Chapitre 6

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- Je te retrouve toujours dans les pires états possibles.

- Abuse pas ‘Lia.

La blonde soupirait longuement en secouant la tête. Elle relevait ses yeux bleu ciel sur moi.

- Tu dis ça, mais regarde-toi dans un miroir Lil’. Me sermonnait ma meilleure amie.

Je souriais tendrement, habituée depuis le temps à ses réprimandes. Elle est assez naïve et pourtant, c’est elle qui est toujours là pour moi lorsque ça ne va pas.

- Tu te souviens comment on s'est rencontré ? Je lui demandai, elle ria doucement avant de répondre.

- Bien sûr, comme si c’était hier. Il y avait ce garçon qui n'arrêtait pas de m’embêter et quand tu l’as vu, tu es directement venue m’aider. Tu étais si chou à l’époque. Gloussa-t-elle.

Je levais un sourcil, peu convaincue du fait que moi, j'aurais, un jour, pu être considérée comme étant mignonne.

Tout comme Cordelia, je me souviens parfaitement de ce jour. J’avais aux alentour de cinq ou six ans. Je portais mes cheveux en deux couettes faites par ma mère ainsi qu’une robe bleu nuit choisie par ses soins.

J’avais aperçu ce garçon du coin de l’œil, se rapprochant de Cordelia. Quand je m’étais aperçue qu’il faisait pleurer une pauvre petite fille, je m’étais dirigée vers lui, lui avais tiré les cheveux jusqu’à ce qu’il promette de ne plus l’embêter.

J'ai toujours horreur des brutes qui s'en prennent aux gens sans défense.

Du coin de l’œil, j’aperçus une porte s’ouvrir. Plus tôt, je me souvenais que Cordelia me l'avait présentée comme celle de la salle de bain.

Je tournais la tête et aperçus quelqu’un de dos… une femme ?

De longs cheveux noirs, telles les plumes d’un corbeau. Des yeux noisette semblable aux striures d’or d’un œil-de-tigre. Elle portait des vêtements simple baggy cachant ses formes. Un jean style moms et une chemise à carreaux grise. Quand elle se tourna, je compris qu’il s’agissait en fait d’un homme.

Il se stoppait lorsqu’il m'aperçut. Lui et moi, on se regardait dans le blanc des yeux pendant un moment. Jusqu’à ce que Cordelia, remarquant que mon regard ne se portait plus sur sa personne, ne regarde ce qu’il pouvait bien avoir de si intéressant dans son dos.

- Chain ! S’exclamait-elle. J’ignorais que tu étais là. Elle lui souriait tendrement.

Il la regardait de manière neutre, semblant peu sensible au charme solaire de mon amie. Il passa une main dans ses longs cheveux, d’un air blasé.

- Comme tu peux le voir. Répondit-il, vaguement. Qui est-ce ? Demanda-t-il, en me jetant un regard en coin.

- Tu te souviens que je t’avais parlé de ma meilleure amie ? Fit-elle enjouée.

- Pitié, dis-moi que tu vas te taire à ce sujet. Répliqua-t-il, semblant presque effrayée, elle ria.

- Je te présente Lilith, ma meilleure amie. Je lui donnai un petit signe de main. Et voici Chain, mon âme sœur.

Il me jeta un regard curieux. Il ne s’attendait sûrement pas à quelqu’un comme moi quand elle avait dû jacasser sur ma personne. La plupart du temps, les gens sont si habitués à l’expression qui “se rassemble s’assemble” qu’ils pensent que cela s’applique aussi aux amitiés. Sauf que personnellement, je ne suis pas du genre à me lier à des gens aussi pessimistes que moi, cela n’en serait que plus déprimant. Il soupira d’un air las avant de s’avancer vers nous. Il me tendit sa main et je la serrais.

- Enchantée. Balbutiait-il d’un ton distrait.

- mmh. Je humai en réponse.

Je le jaugeais du regard silencieusement, avant de relâcher sa main. Il n’est pas très imposant, un physique qui convient pour quelqu’un qui doit passer sa vie avec la douce Cordelia, et puis ça me permettra de le briser en deux facilement si il lui fait du mal.

Mes pensées devaient se lire sur mon visage, car il prit un mouvement de recul, mettant de l’espace entre nous. Je lui offris un sourire forcé, avant de me tourner vers la blondinette qui nous observait, pleine d’espoir.

