Mamie, Chère grand-mère
« J’ai perdu le grand carnet où je consignais mes pensées. J’essaie de le reconstituer mais en vain. Je suis à la recherche de ma vie antérieure. Je n’ai plus le plaisir d’en revivre certaines étapes.
A présent, Je suis bien fatiguée, je suis vieille et je vous prie de me laisser … » - S.O
Ma mamie, ma chère grand-mère,
On dit qu’« il est des êtres dont c’est le destin de se croiser. Où qu’ils soient. Où qu’ils aillent. Un jour ils se rencontrent. » - Claudie Gallay.
Ajoutes-y un RE, et ça s’appliquera parfaitement à nous.
Ou peut-être pas. Parce que l’être que tu recroiseras un jour n’est pas la petite fille que t’as laissée, mais … moi. Désolée de te décevoir.
Je ne me rappelle surement pas des quelques années que j’ai eu la chance de partager avec toi. Mais ça n’a pas dû être … typique.
Parce que j’ai beau chercher, j’ai beau essayer de trouver une réponse… un sens à ce lien fort qui nous unit, à cette connexion que je ressens, à cette chose qui nous garde attachées l’une à l’autre malgré la distance. Et je ne parle pas de quelques milliers de kilomètres là, mais d’un ciel, d’un univers, d’une vie. Mais je n’y arrive pas, ç’a m’échappe complètement.
Tout nous sépare…tout nous unit.
Les étoiles sont présentes en ce soir d’été, je suis donc certaine que tu es là, que tu m’entends, que tu me regardes, que tu veilles sur moi.
Je sens une brulure dans mon estomac, et je suis presque sûre que ce n’est pas à cause du verre de Vodka que je tiens dans ma main.
Hier soir, j’ai rêvé de toi. Et bien que mes rêves aient tendance à être irréalistes, je ne pense pas que celui-là en était un. Bon… peut être un peu.
J’ai rêvé que tu étais morte, certes, mais que tu es revenue à la vie, et c’était presque…normal. Normal pour tout le monde, à part moi. Moi… j’avais les larmes aux yeux, moi je ne te regardais pas, je te contemplais. Et j’essayais de t’arracher quelques minutes de ton boulot dont je n’ai pas compris le sens, mais qui était dans un bureau prestigieux plein de journalistes et de personnes…tu sais, comme on les aime. Bien droits, bien vêtus, bien charismatiques, et bien importants.
Je ne crois pas en la réincarnation, enfin … pas trop. Mais je crois à la magie. Ce n’est pas possible d’avoir tant de similarités, quand il y a un siècle moins quart qui nous sépare. Ce n’est pas possible d’avoir autant de points en commun.
Jusqu’à hier, je pensais que seuls nos manières, nos gestes et quelques traits de nos caractères se ressemblaient, malgré que ce ne soit pas négligeable.
Voilà qu’aujourd’hui, je tombe sur un des groupes de mots que tu as rédigé quand tu étais... tu sais…en vie.
Mamie, nos pensées aussi sont pareilles hein ?
Dis-moi, dis-moi que je ne suis pas la seule à être … comme ça . A être cet être bizarre qui change d’humeur comme il change de chaussettes. Dis-moi que toi aussi tu avais une joie de vivre à faire de l’ombre au soleil, mais que tu avais des moments où tu voulais juste… te poser, et ne plus te lever… où tu voulais qu’on te fiche la paix, qu’on te… « laisse ». Même si tu étais devenue comme ça que quand tu as vieilli, ça me va. Tu as du surement le constater, j’ai tout connu en avance. Les sorties, les amours, le bac, la fac, même le deuil….
à croire que ce maudit permis fait l’exception.
Bref.
Tu sais Mamie, J’ai envie de te dire tellement de choses, mais en même temps. Je n’ai rien à te dire. Je ne veux pas que tu regardes cette merde que je suis. Je ne veux pas te décevoir, parce que tu sais, moi je veux te rendre fière, pour que tu puisses parler de moi aux anges . Après tout, mon souhait c’est d’être populaire sur terre, mais la haut.. ça me va aussi.
Mais en vérité, Mamie, je suis fatiguée, très fatiguée. Je veux mourir, au moins pour quelques années. Je ne veux plus avancer, et même si je le voulais, je ne peux plus le faire. Je suis à court d’essence. Je suis à court d’énergie. On m’a volé ma bonne humeur, on m’a volé mes ambitions, mes rêves, et le peu de positivité que j’avais.
Je ne me sens plus capable, mais je fais mine d’être forte, parce que les jaloux aux intentions plus mauvaises que leurs culs, ça existe. Et moi, Je ne laisserai à personne l’occasion de me rabaisser. Mais tu sais ce qui est plus grave ? C’est que ce ON dont je te parle, je ne sais pas qui c’est. Ce voleur, ce voyou, Je ne l’ai pas trouvé, et j’ai peur. J’ai peur de le chercher. Je crains la réponse, Je suis terrifiée par l’idée que… ça pourrait être…. Moi.
Parce que si c’est ça, ça voudrait dire que Je n’aurai personne à reprocher. Personne à part ma petite personne. et dès lors, tout prendrait fin. Ce serait un Game Over. Parce que je sais que là, je ne pourrai pas me relever de ma chute. Je ne pourrai pas me regarder de nouveau dans la glace sans la casser. Ou simplement faire face à la réalité douloureuse, ou à mon autre facette, tu sais, cet être méprisant, cette grande gueule qui ne la ferme jamais, cette fille exigeante.
Alors Mamie, souffle-moi la réponse, envoie-moi la solution, profites en pour me rendre visite, pour faire de mes cauchemars un rêve.
Toi seule pourra me guider, toi seule pourra me comprendre. Après tout…On n’a même la même manière de couper court aux petits textes qu’on écrit, avec trois points tellement mal fichus, qu’on dirait trois tirets de 8, quand on n’a plus envie de continuer à réfléchir. Quand on n’a plus envie de se noyer dans nos illusions et nos pensées profondes les plus dangereuses.
Je t’attends Mamie, ne tarde pas, sinon, tu risques de ne pas me trouver… Ou alors,tu risques de me trouver près de toi, directement.
-I.O
Annotations
Versions