Barrage

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Julius scrutait les écrans, attendant de savoir avec appréhension ce que l’équipe de sauvetage allait découvrir. Spiros était à côté de lui, également nerveux.

— Pourquoi on ne les entend plus ? demanda-t-il en les voyant ainsi immobiles sur le moniteur.

— Ils ont coupé le canal qui nous relie pour passer sur celui utilisé par les Black-Trons.

— Ce n’est pas bon signe, alors…

— Tout dépend de ce qu’il y a à l’intérieur…

Un grésillement indiqua que la liaison avec l’équipe était revenue.

— Reflet ? appela Julius. Vous avez découvert quelque chose ?

— On vient de trouver l’adjudant Bannoc avec deux agents ennemis, répondit Krein. Mais je crois que c’est trop tard. Le moniteur de son scaphandre montre qu’il est mort depuis plusieurs jours…

— Impossible, rétorqua Julius. Le spectrographe indique clairement un dégagement de chaleur de trois personnes. Si l’adjudant était décédé, il n’apparaîtrait pas sur mes écrans. Et les agents ennemis ?

— On les a neutralisés.

— Pourquoi ils sont toujours debout dans ce cas ? demanda Spiros en regardant les deux formes colorées qui les représentaient aussi droites que des piquets.

— C’est parce qu’il n’y a pas de pesanteur, expliqua Julius. Avec les semelles magnétiques, ils sont maintenus à la verticale au lieu de flotter.

— Et pour l’adjudant ?

— Ses bottes sont démagnétisées, répondit Krein. Et je peux assurer qu’il n’y a aucun signe de vie.

— Je sais pourquoi, dit alors Driss en examinant l’arrière de la combinaison. Ses indicateurs sont hors services. Impossible de savoir dans quel état il est.

— Et merde ! s’exclama le sergent. Un poids à transporter ! Ça ne va pas nous faciliter la tâche…

— Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas ? demanda Homar.

— On l’emmène, qu’est-ce que tu crois ? Tiens, pour la peine, c’est toi qui vas le prendre. Écho ?

— Oui, Reflet ?

— Est-ce qu’il y a un moyen de sortir d’ici rapidement ?

— C’est ce que je suis en train de voir, mais cela ne va pas être facile de passer inaperçu. Remonter dans les conduits, avec l’adjudant inconscient, est une solution à éviter. Comme il ne peut se diriger, le moindre choc peut abîmer sa combinaison.

— Alors en route par les couloirs !

— Il y a des hommes qui arrivent par ici, prévint Julius. Restez dans la salle !

Homar s’empressa de refermer la porte et se plaqua dessus. Tous attendirent que les gardes passent tranquillement, en espérant qu’ils se rendaient ailleurs que dans la pièce où ils se trouvaient.

— Ils se sont éloignés de votre position, annonça Julius. Vous pouvez sortir sans problème.

Krein souffla de soulagement. Il consulta l’horloge électronique sur son poignet : il leur restait encore une heure et trente-sept minutes avant la sortie d’Orphos de l’axe du satellite. Après cela, Julius ne sera plus en mesure de les guider.

— N’attendons pas plus longtemps, dit-il en ouvrant la porte. Allons-y !

Prudemment, ils sortirent de la pièce, l’adjudant Bannoc sur l’épaule d’Homar. Heureusement qu’il ne pesait presque rien…

Les torches des casques allumées, leurs armes non létales en main, ils parcoururent le long couloir mal-éclairé, appréhendant la moindre rencontre.

— Vous êtes à proximité d’une sortie qui vous rapprocherait du vaisseau, annonça Julius. Cependant, il y a plusieurs gardes aux alentours, ainsi qu’un groupe important dans une salle. C’est un risque moyennement élevé.

— Est-ce qu’ils bougent ?

— Affirmatif. Mais la fréquence de déplacement est très courte, impossible de ne pas être vu.

— Quelles sont les autres options ?

Julius réfléchissait à toute vitesse, scrutant son moniteur en analysant de tête tout ce qu’il y voyait. Soudain, de grosses taches apparurent autour du bâtiment et se mirent à se mouvoir dans différentes directions.

— Bon sang ! s’exclama-t-il. Plusieurs chasseurs sont en train de décoller de la base ! Il y a de fortes chances qu’ils découvrent le nôtre !

