48. La messagère rassurée

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Sarah

J’aide ma mère à débarrasser la table dans un silence de mort. Elle me fait la tête et ça m’agace. C’est quand même fou, ça. C’est Liam qui fait n’importe quoi et se tape Becca, et c’est à moi qu’on reproche de m’énerver. Pourquoi pas me reprocher leur soirée de fornicage, tant qu’on y est ?

— Il faudra que tu ailles t’excuser, tu n’as pas été correcte avec Liam tout à l’heure, finit par me dire ma mère, d’un ton que je trouve très accusateur.

— Parce que c’est correct de se taper Becca ? Tu veux que je lui fasse sa lessive et ses devoirs aussi ?

— Je ne comprends pas pourquoi ça te dérange. Ça ne serait pas bien que ta meilleure amie sorte avec ton frère ? Tu pourrais même être leur témoin à leur mariage, tu vois, si ça marche entre eux.

Ben voyons, et pourquoi pas la marraine de leurs gosses, aussi ? L’idée que Becca et Liam puissent sortir ensemble me file la gerbe.

— Tu ne comprends pas, Maman. Liam ne sort avec personne, il couche avec des filles, les laisse s’attacher et change de nana.

Et je te parle d’expérience…

— Ce n’est pas à toi de le juger, ma Chérie. Nous sommes une famille et je compte sur toi pour t’excuser. Montre que tu es la plus mature, s’il te plaît.

— Oui, Maman.

Dans tes rêves.

Je suis sauvée par la sonnerie de mon téléphone et déchante en voyant que c’est Rebecca qui m’appelle. Aucune envie de lui parler. Surtout si c’est pour qu’elle me raconte ses exploits sexuels avec le basketteur.

— Mais ce serait bien que lui s’excuse de ne pas avoir respecté sa parole aussi, non ? continué-je en rangeant les céréales dans le placard.

— Il a vraiment donné sa parole ? Il est étrange, ce jeune homme… murmure-t-elle plus pour elle qu’à mon intention.

— Non, c’est juste un queutard, Maman. C’est ça la jeunesse, les basketteurs à la fac… La notoriété, soupiré-je alors que mon téléphone sonne encore.

— Tu peux répondre, tu sais. Je vais finir de ranger toute seule. Merci de ton aide et va vite le voir. Ces histoires-là, il ne faut pas les laisser pourrir.

— Oui, Maman.

Bien sûr, Maman. J’y penserai, Maman. Je ne sais pas ce qui est le pire, la leçon de morale de ma mère ou l’appel de Becca. Je soupire en montant dans ma chambre et rappelle ma meilleure amie en me laissant tomber sur mon lit.

— Sarah ! C’est horrible ! dit-elle avant d’éclater en sanglots. Liam… Tu ne sais pas ce qu’il m’a fait ?

— Heu… Quelque chose qui te fait pleurer ? C’est quoi le problème ? dis-je, un peu perturbée de la trouver dans cet état.

— Ce gars, c’est un connard. Un foutu connard. Je le hais ! me lance-t-elle avant de repartir en pleurs.

Je commence à vraiment m’inquiéter. Qu’est-ce qu’il a bien pu lui faire, à Becca ? Je doute qu’elle soit dans cet état parce qu’il est parti après l’avoir fait jouir.

— Mais enfin, raconte-moi au lieu de pleurnicher, comment tu veux que je comprenne un traître mot de ce que tu racontes ? m’agacé-je avant de souffler un coup. Becca… Dis-moi ce qu’il se passe ? Il faut que j’aille lui couper les couilles ?

— Oui ! Coupe-les ! Ou je ne sais pas. Mais ce connard n’est pas venu, hier soir… Et le SMS qu’il m’a envoyé, c’est horrible… Juste quelques mots pour dire qu’il avait un problème de moto et que le destin avait joué contre nous. Il ne veut plus me voir, ni coucher avec moi… Mais je l’aime, moi !

