Au secours du cargo

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L’adjudant Bannoc avait été amené sur le pont de commandement du vaisseau Black-Tron sur lequel il était retenu. C’était un transporteur comme celui qui avait été neutralisé quelques mois auparavant et qui leur avait permis d’obtenir des informations précieuses sur eux à l’époque.

Chaque membre de l’équipage croisé durant le trajet le regardait avec curiosité, comme s’il était un étrange animal capturé. En les observant, Bannoc remarqua chez eux les mêmes caractéristiques que leur supérieur : un teint blême et des yeux vitreux ainsi qu’une certaine maigreur. Ils étaient visiblement sous-alimentés et avaient probablement des carences.

Ils devaient bien avoir des modules d’écosystème comme en possédait le Myriam en son temps, ce qui avait assuré la survie des colons pendant le voyage. Ces modules recréaient un environnement et un cycle météorologique permettant de vivre comme sur terre et d’effectuer des cultures ainsi que des élevages. Mais même avec ces modules qui n’étaient pas comparables à une planète, les colons n’étaient pas mal en point comme ces gens-là.

Leur condition de vie doit être déplorable…

Le supérieur ordonna aux deux gardiens d’amener le prisonnier jusqu’à lui. Il était face à une grande baie vitrée jaune donnant une vue imprenable sur un astre que Bannoc reconnut comme étant Képhas, la planète minière.

— Regardez ceci, l’invita l’officier Black-Tron. Observez bien l’écran. Ordinateur ?

Une voix saccadée et métallique répondit :

— Oui-mon-sieur ?

— Agrandissement du site B-06.

Une image apparue sur toute la surface de la baie vitrée. Elle montrait une base en cours de construction sur Képhas. Bannoc eut un soulèvement au cœur : les Black-Trons investissaient la planète minière !

— Comme vous pouvez le constater, poursuivit l’officier, nous avons commencé à établir un poste sur cette jolie planète remplie de ressources. De cette manière, nous pourrons directement attaquer vos sites d’extraction.

— Pourquoi ne construisez-vous pas le vôtre ? demanda Bannoc. Cela n’a pas de sens de nous voler ainsi continuellement !

— Je vous l’ai déjà dit, répondit l’officier. Tout ce que vous avez établi dans cette galaxie nous appartient de droit, nous ne faisons que reprendre nos biens. C’est aussi simple que ça…

— Ce n’est pas ainsi que l’on agit en personne civilisée !

— Je vous rappelle que vous nous avez extorqué ce système solaire !

Il était inutile de continuer de parler de ça avec lui. De toute évidence, ils étaient endoctrinés au point de ne plus avoir l’esprit clair, ajouté à la prise de cette drogue que les médecins avaient découvert chez les premiers prisonniers Black-Trons.

— Comment avez-vous survécu pendant tout ce temps, loin du soleil et d’une bonne atmosphère ? demanda-t-il par curiosité.

— Grâce à des biodômes que nous avons pu reconstruire avec nos moyens. Je reconnais que ce n’est pas vraiment convenable et que nous manquons de beaucoup de choses. La vie dans l’espace n’est pas vraiment propice pour l’homme en dépit de notre avancée technologique. Vous l’avez remarqué, n’est-ce pas ? Nos corps souffrent de carences importantes. Malgré notre position qui nous permet de recevoir la lumière du soleil, cela n’est pas suffisant. Nous voulons votre Terre Nouvelle ! Propice à la vie et à l’établissement d’une nouvelle société pour l’homme !

— Ce n’est pas faute de vous avoir proposé de vous installer sur Terre Nouvelle, fit remarquer l’adjudant. Vous n’y avez tout simplement pas répondu. Pourquoi ?

Il regarda le prisonnier dans les yeux.