— Alors il n’y a plus une minute à perdre ! décréta le sergent. On avance et tant pis pour les conséquences. On va essayer de se faire passer pour une escorte.

Il attrapa l’adjudant par les épaules et le plaça face à lui. Il le poussa ensuite tout en marchant, profitant de son état de flottaison. Homar et Driss prirent leurs armes en main en adoptant l’allure d’une escorte armée. Chacun d’eux priait qu’ils ne se fassent nullement remarquer ou que personne ne les aborde. Et cette obscurité qui rajoutait une ambiance tellement angoissante…

Ils se sentaient comme pris au piège et rien ne les avait préparés à ça. Krein, malgré son expérience sur le terrain, était plus nerveux qu’à sa première mission.

La tension monta d’un cran lorsque, au détour d’un couloir, un groupe Black-Tron tourna dans leur direction. Aussitôt, les policiers changèrent leur fréquence radio.

Pourvu qu’ils ne nous parlent pas, se dit Krein. Qu’ils ne fassent que passer…

Lorsqu’ils arrivèrent à leur niveau, les agents ennemis se contentèrent d’un simple signe de la tête tout en poursuivant leur chemin. Le rythme cardiaque des trois astropoliciers put enfin redescendre, à leur grand soulagement.

Ils continuèrent d’avancer en tentant d’être naturels au possible tout en essayant d’aller vite.

De leur côté, Spiros et Julius redoutaient d’être découverts avant le retour de l’équipe de Krein. Des chasseurs Black-Trons s’étaient envolés, probablement pour effectuer des rondes autour du site. L’un d’eux venait de passer près de leur position, mais grâce à la situation géographique, il était obligé de contourner la chaîne de montagnes par l’autre côté de la plaine où était posé le chasseur déguisé.

Afin de gagner du temps, Spiros avait repris sa place aux commandes de celui-ci. Il était prêt à remettre les moteurs en route dès que l’équipe sera sortie du bâtiment. Il se demandait s’il n’était, d’ailleurs, pas préférable de décoller et d’aller les chercher directement vers la bouche d’aération…

Non. Cela alerterait les vaisseaux et les agents à proximité. Il fallait attendre encore et rien de plus.

***

Le temps passait et l’équipe n’était toujours pas hors du bâtiment. Leur radio était occupée sur le canal des Black-Trons et Julius n’avait aucun autre moyen de contact. Pour l’heure, il se contentait de surveiller leur progression tout en ayant un œil sur les chasseurs ennemis qui s’étaient déployés.

La sortie n’était plus très loin d’eux, mais il leur était impossible de ne pas être vu par plusieurs sentinelles. Un second groupe venait de passer juste à leurs côtés, mais qui ne leur avait également posé aucun problème.

Tant qu’il n’y aura pas de contact oral, tout ira bien. Mais que faire s’il cela venait à se produire ? Ils sont livrés à eux-mêmes, nous ne pouvons prendre le risque, Spiros et moi, de leur venir en aide. Et je n’ai même pas de combinaison Black-Tron.

Quelques longues minutes plus tard, Krein l’appela enfin :

— Où est-ce qu’on est ?

— Vous vous êtes éloigné de la sortie la plus proche pour rejoindre le vaisseau, répondit Julius. Repartez sur votre droite et foncez jusqu’au bout du couloir, vous passerez par un sas qui servait au déchargement des caisses. Il y a deux sentinelles en patrouille que vous allez croiser. S’ils vous voient avec un prisonnier, ils vont probablement vous demander pourquoi vous êtes là…

— On les neutralisera !

— C’est une première solution, mais qui va vous obliger à accélérer le pas. D’autres gardes sont dans les parages et vont les découvrir très vite après vous.

— Une autre option ?

— Malheureusement, aucune qui nous ferait gagner du temps. De votre position, vous êtes entourés d’agents ennemis.

— Et tu ne pouvais pas nous faire passer ailleurs ? s’emporta Krein.

— Votre radio était sur l’autre canal, rappela Julius, et avec l’adjudant inconscient avec vous, vous ne pouviez vous déplacer n’importe où. L’idéal aurait été de reprendre le système de ventilation, mais cela comportait un trop grand risque pour l’officier Bannoc. J’ai encore une possibilité…

— OK, mais sors-nous de là en vitesse !

