74. Balance ta capote

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Sarah

Je sors de la douche et m’enroule dans une serviette en bougonnant contre Liam qui a laissé traîner sa serviette sur le rebord du lavabo. Ma salle de bain est devenue un vrai bordel depuis que je la partage avec les Sanders. Quelques jouets sont posés sur le rebord de la baignoire pour Judith, le basketteur a envahi les étagères avec son barda et j’ai dû entasser le mien pour leur laisser de la place. Je crois que je ne me fais toujours pas à l’idée de ne plus être fille unique dans cette maison. Il faut dire que je ne suis plus jamais seule ou presque. Judith est adorable, mais a constamment besoin d’attention, et elle adore que je dessine avec elle, que l’on joue ensemble, que je la coiffe… Comme une gentille grande sœur. Et Liam… Il me rejoint dans ma chambre quasiment tous les soirs si ce n’est pas moi qui vais dans la sienne. Encore hier, alors que j’ai fait mine de dormir, non pas parce que je n’avais pas envie de câlins ou de sexe, mais simplement pour garder un peu d’indépendance et prendre de la distance, il s’est glissé sous mes draps et a passé la nuit avec moi.

Je ne suis pas sortie indemne de ce petit weekend “en amoureux”. Plus perdue que moi, tu meurs. Je navigue entre la joie de savoir Liam amoureux de moi, et l’angoisse de la fin de ce CDD. Comment est-ce que je peux m’impliquer dans cette relation alors que l’issue sera forcément une séparation ? On ne peut pas vivre comme ça éternellement, en se cachant, en mentant à nos parents. Mais je n’ai aucune envie que tout s’arrête. J’aime trop passer du temps avec Liam, même si on se cantonne à nos chambres. J’adore constater les changements dans son comportement avec moi. Qui aurait cru que le roi des coups d’un soir pouvait être romantique ? Il a toujours été attentionné avec moi, mais il se révèle aussi être le roi des câlins post-orgasmes, et ça, ce n’était pas vraiment le cas au début.

Bref, autant dire qu’il est très doué, je suis prise dans ses filets et je n’ai aucune envie d’en sortir. Pourtant, il faudra bien qu’on arrête nos bêtises quand nos parents seront officiellement mariés, non ? J’avoue que j’aimerais trouver une solution pour éviter tout ça, mais je ne veux pas priver ma mère de ce moment qu’elle prend tant de temps à préparer. Elle semble tellement heureuse de se marier avec Jim, ce serait égoïste de lui avouer que Liam et moi sommes ensemble et de leur demander de ne pas signer ces foutus papiers, non ?

Je sors de la salle de bain dépitée, comme souvent le matin. Il faut vraiment que j’arrête de ruminer tout ça. Vivre au jour le jour. Panier après panier, hein ? Tellement facile à dire. Mon petit cœur, lui, sent déjà la gamelle et veut éviter de trop gros dégâts, même si je crois qu’il est trop tard pour ça.

— Ah, Sarah, Chérie, te voilà, me surprend ma mère en haut des escaliers.

Elle se dirige vers ma chambre et ma première pensée est de me demander si Liam a bien rangé la boîte de capotes, ce matin. Manquerait plus qu’elle tombe dessus, tiens. Ça résoudrait bien des problèmes, au final, mais en créerait d’autres. Pas la meilleure des solutions…

— Tu fais quoi ? lui demandé-je en la suivant alors qu’elle entre sans gêne.

— Je vais faire une tournée de blancs, tu as du linge ?

— Oh heu… Oui, désolée, j’ai totalement oublié de descendre ma bannette hier, attends, je te donne ça.

— Ça va, c’est bon, j’y vais, Chérie.

Elle entre dans mon dressing et j’en profite pour faire une rapide inspection de ma chambre. Pas de boîte de capotes, c’est déjà ça. En revanche, je me retrouve à pousser du pied un tee-shirt qui ne m’appartient pas. Je crois que c’était moins une. Dommage pour Liam, son maillot blanc ne sera pas lavé aujourd’hui. En même temps, comme pour la salle de bain, il s’étale et laisse traîner ses affaires.