— Comment ça… Il n’est pas venu ? Tu es sûre ? la questionné-je bêtement.

— Bien sûr que je suis sûre ! Tu penses bien que je l’aurais vu, s’il était venu ! En plus, j’avais mis ma petite combi rouge sexy, j’étais trop prête pour lui… Et j’ai passé la nuit à pleurer… Oh Sarah, pourquoi n’est-il pas venu ? J’ai trop envie de lui !

Je ne comprends plus rien. Pourquoi est-ce qu’il m’a laissé entendre qu’il avait couché avec elle ? Je ne peux m’empêcher de lui en vouloir de ne pas m’avoir rassurée à ce sujet, et une partie de moi jubile qu’il n’ait pas couché avec elle. Bon sang, j’en ai marre d’être une boule de nerfs à cause de ce type.

— Je… Je suis désolée, Becca… Tu ne perds pas grand-chose, de toute façon… C’est le genre de gars à partir au beau milieu de la nuit sans même te laisser un mot, à mon avis… Y en a plein, des mecs sur le campus, qui vendraient père et mère pour passer une nuit avec toi, Bichette.

— Oui, mais c’est lui que je veux… Tu comprends, c’est lui qui me fait mouiller… Je le veux, il faut que je l’aie… Tu voudrais pas me rendre un service, Sarah ?

— J’ai envie de te dire qu’on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie, Becca… C’est comme ça. Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

Je le sens venir gros comme une maison, le truc bien pourri que je n’aurai aucune envie de faire.

— Tu veux pas aller voir Liam… Et lui dire que je ne lui en veux pas… Mais qu’il peut reprendre contact avec moi ? Qu’il faut qu’il reprenne contact car je suis trop malheureuse sans lui ? S’il te plaît, Sarah, fais ça pour moi… Il va t’écouter, toi, c’est sûr.

Je ne peux m’empêcher de pouffer en l’entendant dire de telles âneries. Si elle croit que Liam va m’écouter, elle se fourre le doigt dans l'œil.

— Pourquoi tu te moques, Sarah ? Ce n’est pas drôle… J’ai le cœur en miettes et toi, tu en ris… Tu ne veux pas m’aider ?

— Non, non, bien sûr que non enfin, je ne me moque pas de toi ! Je… Je connais Liam, c’est tout. Et puis, je peux t’assurer qu’il ne m’écoute pas.

Enfin, je ne crois pas. Après tout, il n’a pas couché avec Rebecca.

— Tu sais, continué-je. Il n’est juste pas prêt pour une vraie relation. Il est jeune, con, je le concède, mais il veut profiter de la vie, quoi…

— Je crois qu’une fois qu’il aura goûté à l’amour avec moi, il ne pourra plus s’en passer, Sarah. Tu me promets que tu vas lui parler ? Dis-lui que je suis prête à réaliser tous ses fantasmes. Je suis trop frustrée, là…

— Je vais essayer de lui en toucher deux mots, mais… Tu devrais faire le deuil de cette relation, Bec. Ça vaut mieux pour toi.

Ou pour moi ? Je suis vraiment égoïste de ne pas vouloir intervenir en sa faveur. D’un autre côté, vu son état actuel, ce sera sans doute pire après avoir couché avec lui. Je ne sais pas trop quoi faire, d’autant plus que Liam s’en fout comme de l’an quarante de ce que je peux lui dire.

— Je vais lui en parler, soupiré-je finalement. Si tu y tiens vraiment…

— Oh, merci, Sarah ! Tu es une vraie amie ! Tu crois que je peux espérer le voir ce soir ?

Oh la vache, elle n’entend vraiment que ce qui l’arrange, c’est fou !

— Heu… On a un repas de famille, ce soir, laisse tomber, inventé-je. Bon… Ça va aller ? Je peux te laisser ?