— Je vais vous dire la vérité, monsieur l’agent de police de l’espace ! Nous vous jalousons, vous… et votre « société parfaite » établie sur des principes bibliques archaïques ! L’homme est fait pour dominer les mondes, pour la querelle et la guerre ! C’est ainsi que nous avons évolué pendant des milliers d’années sur notre bonne vieille Terre. C’est notre nature propre !

C’est la seule raison ? se demanda alors Bannoc. Mais ça n’a vraiment aucun sens logique !

L’officier Black-Tron regardait avec une lueur malsaine la construction de la base sur l’écran projeté par l’ordinateur. Un sourire satisfait se dessinait sur ses lèvres comme s’il admirait son œuvre.

— C’est comme ça que nous l’avons détruite, vous voulez dire, corrigea Bannoc. Évoluer pour mieux la dévaster et nous entretuer, voilà les termes exacts. Lorsqu’ils sont arrivés ici, les premiers colons ont instauré une civilisation basée sur l’amour du prochain. Chacun vit à l’égal de son voisin, personne ne possède de richesse, chacun détient ce dont il a besoin pour vivre et peut librement prendre de quoi se nourrir. Plutôt que de nous attaquer sans raison, pourquoi ne pas nous demander asile ? Vous pourriez profiter vous aussi du bonheur dont nous jouissons depuis…

L’officier lui décrocha un fort coup de poing au visage, l’envoyant à terre. Les mains attachées, il ne put se relever tout seul. Les deux gorilles qui l’encadraient le soulevèrent par les aisselles et le remirent sur ses jambes. Sa pommette prit une teinte violacée et enflait à vue d’œil.

— Cessez de vomir votre ramassis d’inepties ! Lança-t-il. Nous n’avons que faire de votre pitié ! Nous reprendrons ce qui nous appartient de gré ou de force !

Il lança un regard noir à l’adjudant puis s’accroupi devant lui en jetant ces paroles :

— Je peux vous garantir que lorsque nous aurons suffisamment de vaisseaux pour vous anéantir, vous serez aux premières loges pour assister à la destruction de votre "société parfaite " que vous idolâtrez ! Emmenez-le !

Soulevé par les deux gardiens en combinaison noire, Bannoc fut transporté hors du pont de commandement. Avant de passer la sortie, il trouva la force de tourner la tête vers l’officier et de lancer :

— Vous ne serez jamais heureux ni satisfait si vous détruisez Terre Nouvelle…

Ses geôliers le conduisirent à travers les couloirs jusqu’aux cellules de détentions. Ils ouvrirent la porte de l’une d’entre elles, une grille coulissante faite de barreaux épais, à l’aide d’une carte magnétique et y jetèrent l’adjudant dedans avant de la refermer. La cellule était très étroite et n’était pas plus grande que cinq mètres carrés. Il n’y avait absolument rien qui ornait cet espace clos, hormis une bouche d’aération dans le mur et un WC.

Il toucha sa pommette endolorie. Le contact lui piqua la peau. Il aurait volontiers donné sa combinaison contre un sac de glace pour soulager la douleur. Lentement, il s’adossa contre la paroi du fond de la cellule et fit le point sur sa situation : il était prisonnier des Black-Trons à bord d’un immense transporteur appartenant à une armada qui comportait des vaisseaux encore inconnus à ce jour. Les Black-Trons étaient en train d’établir en ce moment même une base sur Képhas afin de s’emparer des sites miniers tandis que la flotte d’escorte du convoi se battait dans la ceinture d’astéroïdes et impossible d’appeler du renfort. La situation était critique.

Il repensa à la réaction de l’officier qui l’avait frappé. Il trouvait étrange cette manière de vouloir absolument détruire la septième colonie pour avoir la planète pour eux tout seuls. Il avait pourtant reconnu lui-même qu’ils subissaient des carences importantes dues à leur condition de vie. Il aurait été beaucoup plus simple pour tout le monde de demander asile sur Terre Nouvelle, d’autant plus que la colonie a toujours été favorable à une entente cordiale.