— D’accord, alors suivez bien mes instructions. Il faudra être rapide et efficace. Préparez vos armes, vous en aurez besoin.

Spiros admirait le calme et la patience du Néo-sapiens. Julius avait toujours montré une plénitude dans toutes les situations, même stressantes. À sa place, Spiros aurait envoyé paitre Krein depuis longtemps avec son caractère.

Homar arma son MII, ainsi que Driss après avoir vérifié son chargeur.

— Dirigez-vous vers la droite, c’est un long couloir qui mène vers l’ancienne sortie des excavations. Sur le sol vous devriez avoir comme des rails qui servaient au déplacement des caisses.

— Tout à fait, confirma le sergent.

— Suivez-les sans vous arrêter. Lorsque vous aurez dépassé les premières sentinelles, vous les neutraliserez.

— Compris !

— Et à partir de là, il faudra accélérer le mouvement. Vous aurez un créneau de 40 secondes avant que le deuxième groupe ne découvre leurs camarades.

— Une course sans atmosphère, que demander de mieux ? railla Krein pour lui-même. Vous avez entendu les gars ? Ne vous loupez surtout pas. Je m’occupe de l’adjudant. Avec cette pénombre, on peut essayer de rajouter un facteur « chance » si l’on arrive à s’éloigner suffisamment pour être camouflé.

Il prit Bannoc par le bras et le plaça devant lui. Homar et Driss se maintenaient prêts.

Les sentinelles apparurent, comme deux fantômes dans la noirceur du couloir. Un spot de lumière était positionné à dix mètres derrière les astropoliciers, ce qui leur donnait l’avantage d’un contre-jour. À quelques pas d’eux, les deux unités Black-Trons s’arrêtèrent pour les laisser passer, tout en les regardant avec insistance.

Driss et Homar tinrent fermement leurs armes, les mains crispées sur la crosse. Le fait qu’ils soient ainsi observés n’arrangeait pas les choses. L’une des sentinelles toisait avec attention l’adjudant évanoui, puis tendit le bras pour arrêter Krein. Il semblait lui dire quelque chose, mais dans leur hâte, aucun des trois policiers n’avait remis le canal radio ennemi. Homar se dépêcha de remettre le sien.

— … comprends ce que je te dis ? demanda l’agent Black-Tron au sergent. Vous faites quoi avec ce prisonnier ?

Krein fit signe qu’il n’entendait pas et qu’il avait un problème de radio.

— Heu… sa radio fonctionne mal, dit Homar. On va aller faire réparer ça…

— Et je peux savoir ce que vous faites avec lui ? Et c’est quoi ces armes que vous avez dans les mains ?

Homar regarda Driss puis se tourna vers le Black-Tron.

— Oh, eh bien… je vais faire une démonstration…

Il tira trois fois sur l’agent devant lui, accompagné de Driss qui tira deux balles contenant du gel paralysant dans le cou de la seconde sentinelle. L’effet fut immédiat. Le gel traversa la combinaison et les deux ennemis se crispèrent.

— Bon sang, mais… ! s’exclama l’un d’eux, incapable de bouger les bras.

Driss leur tira une balle paralysante dans chaque jambe afin qu’ils ne puissent se déplacer. Ils étaient désormais immobiles comme des pantins, maintenus uniquement par leurs semelles magnétiques.

— On fonce ! s’écria Krein. Plus de temps à perdre, on rentre !

Sur son moniteur, Julius vit les autres sentinelles s’approcher dangereusement. Ils devaient être à portée de radio, ce qui les a probablement avertis au vu de leur déplacement plus rapide.

— Dépêchez-vous, dit-il. Le créneau s’est fortement réduit. Il n’y a personne devant vous. Au bout des rails, vous aurez deux portes qui devraient s’ouvrir par un système manuel.

— Compris.

Les minutes suivantes étaient interminables. L’équipe de sauvetage finit par sortir dans un temps raisonnable, mais Julius repéra une activité au niveau des agents ennemis, ce qui signifiait que l’alerte avait été donnée.

