Chapitre 7 : Embuscade attendue (2/2)

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Débarrassés des guerriers de la forêt, les mages nous rejoignirent à leur tour. Ils ne voulaient plus de leur rôle défensif, surtout Jyla. De l’impatience se lisait sur son visage, les affrontements devaient la répugner. Elle profita donc de l’ouverture du terrain.

— Ne restez pas près des ennemis ! avertit-elle.

Elle se déchaîna ! Délivrant sa magie, elle généra des sphères incandescentes qu’elle projeta immédiatement. Les flammes éblouirent et surprirent nos ennemis, peu habitués à une telle puissance. Quatre d’entre eux furent calcinés de la tête aux pieds et succombèrent dans d’atroces souffrances. Un feu véhément et persistant venant d’une mage expérimentée. Elle contrôlait habilement ses sorts, empêchant une propagation des flammes à outrance. Mais un cœur battait sous son corps aux capacités incroyables. Elle semblait regretter son geste.

Tenaces, ces derniers guerriers ! La fumée s’élevait des cadavres de leurs compagnons. Aucune peur en eux, le mince espoir de triompher subsistait. Un bon argument pour que Gurthis poursuive de plus belle. Il désarma un guerrier avant de la décapiter. Il paraissait sauvage à tracer une ligne de sang de la sorte. Trancher des têtes comme nul autre était sa devise. Se rabaisser au niveau de l’ennemi.

Bramil, par contre… Indigne de son oncle. Erak dut le secourir contre deux robustes sauvages. Dès qu’il eut triomphé de l’indomptable barbarie, il brandit sa hache ensanglantée. Le combat touchait à sa fin. Restaient juste quelques survivants. Ils devaient mourir comme les autres. Ou alors ils pouvaient être utiles.

Je me retournai alors vers l’étendue et aperçus la lutte d’Elmaril. Elle désaxa la hache d’un guerrier avant d’embrocher sa cuisse. Un sourire orgueilleux remplaça aussitôt sa mine hargneuse. Sa lance étendait son bras alors qu’elle s’apprêtait à charger son adversaire. L’unique survivant parmi les dépouilles environnantes.

— Ne le tue pas ! lança Gurthis.

— Et pourquoi je devrais l’épargner ? riposta Elmaril, les yeux jetant des éclairs.

— Nous devons interroger cet homme. Il est le seul survivant… en état de causer. Il faut savoir pourquoi ils nous ont attaqués et comment ils nous ont retrouvés.

Tout sembla se figer un instant. Un silence pesant, trop pesant. Récupérer mon souffle, inspecter les alentours une dernière fois. Il ne restait plus que des guerriers agonisants. Je posai les mains sur les genoux en me courbant. Plus aucun ennemi ne nous menaçait. Nous avions gagné.

Par chance, cet affrontement ne nous avait coûté qu’une seule perte. L’animal en question eut un ultime hennissement avant de flancher. Agenouillée à ses côtés, Jaeka pleura pour lui.

— Adieu, Keliade…, gémit-elle.

Elle ravala ses larmes et caressa le flanc de la monture décédée. Vraiment attachée à ses chevaux. Peut-être que nous ne l’étions pas assez. Si les traits d’Erak et Bramil s’assombrirent, les autres gardèrent leur visage impassible. Quoique, Elmaril semblait fulminer contre tout le monde, comme à son habitude. Mais elle se montrait plus respectable que Margolyn. Notre aimable guérisseuse se fichait du trépas de son cheval. Elle se contenta d’enjamber les dépouilles. La vue du sang la débectait plus qu’elle ne l’horrifiait. Enfin elle se soucia un peu de nos compagnons, amenant son regard du côté des guerriers.

— Il va falloir tous vous soigner…, se lamenta-t-elle. Nous allons devoir nous mettre en route plus tard, je le crains.

— Je n’ai pas besoin de soins, refusa Erak. Je me sens encore très bien.

— C’est faux, Erak ! protesta Jaeka. Regarde tes blessures… Nous avons besoin d’une pause. Si vous êtes déjà blessés maintenant, que risque-t-il d’arriver par la suite ? Nous sommes supposés être en état de gravir Temrick…

— Ta sollicitude me touche, Jaeka. Mais tu me connais bien. Ces éraflures insignifiantes ne me ralentiront pas.

— Inutile d’être aussi borné ! râla Margolyn. Notre voyage vient juste de débuter et je vais déjà être surchargée ! Hé, les mages, vous connaissez quelques sorts de guérison, non ? Pouvez-vous m’aider ?

Ils firent semblant de ne pas entendre. Jyla ne pipait mot, la bouche grande ouverte, ses yeux presque bordés de pleurs. Arzalam avait beau lui adresser un regard empathique, rien ne la consolait.

— Je n’avais jamais tué autant de personnes…, murmura-t-elle. Même avec de la maîtrise, la magie est capable de terribles ravages.