Pourquoi un tel entêtement au bellicisme ? Cela n’avait décidément aucun sens. N’avaient-ils donc pas de considération les uns pour les autres pour rester ainsi jusqu’à ce qu’ils aient atteint leur objectif destructeur ?

Le rapport du cadet Derry de l’an dernier mentionnait quelque chose au sujet de l’attitude des agents Black-Tron. Ces derniers auraient reçu un fort lavage de cerveau en leur inculquant une haine farouche envers la septième colonie et une prise constante d’une substance qui inhibait les pensées et la réflexion personnelle. Les prisonniers n’ayant pas été gardés longtemps, il était impossible de savoir si les solutions proposées par le jeune Néo-sapiens avaient pu aboutir à quelque chose et Bannoc n’avait pas accès aux rapports de l’équipe chargée des détenus. Et si l’ensemble des habitants de la Lune noire avait subi un tel remaniement cérébral, les remettre dans le droit chemin demanderait un travail incommensurable.

Mais pour l’heure, il fallait trouver un moyen pour tenter de sortir et prévenir le centre de commandement de Neyria de la situation. D’un autre côté, rester ici permettrait d’en apprendre toujours plus sur l’adversaire.

Non ! Avertir Neyria est ce qu’il y a de plus important à l’heure actuelle. On espionnera l’ennemi plus tard.

S’évader pouvait cependant être très compliqué. Bien qu’ayant mémorisé la majorité du chemin parcouru depuis son chasseur, y retourner serait ardu dans la mesure où il pouvait difficilement passer inaperçu, habillé ainsi avec sa combinaison de la Police Spatiale. La solution serait d’échanger son équipement contre celui d’un Black-Tron afin de tromper la vigilance de l’équipage. Mais allait-il pouvoir récupérer son appareil ?

Assurément non, cela risquait d’être louche et de donner l’alarme. Il était inutile de se faire poursuivre dans tout le système, il devait donc prendre un vaisseau ennemi.

Avant toute chose, il lui fallait sortir de ce trou de souris. Il se releva et examina la porte coulissante. Elle était faite de barreaux métalliques et seul le dispositif d’ouverture était électronique. La plaque servant à la débloquer grâce à une carte n’était pas accessible depuis l’intérieur, même en passant le bras à travers les barreaux, il fallait donc que quelqu’un l’ouvre de l’extérieur. Pas le choix que d’attendre patiemment. Mais pour combien de temps ?

Décidément, rien ne jouait en sa faveur.

***

Spiros était parvenu jusque-là à semer ses poursuivants en se cachant derrière un astéroïde de taille imposante. Cependant, l’approche des forces Black-Tron l’obligeait à se déplacer et il se fit repérer par un Intruder qui alerta aussitôt ses compagnons. Spiros avait armé ses lasers en cas de besoin, mais dans sa situation actuelle, la fuite était encore la meilleure solution en attendant les renforts. Ceux-ci ne devaient plus être loin et ne mettraient pas longtemps à le rejoindre.

Il resta à proximité de la partie supérieure de la ceinture : la subtilité était de ne pas trop se rapprocher de Neyria ni de trop s’éloigner pour être vu par l’équipe de secours.

Les Intruders s’étaient tous mis à le pourchasser comme un essaim de guêpes furieuses, ce qui était à son avantage. Ils ne semblaient pas décidés à le faire tomber dans un piège et fonçaient tête baissée dans la chasse.

Ce qu’ils sont bêtes, pensa Spiros. Tant qu’ils me suivront comme ça, j’aurai ma chance ! Ceux placés à l’arrière ne peuvent tirer sans frapper les chasseurs de tête.

