembler dans ton lit par peur que j'arrive avant toi.

Elle tourne les talons et part en courant :

–À demain !

Je souffle :

–À demain.

Je rentre tranquillement chez moi et m'allonge sur mon lit, je reste planté là à regarder le plafond en attendant le marchand de sable qui ne vient pas, je rumine mes pensées. pendant. plusieurs minutes, quel coup a-t-elle bien pu préparer, je la connais, elle va tout faire pour que j'arrive après elle, qu'a-t-elle derrière la tête ?

–Tss ! Ça m'énerve !

Je balance rageusement mon oreiller en l’air et après avoir bien épousé le plafond, il retombe mollement sur mon visage, je reprends mon calme et respire un bon coup, il faut que je dorme maintenant sinon je risque de somnoler durant les cours, je me repositionne sur mon lit et attends plusieurs longues heures avant que Morphée ne vienne me prendre dans ses bras.

J’ai fini les cours sans encombre, j’ai l’impression d’être paranoïaque, je regarde autour de moi à chaque fois qu’une personne passe à côté et au moindre bruit suspect, je marche lentement et reste à l'affût, j’arrive à notre point de rencontre sans soucis, je souffle un coup :

–Ce n'était qu’une menace en l’air.

Mon regard se porte de nouveau à la falaise et j’y vois Solène en train de manger tranquillement une crêpe, je m’assieds à ses côtés en demandant :

–Qu'as-tu fait exactement ?

Elle me jette à peine un regard et me répond sarcastique :

–Quoi ? Tu t’attendais à ce que l’armée sonne à ta porte ?

–L’armée non, par contre les flics oui.

–Orion, Orion, Orion, tu as une aussi peu haute estime de moi pour me croire capable de telle bassesse ?

Je hausse les épaules et dit nonchalamment :

–Ouais, ça serait bien ton style.

Pour toute réponse, elle me donne une tape sur l’épaule, je feins la douleur en frottant le point d’impact :

–Ahhhhh ! Ça y est ! Tu m’as déboité l’épaule putain.

Elle a un petit rire :

–Petite nature.

Je reprends mon sérieux et demande :

–Bon ! Dis-moi comment tu as fait.

Elle me répond sarcastique :

–Je ne te l’ai pas dit ? la moitié de ma classe est partie en échange scolaire avec la plupart de mes profs, donc moins de cours pour moi.

–Tu sais que je vais finir parano un de ces jours ?

–Ce n'est pas la première fois que tu me dis cela, arrête de stresser et mate-moi un peu se coucher de soleil.

L’astre lumineux commence doucement à s’éteindre pour laisser place à sa sœur, l’horizon se teint d’une légère couleur rosée se reflétant sur la mer légèrement agitée. Nous restons planter là à admirer le spectacle, mon œil reste attiré par la sucrerie que tient fermement Solène dans sa main, la faim commence tout juste à se faire sentir et je salive déjà, je penche d’un coup mon corps vers la crêpe qui me semble si alléchante en disant :

–J’me sers !

J’arrache un morceau de pâte sucré et me rassoit correctement, je mâche délicatement l’aliment faisant durer le plaisir que me procure cette sucrerie, je tourne la tête vers Solène qui est bouchée-bée et regarde le bout manquant, elle finit par dire dégouter :

–Ma crêpe !

–Elle n'avait qu'à pas être aussi aguicheuse.

Ses épaules s’affaissent et elle me lance :

–Tu me dégoûtes ! Tu n'avais pas le droit !

Je souffle :

–Roh ! Ça va !

Elle se relève et tourne les talons en colère :

–Va chier !

–Je suis désolé si c’est ça que tu veux entendre !

–Va bien te faire mettre !

Elle finit par disparaître dans une ruelle, je me dis à moi-même :

–Eh bah bravo Orion, tu as bien niqué l’ambiance.

