XX Parfois, tout déborde...

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Je n'arrivais pas à croire qu'il était là. Debout en face de moi, sur le pas de la porte, il attendait que je lui dise d'entrer. J'étais tellement mal à l'aise avec ce qu'il venait de se passer chez mon voisin que je ne savais quoi répondre.

  • Euh... Bonsoir, Nicolas, fis-je simplement. Viens, entre !

Il me sourit puis passa devant moi. Je refermai vite la porte en regardant sur le palier, pour être sûre qu'il n'y avait personne d'autre. Il n'y avait plus qu'à espérer que Rodrigues restât chez lui pour le reste de la nuit.

Mon mari se retourna vers moi et m'enlaça tendrement. Complètement retournée par tous les événements, je ne pus lui rendre la pareille. Il sentit que quelque chose n'allait pas.

  • Tu n'es pas contente de me voir ? me questionna-t-il.
  • Si, mais c'est si soudain... répondis-je. Je euh... Je suis surprise. Après trois ans sans nouvelle, j'avoue que je commençais à perdre espoir. Où étais-tu ?
  • Je ne peux pas t'en parler encore Gislann, tu sais que c'est dangereux pour vous.
  • C'est sur que de vivre sans toi est mieux, hein ? m'énervai-je.
  • Ma chérie, viens près de moi, me dit-il en m'attirant vers lui. Ça fait tellement longtemps que je chéris ce moment. Je ne veux pas qu'on se dispute. Je préfère profiter de chaque instant avec toi.

Il m'embrassa affectueusement. Des larmes perlèrent sur mes joues. Il me regarda dans les yeux et m'inonda de tendresse. Il essuya mes pleurs avec ses mains et maintint mon visage entre ses mains. Il les fit glisser le long de mon cou et les passa dans mon dos. Mon corps se détendit sous ses caresses. Il se colla à moi et je sentis la tension qui l'habitait. Je glissais mes mains sous ses habits et sentis de nouveau ce corps que j'avais tant aimé. Je déboutonnais son pantalon, pour libérer son sexe bandé. Il m'embrassa dans le cou et je me liquéfiai à son contact. Tout autour de nous s'évapora. Abandonnant tous mes ressentis, je laissai place à cet amour retrouvé. J'avais du mal à tenir sur mes jambes. Il me soutint puis me regarda.

  • Tu m'as tellement manqué, mon amour, me dit-il les yeux pleins de désir. Je suis fou de vivre loin de toi, loin de vous...
  • Oui, tu es fou ! rigolai-je.
  • Je suis fou de toi, plaisanta-t-il.

Il me déshabilla affectueusement et moi je le regardais faire. Il jeta mes habits dans le salon et me conduisit dans la chambre. Il déposa des baisers sur toutes les parties de mon corps. Je voyais le sien se raidir contre moi et en savourai chaque parcelle. Il me susurra des mots d'amour et me goûta. Ses baisers me firent chavirer.

  • Non, attends un peu, mon amour, me répétait-il savoureusement. Je veux te faire l'amour doucement et lentement.

Je lui souris et me laissai bercer à ses belles paroles. Il m'envoûtait. Ne pouvant plus se retenir lui-même, il me pénétra doucement. Je remontais mes jambes sur lui, l'enserrant contre moi. Je passai mes mains dans son dos musclé et nos corps ne firent qu'un, enfin. J'aimais tant le sentir en moi. Nos corps dansèrent au même rythme, nous emportant ainsi dans un moment d'extase inouïe. Nos corps finirent par se relâcher, nous laissant transpirants et comblés. Nous restâmes là encore quelques instants savourant nos retrouvailles.

Il vint s'allonger près de moi, et me serra contre lui. Son corps chaud près du mien raviva la flamme qui s'éteignait.

  • Nous pourrions faire un autre enfant, dit-il soudain.
  • Un autre enfant ? répétai-je surprise et projetée dans ma réalité.
  • Oui, un autre enfant, affirma-t-il, ses yeux brillants dans les miens.
  • Non, Nicolas, dis-je blessée, pas d'autre enfant, lançai-je en me levant. Je vais prendre une douche.

Puis, sortant rapidement, j'allai me réfugier dans la salle de bain que je fermai à clef. Je laissais l'eau brûlante couler sur moi. Toute la magie s'était envolée en quelques secondes. J'avais mal au ventre et étais dégoûtée. Je vidais mes angoisses dans la baignoire et éteignis l'eau. Je sortis rapidement et couvrais mon misérable corps qui en réclamait encore.

J'ouvris la porte de la salle de bain et tombai nez à nez avec lui.

  • Qu'est-ce qu'il y a, Gis ? m'interrogea-t-il.
  • Je, euh... cafouillai-je. La vie que nous vivons avec les filles, n'est pas celle que tu crois. C'est dur Nic ! Tu ne te rends pas compte de ce que tu dis...
  • Qu'est-ce qui ne va pas ? insistait-il. Explique-moi !