Les Protectors de la Police Spatiale étant bien plus souples et maniables que les Intruders Black-Trons. Spiros effectuait des manœuvres rotatives avec des virages serrés, lui permettant ainsi d’esquiver efficacement les lasers. Le bémol était le terrain très dégagé dans cette partie de la ceinture, Spiros était donc une cible facile et seul son talent pouvaient l’aider à s’en sortir. Son niveau de carburant était déjà bien entamé à cause de sa déviation sur Képhas, mais il pouvait tenir encore un moment, si les renforts ne traînaient pas…

Les choses devinrent plus compliquées lorsque l’essaim d’Intruders se sépara en deux afin de l’attaquer sur les deux flancs avec deux fois plus de tirs laser. Le bouclier énergétique du Protector absorba quelques rafales, mais Spiros se devait de manier correctement son chasseur pour éviter les tirs et ne pas épuiser son unique protection. Il décida de riposter pour gagner du temps en appliquant la manœuvre qu’il avait apprise avec l’adjudant Bannoc : il effectua un retournement rapide de son appareil tout en augmentant la puissance dans le bouclier à l’avant puis tout en contrant la force G qu’il recevait, fonça entre les deux groupes.

Une fois placé au niveau des têtes, il éjecta une mine IEM. Lorsqu’il fut un peu éloigné, celle-ci explosa en envoyant une décharge électrique sur les deux parties avant qu’ils ne puissent se retourner à leur tour. Certains avaient déjà dévié de leur trajectoire en voyant la contre-attaque de Spiros, leur permettant d’éviter les arcs électriques.

Heureusement que Pierrik ne m’a pas supprimé le module des mines, pensa-t-il.

La puissance de celles-ci était telle qu’il était inutile de faire descendre les boucliers d’énergie avec les lasers, représentant un bel avantage. L’unique défaut était dans le déchargement de la mine qui était seulement lâchée dans le vide, sans propulsion.

Spiros était content du résultat : non seulement un grand nombre avait été touché, mais de surcroît les autres mirent plus de temps à se rétablir ce qui lui permit d’en profiter pour filer derrière un gros corps rocheux pour s’y camoufler. En restant suffisamment proche avec les moteurs au ralenti, il espérait pouvoir passer inaperçu. Il positionna le ventre du chasseur contre la roche, s’y posa délicatement et attendit. Bien que s’étant bien éloignés de ses poursuivants, ceux-ci n’avaient pas traîné pour revenir et passèrent au-dessus de Spiros à environ huit cents mètres sans le voir. La ruse avait réussi.

Tandis qu’il jubilait à l’idée de les avoir dupés, il crut apercevoir un point rouge clignoter à quelques mètres devant lui. En observant attentivement sur l’écran de la caméra embarquée, il remarqua un appareil planté à même la roche.

— On dirait une sonde ou une balise…, marmonna-t-il pour lui-même. Oui, une balise !

Un rapide examen de son ordinateur de bord lui confirma sa pensée. Il s’agissait bien d’une balise de repérage, mais la structure était parfaitement inconnue de la base de données, hormis une vague ressemblance avec celles des Black-Trons.

— Ils ont planté des bornes émettrices dans la ceinture ? Mais pourquoi ?

Alors qu’il réfléchissait, des lasers tombèrent comme une pluie lumineuse autour de lui.

Ils m’ont déjà retrouvé !

Il prit rapidement une photo de l’objet et relança les moteurs. Dans sa précipitation, il partit en avant au lieu de s’élancer vers le haut et racla son chasseur contre la roche.

— Et merde ! s’exclama-t-il.

L’ordinateur de bord l’alerta sur une sérieuse avarie sur la coque de l’appareil, mais aucune fuite d’air n’était à déplorer. Tant que l’isolation n’était pas touchée, il ne risquait pas de voir le Protector imploser en vol. Mais avec les troupes ennemies derrière, sa situation n’allait pas s’améliorer.