— On est presque arrivé au chasseur, annonça Krein. Soyez prêt à partir !

— Dépressurisation OK, répondit Julius. Spiros est paré au décollage, nous n’attendons plus que vous !

Le Néo-sapiens se leva après l’ouverture de la porte latérale afin de les aider à hisser l’adjudant à l’intérieur. Driss et Homar le portaient chacun sur une épaule et le passèrent à Julius. Krein entra en dernier après avoir vérifié que personne ne les avait suivis. Il crut voir des agents ennemis arriver au loin, mais le chasseur ayant commencé à s’élever, il referma la porte. Ils étaient enfin partis.

Soulagés, Driss et Homar se posèrent à même le sol, la tête contre la carlingue, reprenant leur respiration. Julius s’affairait sur l’adjudant Bannoc en changeant le moniteur qui permettait l’indication de l’état de santé de son porteur. Les bonbonnes d’oxygène étaient basses, mais encore suffisantes. Il préféra malgré tout les remplacer avec les réserves du bord.

Driss, qui avait quelques connaissances médicales, s’occupa ensuite de lui en effectuant un contrôle. Le corps de Bannoc était faible, sous-alimenté et pratiquement déshydraté. Il lui fit une injection pour le revitaliser momentanément et le stabiliser.

— Il va avoir besoin de soins d’urgence, déclara-t-il. Nous l’avons récupéré à temps, mais j’ignore ce qu’ils étaient en train de lui faire.

— Nous en saurons plus sur Neyria, dit Krein en se posant à son tour.

— En espérant que l’on puisse rentrer, lança Spiros aux commandes.

— Pourquoi ?

— Nous sommes poursuivis !

— Et merde !

Il se releva et prit le poste de Julius face aux moniteurs. Il tapa sur le clavier, mais perdit patience en essayant d’obtenir un visuel.

— Comment on fait pour voir à l’extérieur ? demanda-t-il, exaspéré.

— Il n’y a pas de caméras, répondit Julius, seulement des senseurs.

— Bordel ! s’exclama Krein en tapant du poing. Des tourelles laser ?

— Nous ne sommes pas sur un croiseur, fit remarquer Driss.

— Nous avons juste un module de mines IEM. Les armes létales de base ont été désactivées. Les ingénieurs n’ont pas eu le temps d’installer un armement de défense. La mission devait se cantonner à la discrétion absolue.

— Je leur en ficherais, moi, de la discrétion ! On se défend comment, maintenant ?

— Gardons notre sang-froid, conseilla Julius. Nous avons atteint l’objectif, c’est le principal. Et de plus, vous avez réussi à prendre des clichés de l’intérieur de la base, non ?

— Ouais…

— Nous venons de réaliser la première mission d’infiltration de la Police Spatiale, c’est un exploit ! Le risque était beaucoup plus grand que nous pouvions l’imaginer !

Krein se leva et fit face au Néo-sapiens.

— Je te ferais remarquer que si l’on crève durant le trajet, cet exploit n’aura servi à rien !

— J’en suis conscient, mais nous devons garder la Foi envers le Seigneur et au talent de notre camarade Spiros. Si nous tenons au moins deux heures, nous pourrons transmettre un message à Neyria pour nous porter secours.

Ce dernier était sceptique au sujet de son talent. Bien que les moteurs étaient poussés au maximum de leurs capacités, il ne savait pas s’il allait pouvoir tenir suffisamment à distance les chasseurs que les Black-Trons venaient de leur envoyer aux trousses. Il était également impossible de passer en vitesse semiluminique sans décrocher le module de transport où se trouvait le reste de l’équipe.

***

L’adjudant Lioris Smiss pianotait nerveusement les commandes de son Striker modifié, nommé Red Star, tout en ayant un œil sur son écran de contrôle et l’autre sur la verrière de son appareil. L’objectif pouvait apparaître à n’importe quel moment, il devait être prêt à donner les ordres à ses subordonnés.

Son escadrille, postée aux abords extérieurs de la ceinture d’astéroïdes pour une ronde de surveillance, était en alerte maximale. Le centre de commandement leur avait ordonné de porter assistance à l’équipe du sergent Krein qui revenait de mission du site Orphos. Comme ils étaient les plus proches de leur position, ils furent sélectionnés avec la consigne de chasser les Intruders qui les poursuivait et de les escorter ensuite jusqu’à Neyria.

