Un Halloween pas comme les autres...

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— Mais enfin, mamie ! Elle ressemble à un clown, comme ça !

Mon cousin venait de me briser les tympans. Sa voix de crécelle résonnait dans ma boîte crânienne, rebondissant sur chaque paroi. Je devais reconnaître qu’il avait raison. Les auréoles de faux sang dessinées sur mes joues venaient de saboter mon maquillage. Dommage… mamie y avait mis beaucoup de volonté. Je regardai mon cousin, lui aussi déguisé en vampire, dévoilant fièrement ses fausses canines en plastique.

— Bouge pas, j’ai une idée !

Il prit la pochette de faux sang, s’enduit la main gauche de liquide et l’écrasa sur ma joue sans la moindre délicatesse. J’esquissai une grimace. J’avais horreur qu’on me touche le visage ! Après m’avoir méticuleusement malaxé les deux joues, il sourit, fier.

— Voilà ! Là on dirait qu’elle sort d’un copieux repas !

Je me contemplai dans la glace de la salle de bain avec dépit. Youhou ! J’étais passée de clown à Carrie au bal du diable ! Mais entre ressembler à Zavatta ou à un personnage d’un roman de King, le choix était vite fait…


***

On se dirigea vers la salle des fêtes de la ville, là où se déroulaient les spectacles ainsi que les pièces de théâtre, mais aussi le cacophonique événement de chant des écoles, à chaque fin d’année scolaire. L’excitation était à son paroxysme. Nous croisions d’autres gosses déguisés, accompagnés de leurs parents qui ne partageaient pas leur enthousiasme. Passer l’entièreté de l’après-midi enfermé dans une salle aux éclairages aveuglants et infestée de bambins bruyants, ça n’avait rien de réjouissant, pour un adulte ! Il y avait une longue queue devant la salle, et depuis l’extérieur, on pouvait entendre des haut-parleurs rugissants jouer des musiques d’Halloween. Après l'attente, nous finîmes par entrer. Immédiatement, nous fûmes assaillis par d’autres gosses qui tentèrent de nous effrayer. En vain. On était pas des poules mouillées ! Mamie nous suivait, sans trop savoir où elle venait de mettre les pieds. Heureusement pour elle, elle était déjà pratiquement sourde. Le centre de la pièce avait été dégagé, les chaises ayant été empilées dans des gradins surélevés, et des tables avaient été disposées sur toute la longueur de la salle. Dessus reposaient bonbons, gâteaux faits maison, boissons bien trop sucrées et décorations en tout genre. Les organisateurs ainsi que certains adultes étaient déguisés. Parmi eux, je reconnus l’ATSEM de ma classe et quelques animateurs du centre de loisirs. C’était particulièrement drôle de les voir affublés de costumes grotesques et de maquillages ratés ! Ni une ni deux, mon cousin et moi nous dirigeâmes vers le festin calorique qui nous tendait les bras. Nous nous goinfrâmes, puis je le vis glisser une importante quantité de friandises dans ses poches.

— Faut leur en tirer le plus possible, à ces blaireaux ! me lança-t-il, un sourire malicieux dessiné sur son visage de garnement.

Je l’imitai. On allait avoir une sacrée réserve de sucreries pour jouer à la Xbox dans le sous-sol ! Les adultes ne remarquèrent rien. Nous étions fiers de notre coup. Nous étions partenaires de crimes depuis déjà bien longtemps, et nombreux étaient nos méfaits. Alors que nous discutions avec d’autres enfants, l’un d’eux me demanda :

— Mais toi ? T’es déguisée en quoi ?

— En vampire, répondis-je en dévoilant mes fausses dents.

Je sentis un filet de bave couler sur mon menton. Ces trucs, en plus d’être inconfortables et peu pratiques pour dialoguer, retenaient ma salive. Les garçons s’esclaffèrent. J’essuyai mon menton avec vivacité, imprégnant la manche de mon costume de peinture blanche.

— Mais non ! C’est Gary l’escargot !

Je me mis à rougir. Les garçons s’en allèrent, riant aux larmes.

— Laisse-les, c’est des péquenauds, me lança mon cousin avec une tape sur l’épaule.

Je le dévisageai avec intransigeance. Ce n’était pas lui qui était affublé d’un maquillage ridicule ! Je décidai de me rendre aux toilettes pour rajuster mes fausses canines. Quelle horreur ces trucs ! Je fis volte-face, quittai les lieux et me retrouvai en face d’une affreuse momie à l’œil tombant. Je manquai de chuter et bousculai un garçon non loin. L’enfant déguisé en momie se mit à rire, fier de la frayeur qu’il m’avait provoquée par inadvertance. Je le reconnaissais, c’était un bambin de mon école. La loose.

***

L’ATSEM de mon école, micro en main, annonça le début d’un quizz sur Halloween. Tout le monde se précipita vers elle dans un vacarme tonitruant. Postée à quelques centimètres d’elle, je demeurais attentive. Halloween, c’était mon domaine ! Les questions débutèrent, et presque immédiatement, je me retrouvai écrasée par les plus grands qui se bousculaient pour répondre. L’esprit de compétition ! Je me fis une place, tant bien que mal. Vint alors la fameuse question :

— Qu’est-ce qui est similaire au vent, mais bien pire ?

C’était moment de briller ! Je bondis et saisis le micro.

— Une tempête ! prononçai-je difficilement, mes fausses canines noyant mes paroles, le micro se mettant tout à coup à grésiller.

L’ATSEM parut étonnée, puis éclata de rire, presque aux larmes.

— Non, pas un pet, voyons !

Autour de moi, tout le monde s’esclaffa. Je rougis, honteuse. La réponse était finalement : un vampire… Oui, ça a jamais été mon truc, les charades… Je retournai auprès de ma grand-mère, assise seule sur une chaise, sourire aux lèvres.

— J’ai pas compris… C’était quoi la question ? me demanda-t-elle.

Heureusement pour moi qu’elle était sourde !


***

Nos bonbons volés en douce devant nous, nous nous goinfrions devant American Pie. Oui, mon cousin avait déjà des goûts cinématographiques douteux. Il avait réussi à faire acheter le DVD à ma grand-mère en le qualifiant de simple comédie. Heureusement qu'elle s’était arrêtée aux films de De Funès ! Après ce visionnage… particulier, pour une gamine de mon âge, je gagnai mon lit, méticuleusement bordé par ma grand-mère quelques heures plus tôt. Mon estomac me fit des misères. Je passai ma nuit à faire des allers-retours aux toilettes…

Qu’est-ce qui était similaire au vent, mais bien pire ?

Mon flop d’Halloween de 2010 !

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