68. La cabine de la discorde

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Sarah

Lorsque Liam se gare à quelques pas de la cabine au bord du lac, je suis toute excitée, et ça n’a rien à voir avec le beau black qui se trouve à mes côtés. J’adore ce genre de locations, dans un coin que je ne connais pas, dans la campagne, avec une vue sur l’eau. C’est apaisant, tout simplement. On laisse les problèmes à la maison et on savoure. Mot d’ordre du weekend : profiter. Il sera clairement difficile de profiter davantage que lors de ma soirée d’anniversaire, mais j’espère aussi que nous pourrons partager autre chose que du sexe. Entendons-nous bien, j’adore le sexe avec Liam, ce serait mentir que de dire le contraire. Et je me révèle carrément insatiable avec lui. Mais j’aime passer du temps avec Liam, en dehors de ces moments, et je crois qu’il est aussi nécessaire que l’on se rapproche à ce niveau-là, parce que le sexe ne durera pas éternellement. Alors, à défaut de pouvoir être ensemble, il faudra tout de même que nous ayons une certaine relation pour vivre sous le même toit. Amis ? J’ai du mal à croire que ce soit possible, mais c’est tout ce à quoi nous aurons droit, au final. Aucun avenir n’est envisageable entre nous, déjà parce que Liam veut profiter de la vie, et surtout parce que bientôt, nous serons considérés comme étant de la même famille.

Je me secoue et sors de la voiture alors qu’une femme d’un certain âge approche. Elle nous salue chaleureusement et nous invite à entrer pour visiter ce chalet de bonne taille, que je n’ai pas pris pour ça, mais surtout pour la petite véranda qui donne sur le lac et la proximité avec l’étendue d’eau. Je crois que je pourrais passer mon weekend sur les fauteuils en osier de la pièce vitrée, à observer la nature, blottie sous un plaid.

La maison n’est pas si grande que ça, mais joliment décorée, et c’est davantage la localisation que le luxe que j’ai payé. Il y a tout ce qu’il faut pour être tranquille et profiter. Nous nous sommes arrêtés faire quelques courses dans un petit supermarché local et je nous vois déjà cuisiner tous les deux et aller nous coucher dans le grand lit qui semble très confortable et sur lequel j’ai envie de me jeter.

Lorsque la petite dame dépose la clé sur la table et sort de la pièce, je me tourne vers Liam qui est resté particulièrement silencieux lors de notre visite. Il observe le canapé beige comme s’il était devant une bijouterie, et je glisse mon bras sous le sien pour le sortir de ses pensées.

— Tu veux bien aller chercher les sacs dans la voiture, Capitaine ?

Le ton de sa réponse me surprend dans mes rêveries.

— Tu crois qu’on peut annuler la réservation ici et aller dans un camping ? Je trouve tout ça tellement luxueux…

— Liam, c’est une petite maison, ris-je. Elle est chère à cause de l’emplacement. Pas de marbre au mur, pas de granit dans la cuisine. Respire ! Franchement, le lit a l’air bien trop confortable pour que je l’échange contre une toile de tente, désolée.

— D’accord, Sweetie, répond-il, résigné. Je vais chercher les sacs et je reviens tout de suite.

Il sort de la maison et me laisse perplexe, là, au beau milieu du salon. Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que quelque chose cloche ? On est pourtant bien, ici ! Nous avons passé l’après-midi à nous balader main dans la main, à nous bécoter, à papoter, et le voilà qui se referme comme une huître pour une maison. Dans le genre caractère de cochon, je crois qu’on bat des records, et c’est beaucoup moins agréable que de viser un record d’orgasmes.

Je profite de son voyage à la voiture pour aller au bord du lac. J’enlève mes chaussures et pose mes pieds sur la petite bande de sable. L’eau est fraîche, mais le calme qui règne ici surpasse tout ce qui pourrait gâcher la fête. Liam me rejoint finalement alors que je me suis assise sur un petit rocher. Il se glisse derrière moi et m’enlace en posant son menton sur mon épaule.

— Ça va, Capitaine ?

— Oui, Sarah, ça va. C’est magnifique ici… Et d’un calme ! J’ai juste toujours un peu de mal à vivre à tes crochets. Tu sais, j’ai horreur de la charité.

— Bon sang, Liam, c’est pas de la charité, arrête avec ça enfin, soupiré-je. C’est si compliqué que ça d’accepter que les gens veuillent te faire plaisir ?

— Oui, ça l’est. Un jour, tu sais, j’espère être assez riche pour pouvoir moi aussi te faire plaisir, comme tu le fais avec moi.

— Tu me fais déjà très plaisir, en fait, pouffé-je, incapable de garder mon sérieux.

— Ah oui ? demande-t-il en en profitant pour me mordiller le lobe de l’oreille.

— Oh oui, crois-moi, j’adore quand tu me fais plaisir, d’ailleurs.

Je penche la tête sur le côté et sens ses lèvres descendre dans mon cou. Ouais, clairement, il sait quoi faire pour me mettre dans tous mes états. Surtout que ses mains se glissent sous mon manteau et caressent mon ventre tout en tentant de s’insinuer dans mon legging.

— Liam, arrête, ris-je. Aussi agréable que ce soit, j’ai faim, et tu sais que contenter l’estomac d’une femme est nécessaire pour qu’elle apprécie le sexe ?

— Ah oui ? Tu es affamée ? Parce que moi, aussi. On se fait une petite omelette ce soir ?

