36. A table !

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Sarah

Je ne peux m’empêcher de sourire en ouvrant les yeux, ce matin. Le tableau qui s’affiche sous mes yeux est des plus adorables. Judith est encore endormie, toute lovée contre son frère qui sourit dans son sommeil. Qu’ils sont beaux, tous les deux. Et je ne dis pas ça parce que le visage de Liam est à quelques centimètres du mien, que sa main est sur ma hanche et que je crève d’envie de l’embrasser à nouveau. C’était chaud, hier soir, et heureusement que Judith s’est mise à pleurer, parce que je crois que nous aurions dérapé plus que de raison. J’en crevais d’envie. Sentir son érection contre moi, ses mains, son envie… Ça me rend dingue. Systématiquement.

Je pouffe en entendant Jude marmonner des mots incompréhensibles dans son sommeil et tombe sur les beaux yeux ensommeillés de mon basketteur qui me dévisage un moment. Son sourire réapparaît finalement tandis que ses yeux se portent sur ma bouche. Tout mon être le supplie de passer à l’acte, de m’embrasser à nouveau et de me faire oublier tout ce qui n’est pas nos corps l’un contre l’autre. On n’aurait jamais dû craquer, même un peu, parce que me voilà plus frustrée que jamais.

Liam remonte sa main lentement sur mon flanc et contourne ma poitrine sans me lâcher du regard. Il me sourit en attrapant une mèche de mes cheveux et l’entortille autour de son doigt. Je me demande si j’ai déjà eu l’occasion de voir ce regard tendre sur moi, où perce à la fois l’envie et un soupçon de quoi ? D’attachement ? Je n’arrive pas à m’enlever de la tête sa phrase de l’autre soir. En mettant bout à bout les bribes de ce qu’il a déjà pu dire, je crois pouvoir en conclure qu’il s’est attaché à moi, oui. Après tout, il a bien dit à son père qu’il n’avait eu que des coups d’un soir, non ? Moi, j’étais plus qu’un petit coup d’une nuit. Et il a dit qu’il était sur le point de me proposer plus. Maintenant, outre le fait d’en vouloir à ma mère et Jim pour cette situation inconfortable, me voilà rancunière de nous avoir privés de ce plus qui me fait envie. Surtout que Liam me fait du bien. Et je ne parle pas que de cette entente au lit. J’ai vraiment la sensation de revivre depuis qu’il est entré dans ma vie. J’ai même rejoué au basket, c’est juste incroyable quand on sait comme c’était compliqué pour moi. Et Liam me fait ressentir tout un panel d’émotions, pas toutes positives, c’est sûr. J’ai parfois l’impression d’être une bombe prête à exploser, comme s’il décuplait tout ce que je ressens.

Notre jolie petite bulle de tranquillité explose quand la porte de la chambre s’ouvre. Liam retire rapidement sa main et nous fermons les yeux tous les deux. Je sens le matelas s’affaisser dans mon dos et l’odeur de ma mère m’emplit les narines alors qu’elle caresse mes cheveux.

— Sarah, il faut se lever ma Chérie, c’est l’heure.

Je m’étire comme un chat et souris à ma mère. Je crois n’avoir pas connu de réveil aussi apaisé depuis la grande nouvelle qui a totalement chamboulé ma vie.

— Jude, murmuré-je à l’oreille de la petite en la couvrant de bisous. Il faut se lever, ma Belle. J’ai besoin de toi pour réveiller Liam, en plus.

Judith marmonne et se tourne pour se caler contre moi en soupirant. Elle est beaucoup moins en forme le matin, c’est plutôt rigolo quand on voit comme elle peut être active dans la journée.

— Allez, Jude, continué-je doucement en la serrant contre moi. C’est pas juste qu’on soit réveillées alors que Liam dort encore. Une attaque de chatouilles, ça te tente ?

Elle ouvre enfin les yeux, me regarde en souriant et je sais que j’ai visé juste. La Princesse se redresse et saute sur Liam qui fait le surpris et se met à crier et à la supplier d’arrêter. Je me joins à elle alors que ma mère nous regarde, tout sourire.

— Vous êtes vraiment trop mignons, tous les trois. C’est quand même beaucoup plus agréable que de vous voir vous chamailler ! Allez, debout tout le monde ! Petit déjeuner en famille dans quinze minutes !