***

Les sirènes d’alarme de l’Odysséas résonnèrent de concert dans tout le bâtiment. Attaqué de loin par la flotte ennemie, le puissant vaisseau amiral subissait de sérieux dégâts sur son flanc gauche. L’opération de sortie mise au point par Julius et le lieutenant Perguet avait réussi, mais la vélocité des croiseurs adverses était bien supérieure à ce qu’ils avaient estimé. Les deux vaisseaux Black-Tron avaient effectué une rotation latérale leur permettant de se positionner promptement et de poursuivre l’Odysséas.

Toujours à l’intérieur de la ceinture, ce dernier avait pris la route de Neyria, précédé du cargo M:Tronic pour le protéger, en espérant mettre de la distance sur l’ennemi. Or, ils étaient désormais à portée des tirs Black-Tron et n’avaient plus que le bouclier du vaisseau amiral comme défense. Les chasseurs de l’escadrille du sergent Desrives avaient été rapatriés lors de la manœuvre échappatoire et il était impossible de sortir sous peine d’être touché par les nombreux traits de laser.

— Où en sommes-nous de la distribution énergétique ? demanda le capitaine Ferne.

— Le bouclier diminue de 0,002 % à chaque tir ennemi, répondit l’opérateur. À la cadence actuelle, nous perdons 2 % de puissance attribuée à la défense toutes les trois minutes. Nous n’avons pas le temps de recharger le bouclier entre chaque salve.

— Pouvons-nous distribuer de l’énergie des moteurs au bouclier ?

— Si nous le faisons, nous n’en aurions pas assez pour leur échapper et ils nous rattraperaient en moins d’une heure. Nous peinons déjà à nous mettre hors de portée de tirs et le cargo serait laissé en arrière.

— Je vois.

Le cerveau du capitaine était une vraie bouilloire. Elle devait prendre des décisions rapidement, mais toutes les idées qui lui venaient à l’esprit étaient irréalisables dans les circonstances actuelles. Ils étaient dans une mauvaise situation et rien dans les simulations de la formation des officiers ne l’avait préparée à ça. Comment réagir ? Quelles directives donner ?

Elle n’en savait rien. Elle se sentait impuissante et se reprochait de ne pas être plus compétente. Pour le moment, le mieux était de rester ainsi, espérant pouvoir distancer les croiseurs Deserters pour parvenir à éviter leurs projections en attendant l’arrivée des secours. Mais étant sans nouvelles de l’adjudant Bannoc, il était fort possible qu’ils ne viennent jamais.

— Capitaine, alerta la vigie. Le cargo essuie à son tour des tirs hostiles.

— Comment ça ? s’étonna Ferne. Il était encore à l’abri devant nous que je sache !

— Deux chasseurs Intruders ennemis sont à sa poursuite, capitaine. Ils ont échappé à notre vigilance dans le champ d’astéroïdes.

— Il ne manquait plus que ça, soupira le capitaine, affalée sur son siège. Peut-on les atteindre avec l’un de nos canons ?

— Difficilement, répondit le lieutenant Perguet. Nous risquons de toucher le cargo M:Tronic.

— Nous pourrions envoyer l’un de nos appareils, suggéra Julius.

— Les salves ennemies nous en empêchent, rétorqua Perguet d’un geste de la main.

— Pas si nous offrons au chasseur une fenêtre de quelques secondes pour sortir, ajouta Julius en pianotant sur son clavier.

— Expliquez-vous, lui dit Ferne.

— Nous savons que les salves des croiseurs ennemis ont un temps de latence de vingt secondes. C’est tout ce qu’il a de nécessaire pour qu’un de nos chasseurs puisse sortir et porter assistance au cargo.

— Mais les croiseurs Deserters tirent en alternance, répliqua Perguet. Pendant que le premier effectue son rechargement, le second continue de nous canarder !

— Et bien, d’après mes derniers calculs, ce n’est pas exactement ça. Regardez attentivement ce schéma : l’alternance des tirs n’est pas vraiment proportionnelle. Ceci est dû au peu de distance que nous arrivons à prendre progressivement sur eux. Dans exactement dix minutes, nous aurons une fenêtre de dix-sept secondes de répit avant la prochaine salve.