Je voulais fuir cette conversation. Je passai devant lui pour aller dans le salon. J'ouvris le frigo faisant mine d'avoir faim. Il arriva derrière moi, fermant la porte que j'avais entre les mains.

  • Parle-moi Gis ! m'ordonna-t-il.
  • Mes travers sont revenus.
  • Tu t'es remise à boire ?
  • Oui, je me suis remise à boire... avouai-je.
  • Mais depuis quand ? m'interrogea-t-il.
  • Je ne sais plus trop... Depuis que tu es parti, je pense.
  • Merde, Gis ! s'exclama-t-il. Mais pourquoi n'as-tu rien dit ?
  • Ben, explique-moi comment j'aurais pu t'en parler ? m'emportai-je, me sentant accusée. Tu étais où toi, pendant que je consolais tes filles de leur tristesse de ne plus avoir de père ? Tu étais où, quand Judith me bombardait de questions à ton propos ? Et quand elle ne me parlait plus pendant des semaines en me reprochant ton absence ? Mais réponds donc, Nic ?
  • Je...
  • J'étais dépassée, tu comprends ça ? Puis la dernière fois que tu es parti, je me suis faite une raison. J'avais bien compris que tu ne reviendrais pas ! m'enflammai-je.
  • Mais je...
  • Mais tu as tout raté, voilà ! Et puis, je suis tombée enceinte de notre fils. Et toi, tu faisais quoi ?
  • Je n'étais pas loin. Je vous....
  • Ah, oui, c'est vrai ! criai-je. Nic notre protecteur ! J'aimerais savoir où tu étais quand on m'a annoncé qu'il était mort dans mon ventre, hein ? Tu nous protégeais là aussi ?

Ma voix se brisa dans un sanglot. Je n'avais pas encore tout sorti, mais je n'arrivai plus à parler.

  • Je n'étais pas loin, Gis, je t'ai vue sortir de chez le gynécologue en pleurant. J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas.
  • C'est là, que j'ai recommencé à boire, déclarai-je en le regardant dans les yeux.
  • Je suis tellement désolé de l'entendre, dit-il plein de remords.
  • Foutaises ! Pourquoi n'es-tu pas venu me voir ? Tu aurais dû être avec moi dans cette épreuve !
  • Mais je ne pouvais...
  • Tu étais où, quand je suis tombée dans les escaliers complètement ivre, hein ?
  • J'étais là, Gis, confessa-t-il, c'est moi qui ai appelé les secours quand c'est arrivé. Un voisin était là, lui aussi. Je ne voulais pas me faire remarquer et suis resté en retrait. Je ne voulais pas vous exposer à ces brutes !
  • Mais quelles brutes, tu peux m'expliquer ? m'emportai-je. Tu penses que de rester évasif et secret est suffisant, Nic ? Toi et tes soi-disant allusions à je ne sais quoi ! Je commence à en avoir ma claque !
  • Je ne...
  • Tu m'as laissée tomber, Nic. N'essaye pas de te justifier, ce n'est pas recevable, déclarai-je blessée.
  • Je suis restée près de vous tout ce temps, Gis, j'ai fait du mieux que j'ai pu ! se défendit-il. Tu sais très bien que ma sœur était en danger. Elle et aussi Lucas ! Son mari s'était fait assassiner quelques années plus tôt et je passais mon temps à la cacher. Je me suis battu pour lui refaire une autre identité et qu'elle refasse sa vie. Je ne savais pas tout ce qu'il se passait ici, comment j'aurais pu le deviner ?
  • Tu sais, quand on sort de la vie de quelqu'un, il ne suffit pas de l'épier du coin de la rue pour savoir ce qu'il se passe dans sa vie ! Mais enfin, dans quel monde vis-tu ?
  • Ce n'est pas parce que tu ne me voyais pas que je n'étais pas là ! se vexa-t-il.
  • Ah oui ? Et quand j'ai dû accoucher de Benjamin, où étais-tu ? Et quand nous l'avons mis en terre, hein ? Tu peux me dire où tu étais ? Tu étais où Nic ?

Des sanglots m'étouffèrent mettant ainsi un terme à mes mots. Je me laissai tomber le long du mur en m'asseyant par terre. Nic vint vite près de moi mais je le repoussai violemment. Il revint à la charge me maintenant contre lui. Je me débattis et frappai son torse. Je lui criai ma colère et son abandon avec mes larmes et mes poings, je n'avais plus que ça... Il me caressa les cheveux et je me mis à pleurer mon fils mort. Je l'appelais comme s'il pouvait ressurgir de mon passé et venir m'enlacer. Nic se mit, lui aussi, à pleurer cet enfant perdu. Il laissa sortir sa peine dans des sanglots inexprimables. Nous avions partagé la naissance de deux vies qui nous unissaient et là, c'était la mort qui nous liait. Notre affliction n'était qu'une peine insatiable se nourrissant de notre chagrin infini. Je me laissai aller près de cet homme qui partageait mes blessures. J'arrêtai de le frapper, de crier et restai là, dans le noir et le silence, à sécher mes larmes contre son corps dénudé.