— C’est bon, tu n’as pas de vêtements qui traînent ?

— Non, ris-je, je ne m’appelle pas Liam. Tu devrais aller faire un tour dans sa chambre plutôt.

— A cette heure ? Oh, non, je ne voudrais pas le déranger. On ne sait jamais, tu imagines s’il est en train de… Enfin, tu vois, quoi ! Son père m’a dit qu’il ne sortait plus autant qu’avant, alors bon, faut bien que ça se fasse, sourit-elle.

Oh, Maman, je crois que Liam n’a pas de rencard avec sa main droite ce matin, non. Cette conversation est en train de virer au glauque.

— Heureusement que tu n’as pas eu de garçon, me moqué-je. Tu sais que les filles aussi se masturbent ? Et me déranger, moi, pas de problème ?

— Toi ? Mais ce n’est pas pareil, ma Chérie. Une femme, ça fait ça discrètement ! Et puis, Liam n’est pas encore vraiment mon fils !

— Techniquement, il a déjà une mère, il ne sera jamais vraiment ton fils, Maman… Enfin, c’est très symbolique, tout ça, la petite famille recomposée, les frères et soeurs, tâtonné-je avec douceur.

— Oh oui, une petite famille recomposée. Je dirai à Liam qu’il pourra m’appeler Maman après le mariage s’il le souhaite. Je sais que sa mère l’a un peu traumatisé en grandissant… Et puis, ce qu’elle a fait… C’est fou… Bref, je considère déjà Liam comme mon fils, moi !

Là, elle pique ma curiosité puissance mille. Elle semble avoir des informations qui me manquent, clairement, et je passe outre sa tirade sur son sentiment de Maman d’une famille nombreuse.

— Qu’est-ce qu’elle a fait ?

— Oh un crime horrible, je préfère ne pas en parler, tu sais, ça ne sert à rien de ressasser le passé. Liam et Jude ont eu chaud en tous cas, c’est un plaisir de les voir aussi heureux désormais. Et c’est aussi grâce à toi, ma Chérie. Tu es la parfaite grande sœur !

— Oh non, ris-je en m’asseyant sur mon lit. Je suis une gamine capricieuse et colérique, pas ce qu’il y a de mieux pour eux. Et… Je les adore, vraiment, mais je ne les considère pas comme un frère et une sœur, tu sais ? Des cousins, tout au plus ? Je ne sais pas…

— Arrête de dire des bêtises, tu as vu comme tu es proche de Liam ? C’est mignon de vous voir ainsi tous les deux, c’est plus qu’un simple cousin pour toi, voyons !

Ah oui, c’est assurément plus qu’un cousin, tu peux le dire ! Il va falloir que nous soyons vigilants si ma mère nous trouve proches.

— Un ami ? Peut-être… Mais certainement pas un frère. Je suis désolée, Maman, mais… Non, impossible pour moi.

Je dis tout ça avec douceur, j’espère qu’elle peut l’entendre sans m’en tenir rigueur, mais c’est la vérité, et j’ai besoin de lui dire. Comme si je voulais me justifier, comme si je ressentais le besoin de lui faire comprendre que ce que nous faisons, et dont elle n’est même pas au courant, n’est pas mal et interdit.

— Voilà, le linge est dans le bac. Tu le descends, s’il te plaît ? Je vais en profiter pour vider ta poubelle, moi. Tant que je suis ici, autant en profiter.

Je récupère la bannette dans ses mains et me dirige vers la porte lorsque la lumière se fait à tous les étages de mon cerveau.

— Non, Maman ! Je vais le faire ! Laisse…

Trop tard… Vu la tête qu’elle fait en se redressant, sac à la main, c’est la merde… Vraiment trop la merde.

— Tu m’expliques ? me demande-t-elle sèchement. Ça fait combien de temps que ça dure ? Et tu le caches où, le jeune homme ? Non mais, sérieusement ? Et nos règles alors ? enchaîne-t-elle d’un ton accusateur.