— C’est jouable, selon vous ? demanda le capitaine.

— C’est notre seule solution, aussi risquée soit-elle. Sinon nous devrons ralentir et tirer sur les croiseurs, ce qui comporte de plus grandes menaces. Il faut que le chasseur soit prêt à partir au dixième de seconde près !

— Très bien, lança Ferne d’un ton décidé. Donnez l’ordre au sergent Pellia de remonter à bord de son striker. Après l’adjudant Bannoc, elle est la seule à pouvoir réussir cette opération. Outre la cargaison, c’est l’équipage du cargo qui est important.

***

Niki était dans la salle des opérateurs. Elle avait retiré le haut de sa combinaison afin de pouvoir s’aérer, dévoilant un débardeur blanc humidifié par la transpiration qui moulait généreusement ses courbes, ce qui ne laissait pas de marbre les gars qui se trouvaient à côté d’elle. Penchée au-dessus de la console pour vérifier des données sur la préparation des chasseurs, elle ne faisait pas attention à l’opérateur qui s’efforçait de garder sa concentration sur son écran plutôt que sur la poitrine de son supérieur. Le sergent Desrives arriva à son tour dans la salle.

— Est-ce que tout est en ordre ? demanda-t-il à son homologue féminin.

— Les chasseurs sont encore en cours de réapprovisionnement, répondit Niki en se relevant. Mais l’appareil d’Alrik est sévèrement endommagé et nous ne disposons pas des pièces nécessaires pour le réparer.

— On s’en occupera sur Neyria, rassura Desrives.

— Si nous y arrivons…

— Bien sûr que oui ! On s’en est tous sorti jusqu’à présent, aucune raison que ça ne continue pas.

Niki sourit à la remarque de Desrives. Le sergent était toujours positif dans toutes les situations.

— Tu devrais aller te reposer, suggéra-t-il. Tu as l’air exténuée, je vais te remplacer pour la logistique.

— OK, merci. Je vais aller m’allonger.

À peine eut-elle passé la porte qu’une voix à l’interphone l’appela à se rendre au communicateur le plus proche. Elle se tourna vers Desrives, la mine déconfite.

— Ça ne sera pas pour cette fois…, lui dit-il d’un air désolé.

En soupirant, elle se dirigea vers le communicateur interne près du hangar.

— Sergent Pellia, j’écoute ! dit-elle au micro.

— Ici le lieutenant Perguet. Nous avons une mission urgente pour vous. Prenez place dans votre chasseur, vous allez devoir repartir pour protéger le cargo qui est assailli par deux Intruders. Vous ne sortirez que lorsque l’on vous en donnera l’ordre. Nous allons vous fournir une fenêtre de sortie de quelques secondes, votre chasseur doit être prêt à ce moment précis.

— Bien lieutenant, répondit Niki.

Elle était exténuée. Mais elle ne voulait pas le montrer ni même se plaindre de devoir repartir aussitôt après être rentrée. Elle remit le haut de sa combinaison en se rendant vers le sas des pilotes pour y prendre son casque. L’un des techniciens vint la voir.

— Sergent, votre appareil est prêt au décollage. Nous avons eu juste le temps de remplir le réservoir de carburant.

— Parfait, merci. Et le système d’armement ?

— Il est opérationnel.

— Bien.

Niki entra dans le garage, son casque sur la tête, la visière relevée. Elle finit d’attacher le dispositif de fermeture hermétique de la combinaison puis monta dans son appareil de combat. Une fois installée, elle entendit un appel dans le communicateur. C’était le sergent Desrives.

— Tu repars déjà ? lui demanda-t-il.

— On m’a donné l’ordre d’aller protéger le cargo contre deux chasseurs ennemis, répondit-elle.

— Et ton état de fatigue ?

— Je vais faire avec.

— Je devrais y aller à ta place si tu ne t’en sens pas capable.