Je retourne tous les soirs à la falaise, mais je n’y trouve que la solitude comme amie, je jette un œil à mon téléphone et regarde tous les textos que je lui ai envoyés, elle ne vient plus et en plus, elle ignore mes messages maintenant, tout ça pour une putain de crêpe ! Va-t-il vraiment falloir que j’aille jusque chez elle m’excuser en bonne et due forme pour qu’elle me parle de nouveau ? Remarque je n’ai plus vraiment le choix vu qu’elle refuse de me répondre. Je ne saurai comment décrire cette sensation de vide qui me submerge à chaque fois que je n’ai plus de ses nouvelles, cette solitude que je ressens me fait peur et me gèle, je me sens démuni sans elle à mes côtés, il faut absolument qu’elle me pardonne, j’ai ce besoin irrépressible de lui parler, d’entendre sa voix. Je ne peux pas rester là les bras croisés éternellement, il est temps pour moi de me retrousser les manches au sens propre comme au figuré, en rentrant chez moi, je m'attèle à préparer une pâte à crêpe, je m’en mets plein les doigts, il faut dire que cuisiner n’a jamais été mon point fort, je réussis à faire des crêpes à l’allure à peu près correcte, par contre au niveau du goût, elles sont parfaites, j’enveloppe le tout dans du papier aluminium et part directement de chez moi direction la maison de Solène, j’arrive devant le pas de sa porte, je me tiens droit et prend une grande respiration avant de simplement donner trois petits coups sur la surface en PVC, j’ai à peine le temps d’attendre que Solène ouvre brutalement la porte, au moment où ses yeux se posent sur moi, elle souffle en se posant contre l’embrasure :

–Que me veux-tu ?

Je lui réponds, amusé :

–Chais pas, au hasard te voir ?

Elle prend un air faussement désolé :

–Oh ! Je te manquais ? Tu veux un petit bisou ? Où un câlin peut-être ?

–Hey ! J’ai dit que j’étais désolé !

Elle me menace d’un doigt accusateur :

–Tu ne respectes pas les règles que l’on s’est imposées ! Et tu espères qu’un simple “désolé” va suffire ? Tu es vraiment qu’un con quand tu t’y mets !

Je calme le jeu :

–Je sais ! Je sais ! Okais ? Je suis juste venu m'excuser, j'ai merdé.

Elle se calme et me dit :

–En plus, c'est toi qui as fixé cette règle.

Je me défends :

–Tu foutais des vers dans ma bouffe !

Un large sourire se dessine sur son visage :

–Ouais et c’était très drôle ! … Bon Tu t’es excusé et maintenant ?

Je lui montre le plat que j’ai amené avec moi qui est recouvert de papier aluminium, elle regarde tour à tour le plat et moi puis ne voyant pas où je veux en venir, elle finit par me demander :

–Et ?

–C’est pour toi.

Elle prend le plat et l’ouvre, elle découvre la pile de crêpe, je lui fais un :

–Ta da ! Je me suis surpassé pour les faire.

–Je vois ça, on se regarde un film pendant qu’on les mange ?

–Et la règle de ne pas toucher à la nourriture de l’autre ?

Elle me fait un petit sourire :

–On l’abroge ?

Je prends un air professionnel et imite un sénateur :

–Règle abroger ! Bon, tu me laisses entrer ?

Elle s’écarte du pas de la porte et part en direction du salon, je la suis après m'être déchaussé et me pose sur le canapé, Solène se place à côté, la pile de crêpe entre nous, elle appuie sur un bouton de la télécommande et un film d’animation se joue, un oiseau vêtu d’une tenue des plus chics avec haut de forme et nœud papillon nous accueille :

–Mesdames. Mesdemoiselles. Messieurs. L’histoire que nous allons avoir l’honneur et le plaisir de vous conter est une histoire absolument vé-ri-dique…

Voyant la qualité un peu datée du film, je demande à Solène :

–Il est de quelle année ce film ?

–1980, je le trouve impressionnant pour un film français.

–La même année que L’avare ? Eh beh c’est plus tout jeune.

–Ouais, presque quarante ans…

Elle me regarde d’un coup et me demande, surprise :

–Tu as regardé L’avare toi ? Je croyais que regarder des vieux films te donnait des boutons ?

