L'enfant de glace

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Mon cher petit cœur,

Excuse-moi d'avoir reproduit, avec toi, ce qu'on m'a appris.

Tantôt muette, tantôt discrète, je t'ai ignoré, bafoué et mis de côté pour ne pas déranger. Tout cela pour continuer d'être l'enfant parfait, celui pour lequel il n'y a nul besoin de s'inquiéter.

Je t'ai emprisonné dans la glace alors que ton feu me brûlait. Tu ne demandais qu'à être écouté, compris et entendu. Pourtant, moi, au lieu de te défendre corps et âme, je t'ai bâillonné, et j'ai préféré donner raison à ceux qui voulaient que tu te taises, à ceux qui voulaient étouffer tes braises.

Excuse-moi, j'ai fait cela croyant nous protéger.

Je réalise aujourd'hui que je nous ai mis en danger. La glace ne peut emprisonner le feu, et j'ai fini par me laisser consumer en silence.

Je t'ai caché, et j'ai sans cesse redoublé d'efforts pour faire oublier aux autres que tu existais. Je pensais que leur cœur était plus important, plus à plaindre, plus impatient que toi. Pendant ce temps, tu trépignais, tu souffrais de porter les autres sans que personne ne te rende la pareille. Pourtant, tu ne manquais pas d'âmes charitables autour de toi, mais je t'interdisais de prononcer un seul mot de trop.

Pardonne-moi, je pensais que c'était dangereux.

Tu m'as guidée, tu m'as aimé sincèrement. Et moi ? Je t'ai rejeté. J'ai vécu selon ce qu'on attendait de moi, dans une ombre qui n'était pas la mienne, en t'oubliant peu à peu. Je t'ai fait disparaître pour laisser le pilote automatique prendre le relais.

Lui, il me permettait de survivre.

Toi, tu me permets de vivre.

Pardonne-moi de l'avoir appris à nos dépens.

Je t'ai offert à d'autres avant même de te garder un peu pour moi. Je t'ai jeté en pâture comme un appât, en imaginant que c'était un sacrifice nécessaire. Je suis amoureuse de l'amour, et tu en as beaucoup pâti. J'ai accepté d'aimer et de souffrir, car ce sont les règles de ce jeu. Mais je t'ai sacrifié au nom de l'amour, en omettant de panser tes plaies après chaque rupture.

Pire encore, je te tapais dessus et te rappelais à quel point tu étais faible et stupide, alors que tu étais suffisamment fort pour supporter ce soudain vide.

Brave petit cœur, tu finissais toujours par devoir te soigner seul, sans mon aide. Tu œuvrais dans le silence, attendant patiemment le jour où je finirais enfin, moi aussi, par te porter fièrement.

Accorde-moi ton pardon, petit cœur.

Je m'en veux, mais tu as mille raisons de m'en vouloir plus fort.

Aujourd'hui, je me défends au rythme de tes battements. Alors, bats fort quand il faut hurler, et je te laisserai parler.

Ces mots qu'on m'a jetés à la figure pour justifier ton absence, je les retire de toi, et je te dis enfin que tu as le droit.

Tu as le droit d'être là, dans ma poitrine.

Tu as le droit de battre et de faire du bruit.

Tu as le droit de me faire pleurer.

Et moi, je n'ai plus le droit de te négliger.

Si pour eux tu continues de ne pas exister, ce n'est pas grave.

Moi, je sais que tu es là.

Je prendrai soin de toi, désormais.

Alors, fais fondre délicatement cette glace dans laquelle je t'ai fait prisonnier.

Ne me brûle pas, et je ne te glacerai plus. Laisse les gouttes d'eau s'écouler doucement, et j'admirerai ton travail libérateur et apaisant.

Tu me soignes, et à présent je te soignerai en retour.

Je t'aime.

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