Réponse à "La mystérieuse enveloppe"

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Bam !

Bruit sourd, provenant de la cuisine. Gin sursaute, les yeux grands ouverts sur l'obscurité.

Boum, boum.

Un battement de coeur, deux battements de coeur. Son palpitant s'emballe, se calme, revient à la charge. Les yeux noirs roulent dans leurs orbites, glissent sur la nuit. Rien. Des ombres dans les ombres, hallucinations, effets d'optiques, package complet du réveil en sursaut, de la peur viscérale qui lui broie la poitrine.

D'un grand geste, Gin repousse la couverture, plonge dans ses chaussons poilus et se traine jusqu'à la porte. Long grognement entre ses lèvres sèches. Les doigts tâtent le mur du couloir, ne trouvent aucun interrupteur. Grognement plus terrible, encore, au fond de sa gorge. Ours mal léché sorti de force de son hibernation. Dangeureuse situation.

La porte de la cuisine grince en s'ouvrant. Faible lueur, à l'extérieur, qui entre par les carreaux et nimbe l'ilot central d'un halo lumineux, féérique au premier battement de cils, effroyable au second battement de cils sur ses yeux noirs. Gin s'arrête net, en apnée.

Sur le tabouret, un homme.

Une silhouette sombre qui sirote un café.

Son café. Dans sa cuisine, sa maison.

Question brûlante sur les lèvres, ses poumons halètent, prennent une grande inspiration, expirent la colère et l'indignation, reviennent à de meilleures préoccupations : un inconnu dans sa maison.

Clic.

La lumière fuse dans toute la pièce. L'homme sursaute, renverse son café partout sur lui, par terre. Ca dégouline du menton, le long de la gorge, sur une chemise qui fut blanche. Gin sent la fierté monter. Bien fait, fallait pas squatter et voler, petit con ! Les mots restent bloqués entre ses dents, coincés au milieu de tous les autres qui veulent sortir en même temps.

- Tu-ble-ehé-pr-qui ?

Baraguouinage incompréhensible, l'homme disparait au prochain battement de cils.

- Putain de merde !

La diction lui revient. Les neurones se réveillent, le cerveau enclenche la seconde, puis la troisième, file à toute vitesse sur l'autoroute de l'incompréhension. Les longs doigts sombres viennent gratter la nuque penchée, à l'écoute de la moindre idée, information, ne serait-ce qu'un petit indice pour expliquer l'étrange phénomène au beau milieu de la nuit.

- Faut arrêter les pétards avant de dormir, Gin, s'énerve la perplexité au fond de son crâne.

Seule explication valable, sans doute.

Qui n'explique en rien l'enveloppe sur le comptoir, pleine du café que l'autre a renversé. Gin approche lentement, comme pour se protéger d'une autre apparition, incantation ou quelconque invocation de démon, familier, grolem de fer et d'acier.

Ce n'est qu'une enveloppe, humide, qui dégouline et ne sent pas bon. C'est quoi cette merde ? Un déchet ? Gin a très envie de la jeter, direction la poubelle, l'incinération, tout le monde évite les problèmes. Sauf s'il revient chercher son bout de papier mouillé.

Nouveau grommellement de l'ours mal léché. Gin a conscience qu'il ne faut pas attendre trop longtemps pour se décider. Bientôt, le café transpercera l'enveloppe et imbibera le papier, l'encre se mêlera au liquide puant et les mots retourneront au néant.

L'hésitation fait trembler sa main, un instant. Gin fronce les sourcils, pince les lèvres, se demande ce qu'il peut y avoir de si terrible dans une si petite enveloppe. Le papier se déchire presque de lui-même, entre ses doigts fins. A l'instant où ses ongles plongent à l'intérieur pour récupérer le message, le monde sombre, redevient noir.

La nuit reprend.

~ ZzzzZ ~

Bam !

Bruit sourd, provenant de la... d'où ? Gin sursaute, les yeux grands ouverts sur le couvert des arbres. Balancement tranquille des branches, au dessus de sa tête. Apaisant, d'abord. Inquiétant, dans un second temps. S'endormir dans la cuisine, se réveiller dans la forêt, ça n'a pas le moindre sens, surtout quand on n'a pas une once d'alcool dans le sang.

Gin se relève, douleur lancinante dans le dos, poussière plein ses cheveux sombres et emmêlés. Ce bruit sourd... Etait-ce sa dure chute au sol ?

Juste à ses pieds : un cadavre... ou ce qui aurait pu en être un sans la respiration sifflante entre des dents serrées. L'homme de la cuisine, avec sa chemise tachée de café, son crâne chauve et sa vieille tête de squatteur. Il a, en vérité, une tête tout à fait normale, avec un visage des plus communs, sur un corps tout aussi moyen, mais Gin a les nerfs et ne veut pas faire d'efforts de sympathie.