— Ça fait beaucoup de questions, ça, ris-je nerveusement. Pour t’expliquer… Tu sais, quand un homme et une femmes sont excités, il se passe des choses, et ça, ça évite que tu te retrouves grand-mère trop tôt, entre autres choses, Mamounette.

Oui, peut-être que ce n’est pas le moment idéal pour plaisanter, j’avoue. On se détend comme on peut !

— Pour le reste, continué-je, je crois bien que les règles sont caduques depuis que je t’ai trouvée à poil sur notre canapé en train de… Faire la chose, avec Jim, tu vois ?

— Ton futur beau-père et moi, on va se marier, c’est tout à fait normal. Mais toi, à quoi tu joues ? En plus, tu sais que ce n’est pas bien, ce que tu fais, sinon tu ne te cacherais pas ! Non mais, tu as vu le nombre en plus ? Je ne te croyais pas être une fille comme ça ! crache-t-elle, un peu sous le choc de sa trouvaille.

— Je vais faire comme si tu ne venais pas de sous-entendre que je suis une traînée et descendre ma poubelle, marmonné-je en lui prenant le sac des mains. Et désolée de te décevoir, mais je n’ai pas attendu le mariage pour ça, non.

Elle a raison sur un point, je sais que c’est mal. Bien vu, Maman. Quant au nombre… Oui, nous avons de l’appétit. Et alors ?

— Si ça peut te rassurer, continué-je alors qu’elle m’observe d’un regard que je n’arrive pas à déchiffrer, c’est un seul garçon… Un garçon gentil et génial avec qui je me sens bien, merci de t’en inquiéter.

— Un garçon gentil et génial mais qui vient en secret et dans notre dos, persifle-t-elle. Ce n’est pas terrible comme introduction. Désolée de ma réaction, mais je t’avoue que je suis surprise… Pas que tu aies une vie sexuelle, hein, mais que tu te sentes obligée de te cacher pour le faire… Ça me fait un peu de la peine que tu ne me fasses pas plus confiance que ça, me confie-t-elle en faisant mine de ranger quelques livres mal alignés. Tu sais que tu peux l’inviter à nous rencontrer s’il est aussi génial que ça ?

— Oui, heu… Disons que je préfère être sûre de moi avant de te le présenter, c’est tout. Et puis… Enfin, je ne voulais pas te faire de peine en faisant ça dans ton dos, c’est juste que je me sens plus en sécurité à la maison, tu vois ? Plus à l’aise, surtout.

Je parle sans réfléchir, cherchant des excuses plus bidons les unes que les autres pour la rassurer, mais je ne m’attendais pas du tout à cette conversation de bon matin.

— Et je suppose que Liam est au courant et qu’il te couvre, en échange de je ne sais quoi, ce qui explique votre bonne entente à tous les deux, hein ? Bref, tu es grande ma Chérie, mais tu n’as pas à te cacher pour vivre ta vie. Je suis contente que tu te protèges en tous cas, c’est quand même un bon point pour lui. Et je te le répète, je ne vais pas le manger ou te faire honte si tu me le présentes. N’hésite pas quand tu es prête. Pourquoi pas pour le repas de Thanksgiving s’il n’est pas pris avec sa famille ?

— Oh… Euh…. Je… Oui, oui, d’accord, je… Je verrai ça, bafouillé-je bêtement. Je vais me préparer, maintenant, je vais finir en retard en cours, Maman. Je descendrai ma poubelle et mon linge, donne moi quelques minutes.

Je m’échappe dans mon dressing en me demandant ce que j’ai bien pu faire au bon Dieu pour mériter un tel traitement, à peine levée. Comme si j’allais inviter ce copain fantôme à Thanksgiving ? Il sera déjà présent, de toute façon. Je suis sûre que Liam va bien rigoler quand je vais lui raconter ça. S’il n’a pas tout entendu depuis sa chambre.

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