— Tu ne veux pas qu’on se fasse un restau ? Ici, on peut sortir sans risquer de tomber sur une connaissance. Ça fait un moment que je ne suis pas allée au restaurant. T’en penses quoi ? Je t’invite, évidemment.

— Évidemment, répond-il amèrement. Parce que je suis pauvre et que je n’ai pas les moyens de t’inviter… Il faut toujours que tu me rabaisses, en fait, non ?

Sa réaction me surprend et je me retourne pour l’observer alors qu’il s’est redressé. Ses mains sont beaucoup plus chastes tout à coup et son regard moins chaleureux.

— Te rabaisser ? Tu t’entends parler, là ? Tu dis n’importe quoi, Liam, ce n’est pas du tout le but.

— Pourquoi tu ne penses qu’à m’inviter alors ? On ne peut pas vivre simplement ? L’argent ne fait pas le bonheur, Sarah. J’ai parfois l’impression que je suis un moins que rien quand tu me parles comme ça.

Je me lève pour lui faire face, blessée par ses propos. Il va vraiment me faire une scène, là, maintenant, alors qu’on est enfin tranquille, dans un coin de rêve, rien que lui et moi ?

— Je crois que c’est toi qui as un problème avec l’argent, en fait, Liam. C’est toi qui prends tout mal dès qu’il s’agit d’argent. Je voulais juste… Merde, tu vas vraiment nous pourrir notre soirée pour une histoire de restaurant ?

— Je n’ai pas envie de pourrir quoi que ce soit, je te dis juste ce que je ressens, répond-il en se refermant sur lui comme une huître.

— Eh bien, je suis désolée que tu te sentes rabaissé dès qu’on propose de t’offrir quelque chose, vraiment. Mais que tu puisses me porter ce genre d’intention, moi, ça me blesse. Je voulais juste pas empiéter sur ton budget du mois, et toi tu t’emballes comme si je t’avais proposé de te payer pour baiser, sérieux.

— Ce n’est pas pour ça que je suis là ? me provoque-t-il. Te baiser pendant que tu paies toutes mes dépenses ?

— Va te faire foutre, Liam. Si c’était le cas, je te garantis que ce soir tu n’aurais même pas accès au canapé, puisqu’il est hors de question que je baise avec toi dans cet état d’esprit. Non mais j’y crois pas ! Si j’avais su que tu réagirais comme ça, crois-moi, je n’aurais pas déboursé un cent pour qu’on puisse passer du temps ensemble. Tu es vraiment un gros con quand tu t’y mets !

— Peut-être que l’on aurait dû rester à la maison, en effet. C’est joli, ici, mais si c’est pour s’engueuler qu’on est là, ça ne valait pas le coup de venir.

— Bonne nuit, Liam, marmonné-je en tournant les talons pour regagner la maison.

Franchement, à quel moment a-t-il décidé de nous pourrir le weekend ? Qu’est-ce qui lui prend ? Il a vraiment un ego très mal placé. Si ça lui réussit dans le basket, là, c’est du n’importe quoi. On est au vingt-et-unième siècle, je peux bien lui payer un restau sans que ce soit la honte, non ?

Je l’ignore totalement lorsqu’il rentre à l’intérieur alors que je me prépare à manger. Finalement, ce sera omelette, mais je ne prépare qu’une portion, je ne voudrais surtout pas qu’il me reproche de le rabaisser. Je m’installe dans la véranda sans lui accorder un regard et mange le nez sur mon téléphone pour ne pas avoir à croiser son regard. Je l’entends s’affairer en cuisine à son tour, et je dépose finalement mon assiette dans l’évier sans pouvoir m’empêcher de lui faire une remarque désobligeante.

— Je te laisse faire la vaisselle, je ne voudrais surtout pas que tu interprètes mal le fait que je la fasse.

— Sweetie, tente-t-il de dire, je… suis désolé…

— Je m’en fous, marmonné-je en m’éloignant déjà.

Je vais récupérer ma trousse de toilette dans mon sac et file m’enfermer dans la salle de bain pour me démaquiller et me brosser les dents. Il est toujours planté dans la cuisine lorsque j’en sors, mais je ne lui laisse pas le temps de me dire quoi que ce soit et attrape son sac posé sur le lit pour le déposer à l’entrée de la chambre avec une couverture que j’ai trouvée dans l’armoire.

— Bonne nuit, Liam. Et merci pour ce weekend de rêve, franchement. Ça fait plaisir et c’est super agréable de passer des moments comme ça avec toi. Moi qui voulais partager autre chose que du cul, on peut dire que pour le coup, c’est mission accomplie.

Je ferme la porte de la chambre en soupirant et m’adosse contre. Une partie de moi a envie qu’il me foute la paix, quand la seconde rêve qu’il vienne se confondre en excuses de l’autre côté du battant. Est-ce que j’ai fait un pas de travers ? Je prends note que je ne dois absolument pas être gentille et altruiste avec lui, vu comme il le prend, et ça me fait chier qu’il puisse penser que mon objectif est d’asseoir une quelconque supériorité ou je ne sais quelle ânerie qu’il s’est mise en tête. Si l’argent ne fait pas le bonheur, le manque de moyens financiers, lui, fait des dégâts, Liam a l’air d’avoir un foutu complexe d’infériorité, je n’ai pas signé pour ça, moi. J’ai signé pour un weekend de complicité et de sexe, c’est quand même pas trop demander, si ?

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