–Bah, c'est culte quand même le “Nous rentrons à Madrid, nous conspirons, le roi répudie la reine, la vieille épouse le perroquet, César devient roi, je l’épouse et me voilà reine !”

Elle éclate de rire et m’informe :

–C’est dans La folie des grandeurs ! Pas dans L’avare !

–Ah ! Oui, je les confonds toujours ces deux-là !

Nous retournons au film, c’est une lutte sociale entre la noblesse et les travailleurs qui se terminent sur un Robot qui détruit le château construit sur la ville, la destruction est rapide tel un château de carte qu’un enfant s'amuserait à souffler, Solène me dit :

–Ils vont enfin pouvoir regarder le ciel et les étoiles.

–Je te l’ai jamais demandé, mais pourquoi tu fais toujours ce signe avec ta main ?

Elle me fixe et lève un sourcil en signe d'incompréhension :

–Quel signe ?

Je l'imite pointant une étoile :

–Ce signe-là.

Elle hoche la tête :

–C’est un L pour Lumière, ne cherche pas trop de signe là où il n’y en a pas.

–Je voulais juste savoir.

Je regarde la pile de crêpe qui à fortement diminuer depuis, je retourne au film où les crédits commencent à défiler sur une douce musique au piano, Solène me dit :

–Orion, ferme les yeux, tu apprécieras mieux la musique.

–Ok.

Je fais ce qu’elle dit, mes paupières se ferment et je vois des notes de musique bleue danser au rythme de la musique envoutante, je laisse mon imagination faire son chemin jusqu’au moment où je sens une petite pression sur mes lèvres, j’ouvre les yeux et voies la tête de Solène, nos lèvres se touchent, elle finit par s’écarter, nos regards se croisent et elle finit par me dire tendrement :

–J’t’avais dit de garder les yeux fermer.

Je lui souris et demande :

–Et les règles que l’on s’est imposé ?

Elle souffle :

–Ferme ta gueule.

Elle me pousse contre le canapé et monte sur moi, on s’échange des baisers fougueux qui dure une éternité, mes mains se posent sur ses épaules et je glisse mes doigts dans ses cheveux. Je veux que ce moment dure éternellement et refuse de la lâcher, Solène s’écarte de mes lèvres et se dresse sur moi, mes bras glissant sur ses formes pour s'arrêter sur ses hanches, je lui demande :

–Il arrive quand ton père ?

Elle fait glisser sensuellement ses doigts en partant de mon visage pour atteindre finalement le bas de mon tee-shirt et me répond :

–Pas avant demain matin, petit curieux.

Elle soulève lentement mon habit et me force à l’enlever, elle déboutonne ensuite sa petite veste et la laisse glisser par terre, me laissant voir son soutien-gorge d’un bleu profond, elle s’affaisse légèrement et me susurre :

–Dis-moi ?

Elle fait des ronds avec son index sur mon torse dénudé :

–Je t’écoute.

–Ça ne serait pas un robot destructeur de château que je sens dans ta poche ?

Je lui fais un sourire satisfait :

–Ça, c'est surement parce que je suis content qu’on se soit réconcilié.

Elle s’approche de mes lèvres, je sens son souffle chaud me répondre :

–Petit comique.

Nous échangeons un petit baiser et puis notre passion se déchaîne comme une tempête impossible à réprimer, elle marque nos corps entrelacés de ce sentiment pur et brillant, cette sensation si douce restera à jamais graver dans nos esprits, notre jeu continue jusqu’au petit matin, seul la nuit avec ses étoiles furent témoins de notre union. Nous sommes allongés dans son lit, nos corps entrelacés entre nos bras, nos regards se toisent, nous ne nous sommes plus rien dit depuis la fin de nos ébats, je me plonge dans l’océan de ses yeux qui commence à s’humidifier :

–Qu'y a-t-il ?

Elle passe sa main dans mes cheveux et fait glisser ses doigts le long de mon visage :

–Rien, ne t’inquiète pas.

Je pose ma main sur la sienne :

–Ça m’inquiète encore plus quand tu dis ça.

–Je suis juste heureuse.

