Chapitre Onze : écrit par Florence de Pont

4 minutes de lecture

Chapitre Onze : écrit par Florence de Pont

Madame la Présidente

Alix s’énerve en lisant son dossier. Encore un rond-point à défendre pour des administrés qui semblent penser que la grandeur de la France se juge sur la longueur de ses routes, l’éclairage de ses rues et la couleur des uniformes des gendarmes. Elle n’en peut plus de jouer la députée élégante, aimable, un peu cloche, aux jambes assez longues pour détourner le regard des collègues masculins de ses véritables intentions. Elle veut changer la France. Marianne aujourd’hui semble avoir perdu tout son charme et se laisse aller. Elle, Alix, va la reprendre en main, la rendre fière à nouveau et droite, très droite. Elle sourit en pensant à cela. Avec elle, la France sera à nouveau un pays avec lequel il faudra compter, avec un gouvernement que l’on craindra à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des frontières. Elle pense à la reine d’Angleterre Victoria et à la grande Catherine de Russie. Qui a dit qu’une femme ne pouvait pas gouverner ? Qui a dit que les femmes étaient trop douces, trop fragiles ou trop stupides. La liste de noms d’hommes qui ont été absolument désastreux pour la France et pour le reste du Monde est longue et se perd dans la nuit des temps. Elle n'a pas peur de se frotter à leur souvenir.Elle a un plan pour conquérir l'Elysée, mais elle doit être patiente. Elle tisse sa toile avec le calme et la discrétion de l’araignée qui se cache dans l’ombre. Elle sait que le chemin est long et qu’elle doit aussi être patiente. Il lui faut de la chance aussi et malgré de multiples déceptions, elle en a toujours eu. L’arrivée de José était inattendue, mais en politique, il faut savoir être opportuniste à défaut d’être idéaliste. José allait être le pion de sa partie d’échec qui lui donnerait sa victoire.Parmi les lettres qu’elle lui fait porter, elle glisse une information qui peut nuire à un adversaire ou même à un allié un peu gênant ou un collaborateur qui pourrait lui faire de l’ombre. Rien de très grave, pour ne pas prendre le risque d’être impliquée, mais des sujets qui font râler les Français et les Françaises et qui lui permettent de jouer l'indignation dans les médias. Des vacances sur un bateau de luxe, des costumes faits sur-mesure, des coups de pouce donnés à des membres de leurs familles. Tout ce qui peut renforcer le sentiment d’injustice dans le pays.

- Les gens sont naïfs, pense-t-elle en fermant le dossier, ils confondent égalité et équité. Égalitaire veut dire tous pareils, quelle que soit notre histoire alors que l’équité prend en compte les différences de chacun. Mais, si l’on ne parle que d’égalité, on ne traite pas tout le monde avec équité et cela renforce l'impression que certains ont plus d'avantages que d'autres.

Alix ouvre les coupures de presse que son assistant lui a préparées le matin.

- Mon Dieu, qu’il est facile de détourner notre propre devise, juge-t-elle en les feuilletant distraitement. Il suffit de jouer sur les intérêts de chacun pour faire monter les gens les uns contre les autres. Pour rassembler la colère générale et faire oublier celles qui sont plus individualistes, il faut trouver quelques boucs émissaires pour cadrer les frustrations. Et aux prochaines élections, mon parti monte et moi avec. Et si cela ne suffit pas, je trouverai bien un drame collectif pour unir les électeurs par une peur commune. Ils auront alors besoin d’un parti qui propose la fermeté pour les uns et de l'indulgence pour les autres, ceux qui leur ressemblent, évidement.

Elle sourit en replaçant dans son chignon une mèche rebelle qui lui donne un air faussement adolescent.

- José pourrait être le détonateur qui ferait tout sauter si je calcule bien mon coup. Un événement assez important pour terroriser tout le pays. Cet idiot, ne se doute pas des plans que j'ai pour lui. Encore un imbécile qui se croit plus intelligent que moi.

Elle rit doucement en se regardant dans le miroir posé sur son bureau.

- Tu es brillante, madame la présidente ! dit-elle à son reflet qui lui envoie un baiser joyeux.

José glisse son carnet dans la poche intérieure de son blouson. La liste de noms s'allonge un peu plus chaque jour, mais il ne s'en réjouit plus depuis quelques temps. Toute cette histoire d’enveloppes et de piles tourne en rond. Il ne sait plus vraiment ce qu’il cherche ou même ce qu’il peut trouver à jouer au courrier pour Alix. Il a découvert des informations qui sont surtout des ragots et des potins. Ce n’est pas comme cela qu’il va changer le monde. L'horloge climatique tourne de plus en plus vite et il perd son temps. Il a l’impression de se faire balader par la députée. Pas vraiment une certitude, mais un nœud qui se noue dans son estomac à chaque fois qu’il la voit. Elle lui cache quelque chose. Sûrement, elle se joue de lui. Et il n’aime pas ça.

Il laisse échapper un soupir de frustration. Il cale son sac sur son dos et enfourche son vélo. Il met tant de rage dans sa façon d’appuyer sur les pédales qu’il ne fait pas attention à la Peugeot noire qui se glisse derrière lui dans le flot de voitures.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Florian Pierrel Officiel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0