Ils étaient à présent dans le couloir spatial qui leur permettrait de rejoindre l’espace de la colonie, le contact était imminent.

— Soyez parés au combat, lança l’adjudant. Nous ignorons la formation qu’a prise l’ennemi, nous allons donc adopter une ligne d’attaque !

— Bien reçu, répondirent les pilotes.

Les lasers étaient prêts à fuser, ainsi que les projectiles IEM. L’équipe était composée du Stryker de Lioris et de sept Protectors. C’était l’une des plus grosses escadrilles de toute la Police Spatiale. Et comme toutes les autres, elle avait toujours réussi ses missions haut la main.

Lioris était confiant. Dans son esprit, c’était une expédition de routine qui sortait quelque peu de l’ordinaire. Chasser les Black-Trons était d’une simplicité enfantine depuis qu’il avait appris à piloter. Ces agents de la Lune noire n’étaient pas doués au combat, cela allait de soi. Cette énième bataille le prouvera encore une fois. Peut-être que cela allait lui ouvrir la porte des grades tertiaires…

— Je détecte une flotte droit devant ! indiqua une de ses pilotes à tribord.

Il vérifia son propre radar. Il y avait effectivement une dizaine d’appareils avec une signature thermique semblable aux Intruders.

— Parfait, nous allons commencer les festivités. Estel, tu escorteras la cible quand ils nous auront dépassés pendant que nous nous occupons des chasseurs ennemis.

— Compris !

Le radar montrait désormais la formation adoptée par les vaisseaux Black-Trons.

Ils ne changent décidément rien à leurs habitudes, remarqua-t-il.

Lioris savait donc comment réagir et positionner son équipe.

— Borys et Joan, restez en retrait sur les extérieurs haut et bas ! Vous autres, en formation Delta inversée large !

Cette formation ne figurait nullement dans l’apprentissage des pilotes. Ce n’était qu’au cours d’une mission que Lioris en eut l’idée, ce qui avait permis de tenir l’ennemi de face et sur les côtés. Elle était à l’inverse de la classique Delta, créant un entonnoir ouvert où l’adversaire, s’il n’avait pas le réflexe au bon moment, finissait piégé sous une rafale de tir. L’utilité des chasseurs de Borys et Joan était d’empêcher les rescapés de s’enfuir par le haut ou le bas ou d’intercepter ceux qui réussiraient à passer à travers la formation.

L’Intruder de Spiros était désormais en vue, suivit d’assez près des autres chasseurs Black-Trons. Celui-ci essuyait un feu de tirs laser bien nourri qu’il esquivait du mieux possible, mais avec beaucoup de difficultés.

Comment se sont-ils retrouvés dans cette situation ? se demanda l’adjudant Smiss. Encore des amateurs…

Il avait examiné la liste des participants de cette mission sur Orphos. Parmi eux figurait l’ex-petit ami de sa fiancée et, qui plus est, aux commandes de l’Intruder.

Pour Lioris, ce Spiros avait de la chance d’avoir d’autres astropoliciers avec lui. Sans ça, il aurait évalué que le risque était trop grand pour un seul agent en difficulté et l’aurait laissé à son sort. La surveillance du secteur était bien plus importante en cas d’attaque. De plus, cette intervention pouvait bien être une diversion visant à les occuper pendant qu’une autre flotte arrivait par l’arrière. Il fallait donc en finir au plus vite.

— À mon signal, PR-11 et 12 vous envoyez la sauce ! PR-09 et 10, vous couvrez toute fuite éventuelle.

— À vos ordres !

— Attention… soyez prêt…

Le verrouillage des cibles s’enclencha aussitôt.

— FEU !

Les lasers fusèrent des Protectors en direction des Intruders. Celui de Spiros et son équipe se trouva alors en tir croisé et dut plonger vers le bas pour éviter la rafale.

— Mais ils sont fous ! s’exclama-t-il en redressant l’appareil comme il pouvait. Accrochez-vous les gars, ça va secouer !