Je pris sa main et la traina à sa chambre, elle fit une moue adorable, apparemment peu contente de ce geste. J’ignorais cette réaction et fermai la porte derrière moi. Je haussai un sourcil en l’observant bouder telle une enfant. Les joues gonflées d’air et les bras croisés. Je levais les yeux au ciel, amusée et passais ma soirée à la décrisper. Sa constante bonne humeur et sa tendre nature m'arrachaient de légers sourires. Je la distrayais toute la soirée, attendant calmement qu’elle ne s’endorme.

Lorsque cela fut chose faite, je me glissais hors de la chambre. Comme je m’y attendais, je trouvais Chain dans la pièce commune. Le parquet grinçait sous mon pied, et il se tournait pour me jeter un regard de ses yeux couleur châtaigne.

- Lilith, c’est ça ? Demandait-il.

Je hochais courtement la tête. Je comblais la place entre nous, laissant un espace confortable. On se jaugeait du regard une fois de plus, tentant de démêler vérité et mensonge chez l’un et l’autre. Il soupira et décroisa ses bras.

- Tu n'es pas comme elle. Il fit, fronçant ses sourcils.

- Elle ? Je le questionnai.

- Cordelia. Clarifia-t-il.

- En effet, je ne suis pas comme elle, mais viens en au fait. Je réclamais.

- Tu n’es pas une partisane du centre et de leur prétendu ‘recherche’, n'est-ce pas ?

Je me renfrognais. Que veut-il dire ? On n’avait même pas encore parlé d’âme sœur lui et moi. Comment pouvait-il savoir que mon avis et celui de mon amie divergeait sur ce point ? Je l'observais de mes yeux abyssaux. J’aurais bien aimé pouvoir rentrer dans sa tête en ce moment. Comprendre comment il avait bien pu en venir à une telle conclusion, d’autant qu’elle était juste.

- Peut-être que oui, ou bien que non. Fis-je, m’efforçant de le mener en bateau, pour reprendre le dessus sur cette conversation.

- Épargne-moi tes vaines tentatives de me leurrer s’il te plait. Râlait-il, avec un mouvement de main, comme si il tentait de balayer du revers de sa main ce que je souhaitais faire.

- Qu'insinues-tu ? Ripostais-je.

- Simplement que tu es contre le système des âmes sœur. Descends de ta planète, ma belle, t’es pas la seule à être une réfractaire du système. Se moquait-il, je me mordis la lèvre avec rage, le visage courroucé.

- Espèce de-

- La vérité fait mal n’est-ce pas ? Me coupait-il.

Son sourire narquois, m’énervait au plus haut point, ou bien était-ce l’exactitude de ses paroles. Je passai une main sur le serpent encré sur mon cou. Des fois, je voudrais qu’il soit vivant et venimeux juste pour le jeter dans la tronche de certains.

- Tu pourrais arrêter de penser à comment me tuer, s’il te plait ?

Je relevais la tête vers lui, confuse, lorsque que j’entendais ces mots. Ce gars est télépathe ou quoi ? Flippant…

- Ça se lit sur ton visage. Soupirait-il d’un air désespéré.

Je relevais la tête, me souvenant pourquoi j’étais venu à sa rencontre à l’origine.

- Enfin bon. Je me raclai la gorge. J’imagine que si tu as deviné aussi facilement, tu n’es pas un grand fan du système non plus ?

- Et bonne réponse pour madame cheveux rouge. Pouffait-il.

- Exempte-moi du sarcasme, je te pris.

- Bizarre, je t’aurais pensé une grande fan d’un art tel que celui-là. Raillait-il, je levai les yeux au ciel.

- Et bien non. Je le corrigeai de ses fausses impressions. Revenons-en au fait… heu- ton nom déjà ?

- Sha- Chain. Je levai un sourcil à son étrange rattrapage.

- Chain, tu es un réfractaire du système, pour autant je n’attends de toi que bienveillance.

Je m’approchais de lui, comblant le peu de centimètre qu’il y avait entre nous. J’agrippais violemment son épaule, avec une poigne puissante.

- N'est-ce pas ? Mes yeux s’assombrirent comme un avertissement.

- Hmmf. Un son pincé, presque un couinement, traduisit son indignation.