Il passa un bras sous mes jambes puis l'autre dans mon dos. Je m'agrippai à son cou puis il me souleva en douceur. Il me déposa dans le lit et me déshabilla. Je roulai sur le côté, lui tournant ainsi le dos. Il vint se blottir contre moi, m'enveloppant d'amour et de tendresse. Tant de douceur m'apaisa. J'étais complètement épuisée de tous ces changements de situation. J'étais passée de la frustration à la surprise puis, étais retombée de l'extase dans mes plus lourdes peines. Je me retrouvai sans force et vidée. Le sommeil vint m'attraper et ce soir, je ne pouvais plus lutter.

Plus tard dans la nuit, mon corps répondit à ses caresses mais mon cœur restait brisé. Nous fîmes l'amour comme des adolescents, répondant chacun à la chaleur de l'autre, partageant, ce coup-ci, le même désir ardent...

Le lendemain, je me retrouvai endolorie et très fatiguée. Je glissai une main de l'autre côté du lit. "Était-il toujours là ?" Au vu du manque de chaleur sous les draps je connaissais déjà la réponse. Je ne pris même pas la peine de regarder quelle heure il était. Je me rendormis sur un coussin humide qui récoltait le peu d'eau qu'il me restait.

J'entendis toquer vivement à porte. J'ouvris les yeux d'un coup mais restai couchée. Je ne voulais pas aller ouvrir. J'entendis des coups violents sur la porte. Je me levai et enfilai quelques habits pour aller voir qui c'était. Au travers du judas, je voyais Rodrigues qui faisait les cents pas sur le palier en se passant les mains dans les cheveux.

  • Ah, non ! soupirai-je, pas lui.

Je n'avais ni l'envie ni la force de le voir. Il recommença, tambourinant plus intensément, ne lâchant pas l'affaire.

  • Rodrigues ? dis-je en ouvrant la porte. Mais enfin qu'est-ce que tu as à frapper comme ça ?

Il me bouscula et entra sans être invité. Il était bizarre, il ressemblait à un animal.

  • Ce n'est pas le bon moment, Rodrigues, sors de chez moi, exigeai-je.

Il me regarda d'un air fou. Ses pupilles étaient dilatées et elles recouvraient pratiquement ses iris. Il vint vers moi et ferma la porte d'un claquement. Je commençais à avoir très peur, je ne le reconnaissais plus. Il s'approcha de moi et je reculai. En quelques enjambées il se tenait face à moi et je ne savais pas quoi faire. Il m'attrapa par le cou et me souleva puis me dit en chuchotant près de mon visage.

  • Nadie me da ordenes* !
  • Je ne comprends... tentai-je de dire. Tu me fais mal... sortis-je en mettant mes mains sur les siennes.

Il me jeta à terre et j'allais m'écraser sur le sol, rebondissant contre le canapé. Je me redressai vite pour tenter de le fuir, mais il arriva devant moi et me gifla tellement fort que je retombai à terre. Il se retourna et il semblait essayer de se contenir. Il semblait y avoir un combat intérieur, mais le mauvais l'emporta.

  • Me debes respecto y debes tratarme de usted* ! cria-t-il soudainement.

La tête me tournait, je n'arrivais plus à y voir clair pendant quelques instants. Il m'empoigna par les cheveux et me redressa. Il me souriait d'un air sadique et j'avais bien l'impression que j'allai passer un sale quart d'heure. Il me gifla encore et m'arracha mes habits. Je tentai de me couvrir du mieux que je le pouvais mais en vain, mon corps lui était exposé. Il me toisa de son regard de bourreau et je me demandais bien qui était cet homme qui me battait. J'essayais de le ramener à la raison avec des mots calmes mais rien n'y faisait. Il s'approchait de moi en me regardant parfois avec un regard de pitié et j'avais l'espoir que le bon en lui refasse surface. Je ne comprenais pas cette attitude contraire. Il se retourna de nouveau et marcha dans l'appartement. Je tentai de m'enfuir dans la chambre mais il me rattrapa par la jambe et me traîna par la cheville. Il me redressa face à lui, je vis son poing se lever et m'attendais à le recevoir quand le cri de Mila vint rebondir dans l'appartement. Les pas de Judith et Soan se firent entendre et je les aperçus rentrer en trombe dans le salon.

Mon persécuteur se retourna sur eux et l'angoisse me tordit le ventre. Je ne voulais pas qu'il s'en prenne aux enfants. Il me relâcha et je tombai à terre. En rampant, je tentai de le rattraper par le pantalon. Un coup de pied s'abattit sur moi, m'ouvrant la lèvre, puis il se détourna de moi pour aller vers eux.

*Personne ne me donne d'ordre.

*Tu me dois le respect et tu dois me vouvoyer.

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