Julius avait glissé de son siège pour se retrouver sous la console de commande de ses moniteurs. Driss s’était agrippé au siège de Julius, mais avait lâché prise pendant un roulement sur le côté du chasseur en percutant Krein, basculant tous deux vers l’arrière du vaisseau. Homar tenait fermement l’adjudant Bannoc et l’empêchait de prendre des chocs. Il se tordit cependant le bras en tentant de le rattraper après l’avoir lâché lors d’une manœuvre de Spiros.

— Il serait temps d’arriver, marmonna-t-il en massant le membre endolori.

— Est-ce que je peux joindre l’équipe qui nous porte secours ? demanda Krein à Julius.

— Bien sûr, répondit celui-ci en se relevant péniblement.

Il manipula quelques commandes et laissa sa place.

— Ici le sergent Krein à bord du chasseur IN-001, dit-il dans le micro de la console. Je m’adresse à l’escouade de secours. J’aimerais parler à l’officier dirigeant.

— Ici l’adjudant Smiss, répondit ce dernier après quelques secondes. Ravi de vous savoir en vie, sergent !

— Je le serais lorsque nous serons de retour sur Neyria, mon adjudant. Écoutez, nous avons retrouvé l’adjudant Bannoc sur Orphos. Son état est grave et demande des soins d’urgence !

— Bien reçu, sergent. L’agent Werden va vous escorter. On vous couvre pendant ce temps. Tenez bon !

— Merci, mon adjudant !

Lioris coupa la communication. Ainsi donc, leur mission était de retrouver Bannoc, disparu lors de la bataille du secteur V5-A.

Dommage, se dit-il. J’aurais pu obtenir ma promotion plus vite si la place était restée libre…

L’Intruder allié venait de dépasser la flotte de police, dont l’un des chasseurs se détacha du groupe pour les escorter. Derrière eux, tout n’était que flash de lumière rouge.

La bataille était engagée, mais les astropoliciers se rendirent compte que l’ennemi était bien plus coriace qu’à l’accoutumée. Premièrement, la tactique de Smiss ne s’est pas avérée aussi efficace qu’il l’avait souhaité. Les chasseurs Black-Trons avaient rapidement contré l’offensive en se déployant sur quatre points opposés les uns des autres, puis s’étaient retournés pour prendre les policiers en tenaille. Bloqués par les derniers Intruders en face d’eux, ils n’eurent d’autres possibilités que de partir de manière désordonnée.

De son côté, l’agent Estel Werden, qui accompagnait l’Intruder de Spiros, avait envoyé un message à Neyria pour demander du renfort. Après quelques minutes de vol tout en ayant un œil sur son écran radar braqué sur le combat, elle comprit que ses camarades étaient en difficulté et décida de les rejoindre.

— Je vais porter assistance à mon équipe, indiqua-t-elle à l’Intruder. Continuez d’avancer vers Neyria !

Spiros fut interloqué. Elle les laissait ainsi sans protection. Krein prit alors le micro :

— Agent Werden ! Vos consignes sont de nous escorter jusqu’à l’arrivée des renforts !

— J’en suis désolée, sergent, mais mon équipe est en difficulté, je dois les aider…

— L’adjudant Smiss ne vous a pas demandé de les rejoindre, s’insurgea Krein. Vous outrepassez ses ordres ! Notre priorité est de regagner Neyria sain et sauf, nous avons un blessé à bord !

— Mais…

Elle savait qu’il avait raison. Mais elle ne pouvait pas laisser son équipe comme ça tant que les renforts ne seront pas arrivés. D’un autre côté, un officier était blessé et nécessitait des soins rapidement. Et l’adjudant n’aimerait pas qu’elle puisse considérer qu’ils avaient besoin d’elle.

— Bien sergent… je continue votre escorte.

— Merci, agent Werden. Je comprends votre ressenti face à cet affrontement, mais votre tâche est différente de celle de vos camarades.

Estel regarda en arrière, mais, mis à part les flashs émis par les tirs de lasers, elle ne vit rien des chasseurs en pleine bataille dans la noirceur de l’espace. Elle n’aimait pas laisser ainsi son escadrille. Elle avait peur qu’ils ne leur arrivent quelque chose et avait une très mauvaise impression.