Je la fixe et voyant qu’elle ne démordra pas de ce qu’elle vient de me dire, je finis par abdiquer :

–OK.

Nous passons toutes nos journées de libre ensemble, inséparable comme les doigts de la main, je vis ma meilleure vie avec elle à mes côtés.

C’est un soir de pluie diluvienne, je regarde par la fenêtre les grosses gouttes d’eau frapper le bitume sans discontinuer, ç'a quelque chose de reposant de voir ce spectacle, même si c’est légèrement maussade à la longue. Il faut dire que je n’ai pas grand-chose d’autre à faire mis à part attendre que le temps se calme. Soudain, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche, je regarde qui m’appelle, le père de Solène ? Remarque maintenant, je pourrais l'appeler beau-papa, mais j'ai un peu de mal, je décroche :

–Allo ?

Il prend une grande respiration avant de me dire assez froidement :

–Orion, il faut que tu nous rejoignes à l'hôpital.

–Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passe ?

–…

–Dites-moi ce qui se passe !

–Rejoins-nous vite.

Il raccroche sans que j’aie le temps de demander plus d'explication, j’enfile en quatrième vitesse mes chaussures et un manteau et part en direction du seul hôpital de la ville au pas de course, les gouttes d’eau mouille et fouette mon visage, j'arrive à l'hôpital complètement essoufflé et trempé, son père m'attendait le visage fermé à toute émotion, les yeux fermés, il souffle un grand coup en passant une main sur son visage puis il finit par me dire :

–Suis-moi.

Je fais ce qu'il me demande silencieusement, aucun bruit, même les personnes et le personnel de l'hôpital semble dépossédé de leur voix où de leurs mouvements, il y a juste le silence qui nous accompagne et il est assourdissant, on finit par s'arrêter devant une vitre donnant sur une salle où Solène est allongée sur un lit habillé en tenue de bloc, la salle d'opération étant juste à côté, je demande :

–Qu'est-ce qui se passe ?

–Solène a… Les médecins lui ont diagnostiqué la même malformation cardiaque que sa mère, d'après eux, il faut le faire maintenant avant que cela ne devienne impossible à opérer.

–Quelles sont ses chances ?

–À peine quarante pourcents, la transplantation est impossible en l'absence de donneur.

Je pose ma main sur la vitre de là où on est, il est impossible pour elle de nous voir, son père me rassure en disant :

–Elle m'a dit de te dire qu'elle n'irait nulle part, elle reviendra te faire chier comme à son habitude.

J'esquisse un faible sourire :

–Elle a intérêt.

Des docteurs en blouse bleue arrivent dans la salle et poussent le lit où est allongée Solène vers le bloc opératoire, ils ne nous restent plus qu'à attendre, que faire mis à part patienter ? Rien. Chaque seconde qui s'écoule est une source d'angoisse intarissable, chaque minute est insupportable, chaque heure infernale. De temps à autre, on voit des médecins passés à des intervalles irréguliers, aucun ne daigne répondre à nos questions, ils nous ignorent, ce n'est qu'au bout de cinq longues heures d'attente qu'une personne vient nous voir :

–Monsieur ?

Il fait signe au père de Solène qui me rassure :

–Ne t'en fais pas, on revient.

La porte se ferme sur eux et je dois attendre, encore, c'est au bout de ce qui m'a semblé être des années à patienter que la porte s'ouvre de nouveau sur le père de Solène, je l'assène de question :

–Alors ? L'opération s'est bien passée ? On peut aller la voir ? C'est quand qu'elle va se réveiller ?

Il ne me répond pas, je lui prends les épaules et le secoue :

–Dites quelque chose ! N'importe quoi !

Je le regarde dans les yeux qui sont déjà bien mouillés et reste dans son mutisme. Mes jambes deviennent lourdes, je suis contraint de m'agenouiller en faisant glisser mes mains le long du corps de mon ancien beau-père :

–Non, non, non ! Non !!!

Je frappe le sol et demande à qui pourrait me répondre :

–Pourquoi ? Comment cela a-t-il pu se passer ?!

