Chapitre 16 : Un père, un ennemi.

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Je tourne encore et encore dans ma tête cette nuit, incapable de supporter l'idée de ma bêtise. Heureusement pour moi les enfants sont maintenant en sécurité au temple pendant que moi, je travaille au théâtre pour me vider la tête. J'ai tout de même dû expliquer aux jumeaux l'attaque de Hank, mais j'ai évité soigneusement d'en dire trop. Mentir même par omission n'avait jamais été dans ma nature et ces derniers temps, j'ai bien du mal à me reconnaître. La seule explication plausible pour moi, c'est qu'être aussi étroitement liée à un corps humain a changé certaines choses en moi, restait à savoir à quel point. C'est tout à ces pensées que je finis ma représentation pour me précipiter dans ma loge. Je n'ai pas envie comme à mon habitude de faire le tour des tables et de discuter avec les clients. Ce soir, je désire plus que tout, c'est la solitude et la tranquillité. Je me fige soudainement au moment où je franchis la porte de la loge, le regard entrant en collision avec un bleu reptilien désormais plus que familier. J'ai tout juste le temps d'avoir un mouvement de recul que la poignée m'échappe des mains pour laisser la porte claquer violemment en se refermant malgré moi dans mon dos.

-Mais je t'en prit entre donc Déesse.

La voix du serpent claque, elle aussi comme un coup de fouet dans l'air et ma respiration se coupe le temps d'un battement de coeur. Il a donc aussi découvert où je travaille... L'éviter ne serait donc plus possible. Je soupire avant d'avancer calmement dans la pièce. Je saisis un peignoir que j'enfile pour couvrir mon corps qui porte encore ma tenue de scène pas vraiment à mon avantage. Difficile d'avoir l'air terrible quand on est pas mal dénudée, mais je tente quand même un regard froid et en colère, alors que mes talons martèlent le sol. J'appréhende le face-à-face, me demandant ce que je préférerais comme réaction. Je me prends même à espérer qu'il n'est pas entendu les mots qui ont franchi ma bouche malgré moi la nuit dernière. Je cherche la réponse dans ce regard acier qui me toise sans y trouver autre chose que la colère et le mépris. C'est très certainement la seule chose qu'il puisse encore ressentir. S'en est presque rassurant après tout. Pourtant, je ne prends pas la parole. Je soutiens ses yeux bleus, les bras croisés debout à quelques pas de lui en me concentrant pour calmer les battements frénétiques de mon Coeur. Battement qui prennent un autre rythme lorsque je le vois se lever pour venir réduire la distance que j'ai soigneusement maintenue entre nous . A présent, nous sommes si proches que je peux sentir son souffle me brûler le visage et capter dans ses prunelles qu'il y a la douleur en plus des autres émotions que je lui inspire. Il se penche un peu comme s'il n'était pas assez proche et je dois lutter pour obliger mon corps à ne pas bouger.

-Je me rappelle de tout... Si j'ai été surpris en te reconnaissant à ton retour. Hier, tu t'es surpassé.

Ainsi donc il se souvenait de cette seule et unique nuit. Cette erreur qu'a faite Cordélia en se donnant au seul homme de toute la création qu'elle aurait dû éviter. Je ne sais comment réagir et instinctivement, je me mords la lèvre inférieure alors que mon regard n'arrive plus à le fixer. Je hausse les épaules finalement remontant de nouveau mes yeux sur lui. S'il voulait leur faire du mal pour m'atteindre, je ne le laisserais pas faire. Je préfère mille morts plutôt qu'il s'approche de mes enfants. C'est avec beaucoup moins de douceur qu'il a pris la parole que je réponds.

- Ne t'approche pas de mes enfants où tu le regretteras
- Tes enfants ?! Voyez-vous ça... Il semble pourtant qu'ils ne soient pas que les tiens.
- Et cela n'avait pas l'air de te préoccuper à l'époque où cela c'est passé....

Je ne termine pas ma phrase interrompue par la main du serpent qui se retrouve subitement à serrer ma gorge. Pourtant, je ne baisse pas mon regard, au contraire, je le fixe sentant tout mon corps trembler de rage. Je me fiche bien de ce qui peut se passer dans sa tête. Je me fiche encore plus qu'il puisse me broyer la trachée. Je veux plus que tout l'empêcher de s'approcher des jumeaux. Un rictus déforme les traits de mon visage alors que j'articule difficilement tandis que ma main se pose doucement, mais fermement sur la sienne. J'appuie dessus laissant filtrer des vagues d'énergies l'obligeant malgré lui à me relâcher.

- C'est difficile de ne pouvoir accuser l'autre de toutes les erreurs, hein ?

Tout aussi soudaine que son attaque, le voilà qu'il me laisse et recule à peine. Toute sa colère s'est évanouie et c'est la première fois depuis que nous nous affrontons qu'il pose un regard complètement vide sur moi. À cet instant, il est plus proche du démon que de l'humain. Un frisson glacé me traverse de part en part. Je n'aime pas ne pas lire en lui et il le sait, car il aborde se sourire qui me donne des envies de meurtre. Il tend de nouveau la main et le bout de ses doigts gantés frôle la ligne de mon coup avant qu'il ne murmure.

- Ce qui est fait est fait...
- Et il ne faut pas revenir sur le passé, ni le regretter. Oublie qu'ils existent.
- C'est impossible Hécate, j'ai sentis leur puissance....

À ce moment précis, je perds mon sang-froid. Ma main se lève et vient atterrir avec violence sur la joue du serpent. Je me paralyse le souffle court et le regard surpris fixant le sang au coin de ses lèvres. Un bref instant de silence flotte entre nous avant que je n'entende son ricanement. Il passe sa langue sur la plaie alors que son regard se plante dans le mien. La seconde d'après il se retrouve contre moi sa main tirant mes cheveux avec force et l'autre glissant sur ma hanche. Il vient murmurer tout contre mon visage un sourire au coin des lèvres.

- La grande et puissante déesse qui perd son sang froid ?! C'est une première Hécate...

Le regard qu'il me porte à cet instant et celui d'un lion affamé guettant sa proie et me fait regretter de l'avoir laissé avoir accès à cette faiblesse. Je frissonne, pas seulement de peur à ma plus grande honte, mais je ne suis pas sûre de comprendre exactement tout ce qui se passe, la seule chose qui est sûre, c'est que je dois me libérer de lui. Un silence s'installe entre nous et je prends conscience que la douleur infligée par le rituel glisse entre nous. Je me dégage d'un mouvement sec et recule brutalement sous son air amusé. Il se redresse et met ses mains dans ses poches avec nonchalance.

-Cela ne fait que commencer Déesse, nous nous reverrons... Comme à chaque fois.

Il disparaît soudainement, me laissant seule dans la loge.

[...]

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