— T’inquiète, rassura-t-elle. Je vais tenir.

— Toi, tu cherches ton siège à l’école d’officier…

— Possible. Souhaite-moi bonne chance.

— Reviens en un seul morceau, lui dit Desrives. Je ne voudrais pas annoncer ta mort à Lioris.

— Ne raconte pas de connerie ! s’emporta Niki. Tu sais que je n’aime pas ça !

— OK, OK ! Excuse-moi…

Niki referma la verrière de l’appareil, démarra les moteurs et attendit que l’ordre de départ lui soit donné tandis que les techniciens évacuaient le hangar. Quelques minutes après l’ouverture des portes, elle reçut le feu vert de la part du lieutenant Perguet et partit en trombe dans l’espace. Elle se plaça de justesse sur le côté non exposé du vaisseau amiral avant que la salve de tirs ennemis ne recommence.

Le cargo était dans l’axe de l’Odysséas, le protégeant ainsi des croiseurs. Mais les deux Intruders étaient derrière lui, virevoltant tout autour, cherchant à l’arrêter en mitraillant sur ses réacteurs. Le blindage de l’imposant convoyeur de marchandise et son bouclier d’énergie avaient, jusqu’à présent, fait leurs preuves, mais ils n’allaient pas tenir indéfiniment.

— Ici le sergent Pellia, dit-elle dans son communicateur. J’ai les cibles en visuel. Je prends le premier Intruder en chasse.

Elle se lança à la poursuite de l’astronef le plus proche et se plaça de manière à ne pas tirer sur le cargo. Dès qu’ils l’aperçurent, les deux Intruders changèrent leur trajectoire, l’un cherchant à se mettre derrière la policière. Elle manœuvra en virant à droite tout en vrille pour briser la tactique ennemie. Ceux-ci la pourchassèrent tout en lui tirant dessus, laissant un répit au vaisseau-cargo.

Ce ne sont pas des drones, se dit-elle en les observant. Ils adaptent leur comportement en fonction de la situation.

Dès que les trois appareils furent assez éloignés, Niki procéda à sa manœuvre favorite qu’elle ne pouvait effectuer qu’avec un striker : la poursuite inversée.

L’opération consistait à retourner l’engin à la manière de l’adjudant Bannoc, à la différence qu’il ne s’agissait pas de partir dans l’autre sens, mais de continuer sur la trajectoire initiale à reculons et de braquer les canons laser sur ses poursuivants.

La jeune femme stoppa alors ses moteurs, ne laissant que les réacteurs auxiliaires pour étendre la manœuvre puis pointa le nez de l’appareil vers le bas jusqu’à être face aux deux Intruders. Poussé par la force initiale, le chasseur de la Police Spatiale continua sur sa lancée. Niki était maintenant en position pour tirer. Les lasers en puissance maximum, elle réduisit les boucliers des Intruders à leur plus bas niveau et envoya deux salves IEM qui les arrêtèrent net, grillant tous leurs circuits électroniques.

— Sergent Pellia au rapport, dit-elle en communication avec l’Odysséas. Je viens de neutraliser les deux chasseurs ennemis.

Elle était fière du résultat. Si elle pouvait tracter ces deux astronefs jusqu’au vaisseau amiral, ils auraient désormais en leur possession deux prisonniers Black-Tron.

— Bravo, sergent Pellia ! félicita la voix du capitaine Ferne. Rentrez immédiatement à bord, nous allons essayer de vous couvrir.

— Que faisons-nous des deux chasseurs ? demanda Niki.

— Nous ne pouvons les récupérer pour l’instant, répondit le capitaine. Tant que les secours ne seront pas là, notre seul objectif est de se sortir de ce guêpier.

— Bien capitaine. Je rentre.

Niki rageait intérieurement de ne pouvoir faire de prisonniers, mais elle savait que le capitaine avait raison et qu’il était primordial pour la sécurité de la flotte de continuer la fuite.

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