J'entends à peine ses explications, trop choqué par la nouvelle, il finit par me dire :

–C'est devenue une étoile maintenant.

Je contiens mes pleurs et laisse juste échapper des bruits gutturaux semblables à des sanglots.

–Merde ! Merde ! Merde ! MERDE ! MERDE ! MERDE !

Je frappe un rocher au bord de la falaise, notre endroit à tous les deux, j'en veux à la terre entière de me l'avoir prise, je prends une grande respiration avant de hurler à pleins poumons ma peine et ma haine, je jette un regard sur le rocher bancal prêt à tomber dans le vide, c'est dans un accès de rage que je me jette sur le rocher, à cause de la pluie qui a stagné et crée des flaques semblables à de l'huile, je glisse dans le vide, l'apesanteur me fait chuter vers la plage vingt mètres plus bas, vu comment je tombe je n'ai aucune chance de survie, mon corps est tourné vers les étoiles, je dis un sourire triste sur le visage :

–J'ai vraiment merdé sur ce coup-là, n'est-ce pas Solène ?

Je ferme les yeux, attendent le moment où mon corps rencontrera le sol, la douleur est immense et indescriptible me prenant tout le dos, pour autant à ma plus grande surprise je peux toujours me mouvoir, je suis étrangement toujours vivant, j'ouvre les yeux et l'endroit où je suis n'est pas la plage en dessous de la falaise, c'est un tout autre monde. Je suis dans une pièce rectangulaire sans aucun meuble, les murs sont tapissés uniquement en noir et rouge, inventant des formes semblent sortir tout droit de l'esprit d'un fou, un espace vide de la taille d'une porte mène vers l'extérieur, je sors de cette boîte rectangulaire pour atterrir dans un endroit complètement plat qui semble sans fin, le sol est, lui aussi, de la même couleur que les murs du bâtiment qui semble ridiculement petit maintenant comparé à l'immensité de cette terre inconnue :

–Où ai-je atterrit ?

Je regarde tout autour de moi, il n'y a pas âme qui vivent dans ce pays désolé, j'avance à l'aveugle en hurlant :

–Y'a quelqu'un ?!

Une voix sortit de nulle part me demande :

–Qui va là ?

Cette voix est particulière, comme si une femme et un homme parlait en même temps, je tourne la tête dans tous les sens et ne vois personne, la voix continue :

–Oh ! Oui, c'est vrai que c'est mieux si tu me vois.

Une sphère noire de taille humaine flottant en l'air avec deux yeux rouges apparaît devant moi, trop choqué par ce qui est devant moi, je reste sans-voix, la sphère voyant que je suis devenu muet se présente :

–Je suis Dieu, qui t'a permis l'accès aux paradis ?

Je suis choqué par ses paroles :

–Dieu ? Le paradis ?

–Tu m'as bien entendu, vu ta réaction, ce n'est pas de ton bon vouloir que tu as atterri ici, je me trompe ?

–Je… Ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais.

–Ah ah ! Rares sont ceux qui ont à peine effleuré la réalité de mon être.

Je fixe cette sphère qui se prétend être Dieu, j'aurai des tonnes de questions à poser à cet être, mais aucune émotion ne se dégage de ses yeux rouges, il ou bien elle, j'avoue que je ne saurai comment le définir, me fixe et me dit :

–Tu as certainement des questions à me poser, je t'écoute, tu as toute mon attention.

Un sentiment de colère mêlé à de la tristesse me submerge, je le pointe du doigt et lui demande :

–Toi qui te prétends être Dieu ! Dis-moi ! Dis-moi pourquoi tu nous as créés !? Pourquoi sommes-nous aussi cons !? Dis-moi…

Mes yeux s'humidifient et mes larmes coulent sans que je puisse les arrêter :

–Dis-moi ! Dis-moi pourquoi nous sommes un désastre ! Pourquoi n'ai-je rien vu ! Pourquoi on me l’a enlevée ?

Mes jambes flanchent et je tombe à genoux :

–Pourquoi est-elle morte ?