Oh, Maman, on était bien loin de ça, ces derniers jours, tu n’as pas idée. A peine a-t-elle quitté la chambre que Liam attrape sa sœur et nous renverse toutes les deux pour nous surplomber de toute sa hauteur, un sourire vicieux plaqué sur ses jolies lèvres.

— Non, non, Liam, s’il te plaît ! crie déjà Judith, morte de rire. C’est Sarah qui a eu l’idée, j’y peux rien, moi ! S’il te plaît, me chatouille pas !

— Tu es coupable, comme Sarah ! Vous n’échapperez pas à ma vengeance ! rugit-il en laissant glisser ses doigts sur sa sœur mais je suis trop distraite par sa main sur mes jambes pour vraiment me rendre compte de ce qu’il fait.

Judith se tortille dans tous les sens à mes côtés en hurlant alors que je sens sa main remonter sur ma cuisse. On est loin des chatouilles, pour ma part, et cette douce caresse m’embrase en un rien de temps. Je retiens même ma respiration lorsqu’il atteint ma hanche et glisse sa main sous mon petit débardeur. Malheureusement, les caresses s’arrêtent et je pousse un cri quand il commence à me chatouiller à mon tour sous le regard hilare de sa sœur.

— Allez, ça suffit, ris-je en le repoussant comme je peux. Debout maintenant, ça sent les pancakes, non ? J’ai faim, moi ! Qui passe en premier à la salle de bain ?

— On partage ? On y va tous les trois ensemble ? s’amuse à répondre Liam.

— Ah non, beurk ! grimace Jude en se levant. Moi je vais aux toilettes, je vous laisse vous battre pour la salle de bain, mais vous vous disputez pas, hein ?

— Alors, Sweetie, toi et moi, ou chacun son tour ? Je ne me disputerai pas, promis.

— Crois-moi, l’envie de partager une douche avec toi est trop tentante pour qu’on y aille en même temps, soupiré-je en me redressant. Et puis, je risquerais de te coller la trique… Ce serait ennuyeux pour le petit déjeuner familial qui est prévu, non ?

— Alors dépêche-toi, parce qu’on mange dans quinze minutes seulement.

— J’ai pas envie de sortir de là. J’ai l’impression qu’on est dans une bulle qui pourrait éclater dans la seconde si je franchis cette porte, dis-je avant de rire. Oui, je suis peut-être un peu folle au final, hein ?

— Aucune bulle ne va éclater, tout ira bien. Allez, va te laver, Sweetie. La famille nous attend, dit-il en insistant sur le mot “famille”.

Je grimace et sors de la chambre de Judith pour passer à la salle de bain. Il a de la chance, je suis rapide et lui laisse la place pour aller me préparer dans ma chambre. Quinze minutes, c’est un timing un peu serré pour moi, et je débarque la dernière à table. L’impression que la bulle va éclater refait surface quand je constate que ma mère a mis la table dans la salle à manger et pas dans la cuisine comme d’ordinaire. Au regard de Liam, je comprends qu’il a maintenant l’air beaucoup moins sûr de ce qu’il a pu me dire il y a peu.

— Bonjour, Jim, dis-je en m’installant à côté du basketteur. Est-ce qu’il y aurait un anniversaire dont je ne suis pas au courant ?

C’est vrai, je ne sais même pas quand sont nés nos invités après tout. C’est quand même assez significatif de la vitesse à laquelle cette installation a eu lieu.

— Non, non, pas d’anniversaire aujourd’hui, Sarah. Tu es ravissante, ce matin, me dit le père de Liam. C’est juste que ta mère et moi, nous avons une annonce à vous faire et que ça mérite bien un bon petit repas.

— Une annonce ? attaque directement Liam.

— Oui, Liam, reprend ma mère avec un sourire qui me rassure, pour le moment du moins. Il se trouve que nous avons une grande nouvelle à vous annoncer.

— On va encore déménager dans une plus grande maison ? demande Jude, toujours aussi mignonne.

— Mais non, on est bien ici, non ? dit Jim. Tu veux quoi en plus ? On est heureux ici, n’est-ce pas ?

Je jette un œil à Liam qui semble aussi perplexe que moi. Au moins, il a l’assurance de ne pas se retrouver à la rue, parce que je suis certaine que c’est à ça qu’il a pensé. Pour le reste, c’est vent de panique.