- Je veux simplement que l’on soit sur la même longueur d’onde. Je lui offrais un air narquois.
- Je ne lui ferai pas de mal, tu as ma parole. De toute façon ce c’étais pas dans mes plans à la place. Par contre, je ne peux pas te promettre de lui offrir la romance de light novel à laquelle elle aspire. Déclarait-il calmement.

- Cela me semble raisonnable. J’avisai. Je te demanderai juste de rester… doux avec elle, elle est assez fragile.

- Ne t’en fait pas trop, cela se voyait au premier coup d’œil et je ne suis pas sans cœur. Je me suis promis de la faire souffrir le moins possible. Mais tu sais bien que l’on ne peut pas protéger une personne de la souffrance éternellement, Lilith. Un jour, elle devra sentir cette douleur qui fera vaciller son monde coloré de rose.

J’opinai du chef, tristement. Il m’offrit un léger sourire, le premier que je vis orner son visage sombre. Je croisais mes bras sur mon torse, un sourire taquin enjolivant mes traits. Il détourna son regard du mien quand j’aperçus qu’il scrutait quelque chose posé non loin sur un meuble d’appoint, j’examinais celui-ci, curieuse.

Le mobilier était taillé dans un bois clair et polies. Sur celui-ci se trouvait tout un tas de bric-à-brac plus au moins rangé.

Ce qui se faisait le plus remarquer était les tas de photos encadrées et posées sur la surface plane du meuble. Des photos appartenant à Cordelia. Je reconnus sa famille et une de moi vue de dos pendant une sortie au lac. D’autres, inconnues à mes yeux, devaient appartenir à Chain. Celle qui attira mon regard en première fut celle d’un garçon blond aux yeux vert avec Chain se tenant à côté de lui alors que le garçon, plus petit, lui ébouriffait les cheveux.

- Lior. Dit la voix de Chain.

Il se dressait à côté de moi, je baissai le regard pour croiser le sien, me rendant compte par la même occasion qu’il était plus petit de quelques centimètres.

- Pardon ? Je haussai un sourcil, confuse.

- Tu regardais cette photo non ? Fit-il en pointant la photo de lui et ce garçon blond.

- Heu oui. J’admis.

- Le blond, C’est Lior. Lior Montgomery, mon meilleur ami. Il est aussi doux que ta Cordelia.

Je scrutais Chain, perplexe. Pourquoi me racontait-il tout ça ? Avant que je puisse avoir le temps de lui demander, il me tournait le dos et disparut dans ce qui devait être sa chambre. Je retournais alors moi-même dans la chambre de Cordelia pour aller me reposer.

Chain n’est pas quelqu’un de désagréable, ou du moins pas tout le temps. C’est ce que j’avais déduit après maintenant deux semaines à habiter avec lui et squatter la chambre de Cordelia, qui est beaucoup trop gentille pour son bien.

Le soleil de fin de journée éclairait la pièce commune de l’appartement. Cordelia, Chain et moi étions entassés sur leur canapé pour regarder un film.

Si Chain n’avait pas matché avec Cordelia, j'aurais presque pu laisser émettre l’hypothèse qu’il était gay. Il se comporte de manière assez… efféminée ? Je l’ai déjà vue bouder toute une journée parce que je n’avais pas remarqué qu’il s’était fait couper les pointes et fait un dégradé.

J’avais la tête de Cordelia allongée sur mes cuisses et Chain avait son dos contre mon épaule. Non mais sérieux qui est l’homme dans cette relation ? Si je n’avais pas été si concentré sur le film qui jouait sur la télévision j’aurais sûrement ri de ma propre blague.

Alors que la protagoniste de la romcom pourries qu’on regardait allait enfin embrasser le personnage principal masculin, quelqu’un toqua à la porte, nous faisant tous les trois bruyamment râler.

Cordelia mis sur pause avant de se relever. Un courant d’air froid me donna un frisson alors que je perdais sa chaleur corporelle. Ses pieds nus firent couiner le vieux parquet de l’appartement. Je l’entendis ouvrir la porte d’entrée qui était dans mon dos. Une voix grave et familière résonnait alors dans mes oreilles.

- Huh ?