— Tu n’as pas à regretter, rassura Arzalam. Te souviens-tu des paroles d’Elmaril ? Ils ne méritaient aucune pitié. De plus, nous les avons tués en état de légitime défense. Nos actes sont justes.

— Ce n’est pas aussi simple…

Le bien fondé de leurs actions... Je n’avais pas à la juger. Leur habitude de s’isoler des autres persista. Dommage, car leur réflexion était utile, surtout pour une militaire comme moi. Margolyn, en revanche, nous l’entendions bien !

— Bon, pourrais-je obtenir le soutien de quelqu’un ? s’impatienta-t-elle. Mon cheval est mort, comment je vais me déplacer, maintenant ? J’ai du matériel à transporter !

— Tu es vraiment en état de te plaindre, persiflai-je. Tu t’es planquée derrière nos chevaux pendant que nous nous débarrassions de nos ennemis. Au pire, je peux te partager ma monture.

— Vraiment ? Nous ne serons pas trop lourdes, à deux ?

Qu’elle était insupportable ! Je me rapprochai d’elle et me retins de la frapper.

— Tu vas m’écouter, maintenant. Tu es petite et maigrichonne, mon cheval ne porte pas beaucoup, il pourra donc supporter ton poids et celui de ton matériel. Si tu n’es pas contente, gamine, tu peux encore nous suivre à pied.

Elle détourna le regard. Finalement, elle nous laissait en paix ! Irrespectueuse comme Stenn. Même Elmaril valait mieux qu’eux. Elle se mit à grogner d’ailleurs. Ah oui ! Le survivant.

Elmaril se mit à dialoguer en Ancien Ertinois avec le guerrier, comme ça, sans notre accord. Il ne fallait rien rater de la conversation, alors j’interpellai l’érudit. Il lutta contre ses nausées en se dirigeant vers nous.

— Que racontent-ils ? demandai-je. Nous ne comprenons rien !

— Attendez…, balbutia Stenn, focalisé sur les sauvages. Elmaril invective le guerrier qui se présente en tant que Haerith oy Kolim. Notre alliée se gausse de la signification de son nom que j’omets volontairement de partager ici… À présent, elle l’interroge sur le motif de leurs actes.

Haerith se moqua de son interlocutrice entre deux rictus de douleur. J’aperçus le regard malveillant d’Elmaril, ses mains crispées sur sa lance dégoulinante de sang. Voilà comment les deux clans se considéraient. S’exécrer au lieu de s’allier.

— Haerith prétendait connaître notre trajet, reprit notre cartographe. Selon toute vraisemblance, leur clan fut avisé de l’assaut du clan Nyleï à l’avant-poste d’Urness. Un simple pistage leur fut suffisant pour nous retrouver. Cependant, ils regrettent de nous avoir mésestimés… Notre quête serait compromettante pour l’avenir de l’Ertinie qu’ils estiment protéger au péril de leur vie. Selon lui, en tout cas. Ce sujet est source de querelles au sein de leur propre groupuscule. Même si nous sommes parvenus à les vaincre en ce jour, leur clan persistera. Aussi…

Gurthis craqua avant moi. L’emploi agressif mais expressif de l’Ertinois assaillait tellement ses tympans que c’en fut trop pour lui. Il lacéra les vertèbres de Haerith puis transperça sa nuque. Soulagé, il pouvait se vanter d’avoir occis la dernière personne. Un dénouement satisfaisant pour tous. Sauf pour Elmaril.

— Il était à moi ! maugréa-t-elle.

— Je ne voulais pas te laisser ce plaisir, dédaigna le soldat. Je ne supportais plus de l’entendre. Il en a déjà beaucoup dit. Franchement, notre situation est pire que prévu… Nous ne sommes pas discrets. En fait, j’ai l’impression que le royaume entier est fixé sur nous…

— Je ne t’avais pas donné l’autorisation de le tuer, gronda Erak. Il aurait pu nous donner d’autres informations. Par exemple, nous ignorons si d’autres guerriers de son clan sont à nos trousses.

— Nous le saurons au moment voulu. Chef, je n’ai pas besoin de ton autorisation pour achever un sauvage comme lui. Je suis un soldat. Je connais mes règles et mes valeurs. Tu es un bon meneur, mais nous sommes assez responsables pour prendre les décisions minimes.

— Tuer un homme n’est pas une décision minime, Gurthis ! Nous sommes une compagnie, les avis de chaque membre importent ! Tu n’as pas à décider ce qui est bien ou mal !

Les deux guerriers s’affrontèrent du regard pendant plusieurs secondes. Une divergence d’opinions intéressante. Mais Erak se calma bien vite et Gurthis contint ses pulsions. Tous deux savaient qu’une dispute n’apporterait rien de bon. La journée venait à peine de commencer que nous étions épuisés. Margolyn devait soigner les blessés et charger mon cheval. Jaeka devait se remettre de la perte du sien, Stenn de ses nausées, les autres de leurs minces plaies. Le temps nous était compté.

Notre premier combat s’était soldé par une belle victoire. L’issue des autres était encore incertaine...

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