— Oui, je vais appeler Evan et essayer d’avoir son point de vue masculin. Il a peut-être un truc pour m’aider à séduire Liam… Merci Sarah. A demain !

Je la salue et raccroche avant de balancer mon téléphone sur mon lit en soupirant. Elle est vraiment cinglée, Becca. Enfin, disons qu’elle a un vrai problème d’attachement. Chaque fois qu’elle flashe sur un mec, ça part en live. Et là, le problème, c’est surtout le mec. Pourquoi a-t-il fallu que cela tombe sur Liam, et pourquoi maintenant ?

Je ne suis pas sûre de devoir lui parler de ça. Ça va le faire rire, lui, de savoir que Becca est accrochée sans même qu’ils aient couché. Mais bon, une promesse est une promesse, et je finis par enfiler un gilet et sortir à l’avant de la maison pour retrouver le basketteur en train de faire des paniers.

— Faut que je te voie pour deux choses, tu as une minute ?

— Non, je n’ai pas le temps ni l’envie de m’engueuler encore, assène-t-il sans même me regarder. Si tu veux me faire fuir de cette maison, tu y es presque.

— Ce qui m’amène à la première chose que je voulais te dire, Monsieur Bougon. Je te présente mes excuses.

Il s’arrête, le ballon à la main, et se retourne enfin pour me regarder, l’air dubitatif.

— Arrête tes conneries, Sarah. Toi comme moi, on sait que tu n’es pas désolée. Tu es en colère contre moi et tu as envie que je me barre d’ici. Et franchement, si j’en avais les moyens, je serais déjà parti. Alors, arrête de faire semblant, laisse-moi un peu de temps et bientôt, je ne serai plus dans ta vie. D’accord ?

— Je pensais que tu avais couché avec Rebecca alors que… Enfin, tu sais bien quoi, bafouillé-je, surprise par sa véhémence. Pourquoi tu ne m’as pas dit que ce n’était pas le cas ? Ça aurait été beaucoup plus simple et, effectivement, j’aurais sans doute été moins… Désagréable ?

Là, j’ai vraiment capté toute son attention, et il se rapproche de moi, intrigué, en plissant légèrement les yeux.

— Tu as parlé à Becca ? Je ne t’ai jamais dit que j’avais couché avec elle, en tous cas. C’est toi qui t’es fait des films toute seule. Et je ne t’ai pas démentie, juste pour me venger de ta nuit avec Ryan. Mais contrairement à toi, moi, je n’y suis pas allé, tu vois. Je dois être trop con mais je tiens toujours le deal qu’on a fait ensemble…

Je soupire et lui pique la balle des mains pour aller marquer un panier avant de la lui relancer.

— Ok, une chose après l’autre. Deuxième point que je voulais voir avec toi… Becca est malheureuse de ton lapin d’hier soir et voudrait bien te revoir. Tu as dû lui laisser un souvenir impérissable dans la cuisine, apparemment.

— Je lui ai dit que c’était mort entre nous, elle n’a pas compris ? Tu sais, Sweetie, j’étais en route pour aller la voir et ma bécane est tombée en rade. Et pendant que je la réparais, la seule chose que j’avais en tête, c’est que j’allais la voir pour les mauvaises raisons. Tu as raison, ce n’est pas cool de profiter d’une femme pour la nuit et de ne plus jamais la voir, surtout avec quelqu’un comme Becca qui s’attache tout de suite. Je n’avais juste pas envie de la blesser plus que ça, et une fois la fuite réparée, je suis rentré à la maison. Il faudra que tu lui expliques qu’elle et moi, ce n’est juste pas possible.

Il y a donc un cœur derrière ces pectoraux saillants ? Je me retiens bien de lui en faire la remarque puisque, pour une fois, nous discutons sans nous écharper.

— D’accord… Maintenant que j’ai vu avec toi ce que je devais voir, dernière chose : Je n’ai pas couché avec Ryan, et je crois ne jamais t’avoir dit que c’était le cas.

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