— Oui, c’est trop bien ici, s’enthousiasme Judith avant de mordre dans sa tartine.

— Et donc, cette annonce ? demandé-je sans quitter ma mère des yeux.

Elle inspire profondément, toujours ce sourire aux lèvres, avant de lever sa main dans notre direction. Je fronce les sourcils sans comprendre, quand l’évidence me saute aux yeux.

— Oh bordel, vous allez vraiment vous marier ?

— N’importe quoi, s’emporte Liam. Pourquoi tu dis ça ? C’est quoi votre annonce, alors ? Arrêtez ce suspense !

— Mais regarde sa main, espèce d’abruti ! m’énervé-je. Tu crois que je sors ça d’où ? T’es con ou quoi ?

Je le vois blanchir puis porter son regard sur moi, désespéré, alors que ma mère reprend la parole, tout sourire.

— Jim m’a demandé ma main hier soir, et j’ai dit oui. Nous allons officialiser cette belle famille que nous formons déjà. Et nous aimerions que vous soyez nos témoins, tous les deux. Quoi de mieux qu’une union où l’on se retrouve tous pour la célébrer ?

J’éclate d’un rire nerveux, incapable de me contrôler, et me lève de table.

— Je crois qu’il vaut mieux que je parte avant de dire des choses blessantes. Jusqu’au bout, hein ? Vous allez nous faire la totale. Manque plus que le gamin, tant qu’on y est.

— Ben quoi ? Vous n’êtes pas heureux pour nous ? demande Jim, tout aussi contrarié que ma mère.

— Daddy, ça vous arrive un peu de penser à nous dans vos histoires de cul et de mariage ? Tu connais Vic depuis moins de trois mois, et déjà, tu la demandes en mariage ? Tu crois pas que c’est un peu précipité ?

— Tu comprendras quand tu tomberas amoureux, Fils, lui répond Jim en prenant la main de ma mère dans la sienne. Il n’y a pas de précipitation quand on est sûr de soi.

Je suis littéralement sur le cul et j’ai envie de tout envoyer balader, mais mon regard tombe sur Judith qui, encore une fois au milieu de nos disputes, semble totalement perdue, ce qui me fait me rasseoir à table.

— Si ce n’est pas précipité pour vous, vous devriez comprendre que ça l’est pour nous, dis-je plus calmement alors que je bouillonne.

— Ouais, déjà qu’on s’attendait pas à venir vivre chez vous, vous pouvez comprendre que cette annonce est plutôt inattendue, grommelle Liam qui a suivi mon regard et s’est lui aussi calmé.

— Moi, je suis trop contente, sourit timidement Judith. Je vais avoir une Maman, comme ça. Et puis toi, tu vas avoir un Papa, Sarah. T’es pas contente ? Et pourquoi je suis pas témoin, moi ?

— Tu es trop petite, Jude, lui répond Jim. Mais si tu veux, tu pourras apporter les alliances et être la responsable du lancer de fleurs !

— Vous allez vraiment faire la totale ? demande Liam, incrédule, pendant que Judith saute dans les bras de son père, ravie de la tournure des événements.

— Bien sûr, sourit ma mère, toute joyeuse. On s’aime, on a le droit à la totale, non ?

— Ben oui, bougonné-je en me levant, aux frais de la princesse… On va être en retard en cours, Liam, il faut y aller. Je t’emmène ? Bonne journée à vous.

Je dépose un baiser sur la joue de Judith et sors de la salle pour monter me brosser les dents sans attendre de réponse de qui que ce soit. Alors comme ça, rien ne va arriver ? Il faudra que je pense à ne pas écouter Liam, la prochaine fois. Ils ont, en plus, le culot de nous annoncer ça de bon matin, avant les cours, comme si leur nouvelle n’allait pas, encore une fois, nous assommer. Ma mère va se remarier, changer de nom comme si mon père n’avait jamais existé. J’ai envie de me barrer de cette maison et de ne plus jamais y mettre les pieds. Ou plutôt, je veux virer tout le monde d’ici et y vivre seule pour que l’ombre de mon père ne disparaisse jamais. Je suis en train de devenir folle je crois, au moins ça collera à l’image que ma mère a dépeint de moi à Liam.

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