Un petit silence s'installe avant qu'il ne me réponde :

–Même si je t'éclaire et que toutes tes questions trouvent réponse, que cela t'apportera-t-il ?

Je relève la tête et lui jette un regard noir :

–La réponse est que vous êtes des êtres temporels, vous n'êtes défini que par la mort, elle est inévitable, je ne vous ai pas créé pour que vous accomplissiez de grandes choses, ni pour que vous me ressembliez, vous êtes là uniquement pour mourir et pour qu'un jour, un être puisse…

Je le regarde intriguer, il finit par bouger ses yeux de gauche à droite :

–Non, ceci ne te regarde pas Orion.

–Comment ? Oh… c'est vrai que je parle à Dieu.

–Ton arrivée dans le paradis me laisse présager d'un changement qui semble imminent, mais tu n'es qu'un des rouages secondaires, je vais te demander de quitter cet endroit.

Il me tourne le dos et s'écarte, je le retiens en demandant :

–Attendez ! S'il vous plaît !

Il s'arrête tout de suite, je continue :

–Je voudrais vous demander une faveur ?

–...Quelle est-elle ?

–Je voudrais voir une dernière fois Solène, lui parler, lui dire tout ce que je n'ai pu… lui avouer.

Il se tourne ver la boite où je suis arrivé et se dirige lentement là-bas :

–Suis-moi.

Je fais ce qu'il me demande sans un mot, en arrivant devant l'entrée qui sert de porte il reprend :

–Ici au paradis les règles ne sont pas les mêmes que sur terre, ton imagination peut donner forme à ce que tu désires, tant que tu connais parfaitement ce que tu veux faire apparaître, même un humain, mais cela ne restera que ton fantasme de cette personne, ensuite, il faut savoir que même si par miracle, tu as réussi à rentrer, le paradis ne te laissera peut-être pas sortir.

–Comment ça ?

–Le paradis juge ceux qui peuvent fouler du pied cet endroit saint, mais il les juge aussi quand ils partent, une fois ces deux jugements accomplis plus rien ne t'empêchera de rentrer et de sortir d'ici.

–Ce qui veut dire ?

–Que tu as eu de la chance de ne pas mourir en rentrant, mais que tu peux tout aussi bien périr en sortant. Je ne peux ressusciter les humains, cela irait à l'encontre de votre création, donc quoiqu'il se passe, je te promets que tu pourras lui dire ce que tu avais sur le cœur, même si ce n'est pas de la manière que tu souhaites.

Un choix cornélien s'offre donc à moi, rester ici avec ma Solène fantasmée où sortir la rejoindre, mort ou vif, Dieu reprend :

–Sur ce, je vais te laisser, je vais rejoindre mes enfants avant qu'ils ne commencent à s'inquiéter.

Il disparaît et me laisse seul, je reste planté devant la porte sans savoir comment faire, qu'est-ce que je veux réellement ? J'ai à peine le temps de songer qu'un groupe de quatre personnes vêtue de masques d'animaux réaliste déboule dans le paradis, en me voyant la personne ayant un masque d'ours dit :

–Tiens une âme perdue.

Sa compère légèrement volumineuse et qui porte un masque de sanglier lui répond :

–C'est la troisième fois que cela se produit dans le Somnium.

Je hausse un sourcil :

–Somnium ?

Une grande personne noire faisant largement deux mètres de haut et affublé d'un masque de lion me répond :

–Tu es dans un plan parallèle à la terre, où les désirs profonds se matérialisent.

J'acquiesce à leur propos et songe :

–J'imagine qu'ils n'ont pas rencontré Dieu.

Le dernier membre du groupe qui lui est vêtu d'un masque de serpent me dit :

–Tu m'as l'air étrangement calme, ce n'est pas la première fois que tu atterris ici ?

Je lui réponds calmement :

–Si c'est bien la première fois.

La personne au masque de serpent dit au groupe :

–Il fait preuve d'un sang froid à toute épreuve.

Je leur dis légèrement amusé :

–Vous auriez pu vous présenter comme les quatre cavaliers de l'apocalypse que ça ne m'aurait fait ni chaud ni froid.