Soubresaut infernal dans le corps du cadavre. Gin s'écarte, par précaution. L'autre n'a pas l'air fréquentable, ni même de bonne augure. Vilain corbeau aussi noir que son costume.

- Vous avez été-... ! s'écrit l'autre, mi-endormi, en bondissant sur son cul. Bonté divine !

Il passe une main sur son crâne chauve, a l'air de réfléchir, de réfléchir, de réfléchir... Les connexions ne sont pas plus vives que la lueur éteinte de ses yeux verts. Gin hausse un sourcil, perplexe, se met sur ses pieds sans faire mine d'aider l'autre, à terre.

- Oh ! Vous êtes là !

La joie de l'homme n'est pas contagieuse. Il se dresse de sa petite hauteur - il lui semblait plus grand, assis à son tabouret, dans sa cuisine, à boire son café. Il prend le temps d'épousseter ses vêtements, de se râcler la gorge plusieurs fois comme un comédien avant de monter sur scène, puis se pare du plus grand et radieux des sourires en tendant, à Gin, une main gantée.

- Ravi que vous ayez accepté l'invitation, Gin ! s'enjaille-t-il, le plus heureux des hommes, à n'en pas douter. J'avais peur que vous refusiez votre destin. (Gin ne peut s'en empêcher, ses yeux noirs tombent sur la tache de café, s'y fixent et ne veulent plus bouger.) Petite erreur de calcul, tout simplement.

- Comme la chute.

Gin est acerbe, la rage aux dents. Le comportement de l'autre l'énerve. Il prend les choses à la légère, fait des manières. Ca l'exaspère, ça fait bouillir son sang dans ses veines.

- Hm. (Nouveau raclement de gorge gêné.) L'erreur est humaine, comme on dit. (Rien ne le perturbe, lui et son sourire ravi.) Mais ce ne sont que des détails ! Je vous prie d'accepter cette couronne !

D'un grand geste théâtral, l'homme présente sa paume ouverte à Gin dont les yeux noirs disparaissent presque sous le froncement des sourcils. Les doigts gigotent dans le vide, nouveau silence plein de malaise et d'envie de lui faire avaler ses dents, nouveau raclement de gorge pour celui qui multiplie les boulettes. Trop humain, sans doute. Trop con, oui. Gin n'a plus de patience pour lui.

Claquement des doigts gantés qui, soudain, ne sont plus vides, mais tiennent bel et bien une fine couronne dorée, sertie de rubis et de saphir. Même sans y regarder de près, Gin doute de sa véracité et se demande s'il ne s'agit pas plutôt de plastique.

- Je disais donc : cette couronne ! Car vous, Gin, en acceptant cette chaleureuse invitation, avez accepté d'endosser le rôle de princ-...

Au mot "chaleureuse", son sang ne fait qu'un tour. Gin a perdu le moindre discernement, perdu le fil de la conversation, perdu le pourquoi du comment. Il ne reste qu'un poing serré si fort qu'il blanchit, brûlure de rage dans ses veines bleues. Gin serre la mâchoire, grince des dents, essaie de se contenir. A "rôle", les nerfs lâchent.

Le poing fuse, fend la brise, traverse l'espace en un rien de temps et choque contre le sourire de l'ahuri. Contact mou de la joue, résistance dure des dents. Le visage tourne, la phrase se coupe, les mots sont remplacés par ceux de Gin :

- Va te faire foutre !

Le rideau tombe, noir, s'ouvre, lumière intense qui lui pique la rétine. Gin cligne des yeux, se frotte les paupières, essaie de comprendre ce qui lui arrive. Table, tabouret, réfrigérateur. La cuisine. Sa cuisine. Home sweet home. Un rêve, sans doute. Presque un cauchemar. Toute fumerie désormais interdite avant d'aller dormir.

Dernier coup d'oeil à la cuisine avant de partir, retrouver les draps, la chaleur d'un bon lit, du repos amplement dû.

Les yeux noirs tombent sur le comptoir.

Tasse à café, tache sombre sur le carrelage blanc.

- Eh, merde...

Un petit joint, finalement, ne serait pas de refus.

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Table des matières

En réponse au défi

La mystérieuse enveloppe

Lancé par AresPhóbos

Vous vous réveillez dans la nuit et vous découvrez par la suite un inconnu en train de prendre un café dans votre cuisine. Surpris le fait, ce dernier disparaît abruptement, laissant derrière lui une enveloppe. En ouvrant celle-ci, vous tombez inconscient.e. Quand vous reprenez conscience, vous n'êtes plus sur Terre mais sur une autre planète. D'ailleurs, vous rencontrez ce même inconnu. Que faites-vous ?  


La seule contrainte est d'intégrer le mot « couronne ».

Commentaires & Discussions

Isek-aïeChapitre2 messages | 1 an

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