Pendant ce temps, l’adjudant Smiss tentait de regrouper son équipe pour adopter une nouvelle formation d’attaque, mais chacun de ses camarades était en prise avec un chasseur ennemi. Lui-même était poursuivi par deux Intruders qui semblaient avoir compris qu’il était le chef d’escadrille.

Les astropoliciers n’étaient désormais plus en position de force, c’était l’escadrille Black-Tron qui menait le combat. Jamais auparavant ils n’avaient été aussi efficaces dans une bataille, comme si les pilotes qu’ils affrontaient étaient d’un niveau bien plus élevé que les précédents. Les mouvements de leurs chasseurs anticipaient ceux des policiers et se montraient beaucoup plus adroits et rapides.

Aucune des tentatives de l’adjudant pour reprendre le dessus n’avait fonctionné. Ils avaient au moins réussi un objectif : détourner leur attention du chasseur-espion. Encore fallait-il tenir un bon moment avant l’arrivée des renforts.

— Ils sont quatre derrière moi ! s’écria Borys. J’ai besoin d’aide de toute urgence ! Mes boucliers sont sur le point de lâcher…

Lioris n’avait pas le temps d’évaluer la situation, mais il savait que personne ne pouvait prêter main-forte à Borys. Tout était confus dans la zone de combat, impossible de se remettre en formation pour contre-attaquer.

C’est alors que, tandis qu’il esquivait les tirs d’un Intruder qui arrivait en face, un cri déchirant retentit dans le communicateur des policiers. Son moniteur afficha ensuite une alerte des plus effrayante : l’un d’entre eux venait d’être abattu.

Il releva la tête dans la direction de celui-ci. Il vit, avec horreur, le Protector se disloquer en plusieurs morceaux. En cinq ans d’existence, la Police Spatiale subissait sa première victime de guerre. Borys, agent prometteur qui devait être promu caporal le mois prochain, n’était plus. Il était mort dans l’exercice de ses fonctions.

Lioris n’eut pas le temps de le pleurer. Une autre alerte s’afficha sur son écran de contrôle. Cette fois-ci, c’était Gillio, pilote de PR-11, qui venait de disparaître dans un flash lumineux, quelques secondes après avoir perdu ses boucliers d’énergie. Son cri, tout aussi déchirant que celui de Borys, avait exprimé la peur et l’angoisse avant de s’éteindre. S’ensuivit l’extinction de PR-12, quelques minutes après seulement.

Son équipe était en train de se faire détruire sous ses yeux et il ne pouvait rien y faire. Ils n’étaient désormais plus que quatre en fonction.

— PR-09, 13 et 14 ! Avec moi !

Lioris remonta son chasseur, les gaz à fond. Ses trois coéquipiers, comprenant ce qu’il comptait faire, firent de même, entraînant leurs poursuivants dans leur sillage. Réunis dans un quatuor tourbillonnant, ils lâchèrent alors chacun une mine IEM, qui explosèrent les quatre de concert dans un festival d’arcs électriques qui grillèrent les composants électroniques des Intruders.

Borys, Gillio, Marquo, Peete… vous êtes vengés !

Fiers de leur manœuvre, ils se séparèrent dans des directions opposées pour se réunir de nouveau face aux chasseurs noirs restants.

Lioris avait augmenté la puissance de ses lasers, quitte à vider ses batteries d’énergie plus rapidement. Il s’acharna sur deux Intruders avec rage jusqu’à épuisement de leur bouclier. S’ensuivirent trois projectiles IEM qui les mirent hors d’état. La situation commençait à se renverser à nouveau en leur faveur. Mais tandis qu’il se mettait en chasse d’une autre cible, un choc violent ébranla son appareil.

Tout devint subitement noir autour de lui, à l’égal d’une nuit sans fin, sans étoile, sans lumière, dans un froid intense.

Au même moment, occupée à son poste dans la salle de contrôle sur Damass, Niki eut comme un léger vertige, probablement dû à la fatigue emmagasinée. Manquant de tomber de sa chaise, elle se rattrapa brusquement sur le bord de sa console avec sa main, tapant le métal de la surface. Secouant la tête pour chasser le malaise, elle contempla machinalement sa bague de fiançailles qu’elle arborait fièrement à son annulaire. Elle fut alors horrifiée de constater que la pierre s’était fendue en deux.

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