En même temps, je viens à peine de rencontrer Dieu, nier l'existence de ses messagers serait absurde, celui avec un masque d'ours se met à rigoler :

–Ahahah ! Tu n'étais pas loin, non, nos noms de code font référence aux sept péchés capitaux, même si pour l'instant, nous ne sommes que six.

–Des noms de code ?

–Le Somnium est étroitement connecté à la psyché humaine, nous avons donc pris nos précautions, en plus nous sommes activement recherchés par les services gouvernementaux et les grosses sectes qui ont de l'influence.

–Vous avez fait quoi pour qu'ils vous cherchent ?

–Nous effaçons les ordures, ou du terrorisme si tu préfères la version officielle des gouvernements.

–Pourquoi vous faites ça ?

–Le monde dans lequel nous vivons est contrôlé dans l'ombre par un groupe dont nous ne connaissons pas encore le nom, nous voulons être libre sans qu'un groupe de personnes décide de nos vies, de qui doit vivre ou mourir.

–Ils peuvent vraiment faire ça ?

La femme à tête de sanglier me répond :

–Tu n'es pas obligée de me croire, mais tout à l'heure, dans un hôpital du coin, enfin de notre coin à nous, une personne qui est morte sur la table d'opération à cause d'une chirurgie à cœur ouvert aurait pu avoir une transplantation, mais le directeur a décidé du contraire voulant garder pour ses "amis" les organes en question.

Sa révélation me fait l'effet d'un coup de poing, je peine à demander :

–Comment s'appelait la victime ?

–Sonia, un truc comme ça, désolée, je n'ai pas de mémoire pour les noms.

–Solène ?

–C'est ça ! Tu l'as connu ?

Je hoche la tête, si tout est vrai alors c'est inacceptable, sa mort ne l'est pas, elle ne méritait pas ça, une colère sourde gronde en moi :

–Je peux vous rejoindre ?

La personne au masque d'ours me répond :

–Si tu le veux, tu seras l'Orgueil qui nous manque.

–Très bien.

Je m'avance vers la sortie en disant :

–À tout de suite.

Je traverse la porte et fait une chute vertigineuse, le sol a disparu ? La tête en bas, j'aperçois au loin ce qui ressemble à une plage, on dirait une mer d'étoiles brillante, je fonce directement sur le sable, ma chute est ralentie comme par magie, à l'approche de la plage au moment où je traverse le sable, je sens mon corps brûlé, je ne ressens aucune douleur juste une sensation de bien-être, Dieu me l'avait dit que le paradis jugeait ceux qui rentrent et ressortent, ce qui reste de mon corps s'élève vers l'immensité de l'espace, je perds pied, serait-ce ça la mort ?

Tout le groupe se retrouvent sur la plage sans aucune trace de celui dont nous venons de faire la connaissance, je dis aux autres :

–C'était à prévoir, les deux autres personnes avant lui ont connu le même sort. Rentrons, nous n'avons plus rien à faire ici.

On rentre chez nous et sur le chemin, je dis aux autres :

–En rentrant, il va falloir qu’on se penche sur ce directeur d'hôpital.

Dans le paradis :

Je regarde père qui a les yeux tournés vers le ciel, l'air pensant, je lui demande :

–Qu'est-ce qui attire ton attention ?

–Dommage pour lui, mais j'ai tenu ma promesse.

Je le touche doucement :

–Qu'est-ce qui se passe exactement père ?

–Rien, j'attends toujours l'être qui sera mon égal.

–Et quand arrivera-t-il ?

–Il arrivera incessamment sous peu, les rouages sont en place. Le changement approche.

"Aujourd'hui deux comètes passeront à côté de notre terre, d'après les experts, ils viennent tous deux de la voie lactée d'Orion, la comète Solène et Orion resteront visibles durant plusieurs heures avant de partir en direction du soleil où ils finiront leurs voyages. Je trouve cela romantique mon cher Frédéric, qu'en pensez-vous ?

–Cela serait comme deux amants qui feraient le tour de France ensemble, très chère Marion"

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Oneworld ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0