C'est étrange, mais on a grandi ensemble,

Séparément…

C'est étrange et c'était sûrement physique,

Du moins au début,

Du moins pour moi.

Je n'avais que quatorze ans, tu sais,

Et on est déjà « des vieux cons » (1), c'est vrai, à cet âge-là,

On se fantasme…

Alors, je te jalousais aussi, peut-être,

Comme je jalousais sans doute celles

Qui s'amourachaient de tant d'autres ;

Moi qui aurais tellement aimé que tu m'aimes moi…

On n'a pas vraiment flirté ensemble, du reste ;

Non, on valait bien mieux que tout ça !

Bien mieux que toutes les histoires de fesses,

Celles qu'on a eues dans d'autres draps…

Trente-cinq ans que je te regarde,

T'écoute ou t'affiche…

Trente-cinq ans d'amour platonique,

- Bien plus que toutes nos Divines idylles respectives -

Ça doit bien tenir à quelque chose !

De plus aérien, de moins palpable,

Que les battements de cils ou de cœur dont tu es coupable…

Il y a déjà ton charme, ta présence,

Tout ce qui, d'instinct, titille mes sens,

Et le grain de ta voix qui me bouleverse,

Et me délaisse, tout chose,

Me transit d'émois... D'et moi, et moi, et moi ?

Il y a eu la lolita-gamine,

L'allumeuse effrontée trop timide ;

Il y a aujourd'hui la mère, la femme, l'artiste,

La chanteuse-musicienne, parolière et actrice…

Ton grand-père disait de toi qu'un jour, tu t'envolerais,

Et il avait raison ; aujourd'hui encore, tu voles

Sur la même balançoire (2), juste un peu plus libre ;

Un peu plus sereine aussi…

On te raillait hier, chrysalide-funambule,

On attendait que tu tombes sans filet (de voix)...

T'es devenue papillon depuis,

Oiseau de Paradis même !

Un véritable standard en ex-enfant star

Qui s'installe et qui dure…

Alors ils te vénèrent et t'adulent en princesse,

Ma Vaness',

Tu intimides…

Et m'intimides moi,

Moi qui reste dans l'ombre,

Me déclarant sous couverture,

Dans un murmure,

En reprenant Ces mots simples

Que tu me susurres enfin :

« Je t'aime... » (3)

(1) : Référence à La chanson des vieux cons, composée et écrite par Benjamin Biolay, et interprétée par Vanessa Paradis sur son album Love Songs (2013).

(2) : Référence au film publicitaire L’esprit de Chanel (1991), réalisé par Jean-Paul Goude et dans lequel Vanessa Paradis devient l’ambassadrice du parfum Coco, ainsi qu’au clip de la chanson Ces mots simples (2018), réalisé par Jean-Baptiste Mondino, qui semble lui faire écho.

(3) : Paroles extraites de la chanson Ces mots simples (2018), composée et écrite par Samuel Benchetrit pour son épouse Vanessa Paradis.