Le monde du spectacle - une euphorie

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Ah, le théâtre.

Douce euphorie.

Un vrai kif quand on est gosse.

Non pas que la première montée sur scène m’ait particulièrement marquée, ni les suivantes. Pour moi, c'était un jeu dont je ne comprenais pas vraiment le sens, ni les enjeux. Je jouais, comme si j'avais été dans le jardin ou le salon.

Et pourtant, il y a ce jour. Gravé comme un tableau immuable. Celui où le metteur en scène m’a proposé un solo. Un chant. Lors d’une grande représentation.

Moi, je ne voulais pas. Je préférais jouer le rôle d'une petite orpheline avec mes amies. Frotter le sol et secouer les seaux comme des tambours.

Pas au-devant.

Derrière.

Toujours.

Mais quand il a lancé cette proposition devant tout le monde, j’ai tout de suite senti mon estomac se tordre et une boule se former dans ma gorge.

Pourquoi moi ?

Pourquoi maintenant ?

Et ces regards, ces sourires qui m’encourageaient à accepter. "Une chance", disait-on. Moi, j'avais les poings serrés. Trop lâche pour refuser. Je l'avais immédiatement regretté.

Je me souviens encore de la frustration qui m’envahissait en coulisses. Une perruque aux longs cheveux roses vissée sur la tête, des faux cils lourds de cinq centimètres et cette robe rosée, volante, presque féerique.

Le rêve de tout enfant, auriez-vous pu penser.

Pas le mien.

Je voulais pleurer. J'entendais mes amis jouer depuis la scène et moi, j'étais mise à part, exclue.

J’étais mal quand on a fixé le micro à mon visage.

J'étais mal quand la lumière de la scène s'est éteinte.

Et j'étais mal quand j’ai dû grimper sur ce bloc, haut, au moins 4 m dans ma tête d'enfant (sûrement moins en réalité).

Entre mes mains tremblantes, une brosse à cheveux tenue à l’envers.

Je la serrais si fort.

Et là, pour la première fois de ma vie, j’ai compris ce poids dans mon ventre, ce fourmillement désagréable qui irradiait ma poitrine. Ce n'était pas dû à mon vertige.

C'était du stress.

Le rideau s’est ouvert.

Les spots ont explosé mes yeux.

Je ne vous dirai pas comment j’ai surmonté les premières notes, ni comment ma voix s’est libérée. Je ne m’en souviens pas.

Tout ce dont je me rappelle, c’est la vision des silhouettes sur les deux premiers rangs. Le reste se noyait dans la lumière.

Et moi, j'ai juste chanté.

Ma voix n’a pas tremblé.

Mes mains se sont décrispées.

La chanson parlait d’une fille tombée amoureuse pour la première fois :

"Ton amour"

J'avais douze ans. Je ne savais rien de ces choses-là :

"Moi je veux ton amour"

Pourtant, je savais ce que ça signifiait : chercher désespérément à être aimée

"Ton amour"

Ma voix s'était laissée porter par ce refrain. J'espérais. Même après toutes ces années, j'espère encore que c'était assez bien :

"Moi, je t'aime pour deux"

Parce que j'avais mis tout ce que j’avais.

Quand la musique s’est tue, les applaudissements ont éclaté. Forts. Nombreux.

Sur le moment, j'ignorais que mes oreilles accueillaient surtout des échos qui ricochaient. J'ignorais aussi qu’un opéra comportait plusieurs étages et que, ce soir-là, les sièges étaient presque tous remplis.

Ils n’étaient pas venus que pour moi, bien sûr. Mais ce moment...

Il était pour moi.

Moi qui avais tant voulu me cacher derrière les seaux et les balais, à cet instant je me suis dis :

Finalement, ce n’est pas si mal d’être au-devant.

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