Un seul son sortant de sa bouche et je savais de qui il s’agissait. Je regardais par-dessus mon épaule seulement pour m’en assurer, dérangeant Chain qui grommela. Discrètement, je jetais un regard par de là du dossier du canapé. Quand j’apercevais brièvement sa chevelure ébène, je me retournais, me cachant derrière le dosseret.

- Je peux t’aider ? Demanda Cordelia de manière familière.

- Je sais qu’elle est là.

- … Qui ? Ma grand-mère ?

J’explosais de rire en entendant Cordelia faire du sarcasme. Je l’entendais rarement en faire, mais apriori, j’ai dû fortement déteindre sur elle. Mes rires prirent fin lorsque le visage halé de Jabez se penchant en avant depuis le dossier du canapé, entrait dans mon champ de visions.

- Trouvée. Un rictus moqueur sur ses lèvres.

Je levai un sourcil sceptique. Il contournait le canapé se plantant face à moi, il prit ma main dans la sienne dans un geste brusque.

- Tu comptes m’ignorer encore longtemps, chaton ? Me demanda-t-il.

- Tu comptes t’excuser ? Je soufflai en arrachant ma main de sa poigne.

- Ne parlons pas de ça devant tes amis. Déclarait-il.

Il se retournait pour partir. Je soupirais et resserrais ma queue de cheval. Je me relevais et le suivi.

Comme il l’avait implicité, je ne peux pas l’ignorer éternellement.

Nous quittions l’appartement de Cordelia et Chain. Il m’attrapait la main d’une poigne forte, ne me laissant aucune chance de m’en défaire. On marchait le long des couloirs d’un blanc aveuglants, du centre. Après un petit moment à passer de couloir en couloir et en montant d’un étage une fois, on se retrouvait finalement devant la porte de notre appartement. Jabez l’ouvrit et m’emmena à l’intérieur, à sa suite. Il claquait la porte et lâcha enfin ma main.

- On doit parler Lilith. Me dit-il.

- Je n’en ai pas particulièrement envie, mais soit. Je répondis.

- Toujours aussi honnête. Ce n’était pas un compliment, il l’avait énoncé sur un ton de reproche.

- Toujours aussi insistant et collant. Je répliquai.

- Tu te crois forte ? Repoussez les gens avec violence ne te rend pas meilleure que les autres. Le ton grave de sa voix montait graduellement.

- C’est vrai qu’être une saleté de… de- lèche-bottes de la société, c’est mieux !

J’avais l’impression d’être une enfant qui faisait un caprice, mais sur le moment cela m’importait peu.

- C’est ton excuse à tout ça ! s’exclama Jabez.

- Il n’y a que la vérité qui blesse. Je rétorquai.

- Ta vérité n’est pas universelle Lilith ! Oui, tu as vécu des choses horribles, mais tu n’es pas la seule !

Il attrapait ma main dans les siennes. Mes pensées étaient couvertes par un fin brouillard de colère.

- Tout le monde t’agace et te passe par-dessus la tête !, m’accusait-il.

- C’est faux ! Je- je ne suis pas comme ça. Je balbutiai.

- Bien sûr que si tu es comme ça ! Tu n’as éprouvé que mépris à mon égard dès le moment où tu as posé les yeux sur moi ! Me blâma Jabez.

- La seule chose qui m’agace chez toi, c’est à quel point tu m’attires ! Je te déteste parce que tu sembles juste trop… parfait. Je criai sur lui avec agacement.

En un éclair, ses bras m’entouraient et me faisaient tourner sur place. À peine eus-je le temps de m’accoutumer à la chaleur de son étreinte, que ses lèvres effleuraient les miennes.

Mes mains reposèrent sur son torse, les muscles de son torse roulaient sous mes doigts. La chaleur de son baiser m’enivrait. La douceur de ses lèvres me rendait dingue.

Je m’agrippais à lui comme si ma vie en dépendait, mes bras s’enroulaient au tour de son cou, le rapprochant toujours plus près de moi. Les formes de son corps épousaient les miennes. La chaleur de notre baiser augmentait. Plus près, plus fort, plus chaud, plus pressant, toujours plus.

On se sépara un instant, haletant pour retrouver notre souffle

- Bordel, Lilith… Son visage exprimait la pure luxure.

- Jabez. Je reflétai la même envie dans mon regard noir qui s'était d’autant plus assombri. Tu sais quoi. Je lui chuchotai. Montre-moi comment tu traites une femme.

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