96. Le Tonton flingueur d'ambiance

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Sarah

Je m’arrête net en ouvrant la porte de la chambre et resserre les pans de mon peignoir en observant la scène qui se déroule devant mes yeux. Liam est à genoux devant Judith, en train de l’aider à lacer ses chaussures. Elle porte une petite robe rouge magnifique qui lui va à ravir, et son frère a enfilé un pantalon de costume et est torse nu. Je crois que c’est un tableau que je pourrais observer chaque seconde de chaque jour. Liam torse nu… Liam qui s’occupe de sa petite sœur. Un vrai régal. Et son joli petit popotin moulé dans un pantalon. Ah là là…

— Regarde, Sarah ! Je suis jolie ?

Jude se lève et tourne sur elle-même en riant. Sa bonne humeur est toujours aussi communicative et appelle nos sourires, même si j’avoue que je fais un focus sur Liam, les mains dans les poches, en train d’observer sa sœur avec nonchalance.

— Tu es superbe, Jude. Tu seras la plus jolie de la soirée, mais chut, ne le dis pas à Vic, elle serait jalouse, dis-je en lui faisant un clin d'œil.

— Vite, il faut que tu t’habilles, Sarah, sinon on va commencer trop tard la soirée ! C’est trop bien, Noël ! s’enthousiasme-t-elle en sortant de la chambre en courant.

Liam et moi rions en l’entendant crier à ma mère qu’elle est la plus belle de la soirée, et je file dans mon armoire tandis que j’entends la porte se fermer derrière moi. J’enfile mes sous-vêtements dans le silence de la chambre et sursaute en tombant sur Liam lorsque je me retourne.

— Tu devrais être hors de cette chambre, Capitaine. C’est un peu voyeur de me regarder m’habiller.

Liam lève les mains en l’air et me contourne pour récupérer sa chemise dans l’armoire, comme s’il était là sans aucune arrière pensée. Il prend un air détaché en l’enfilant, ce qui contraste totalement avec le regard qu’il porte sur mon corps. Je connais ce petit jeu et je l’adore. La tension va monter petit à petit durant la soirée, et l’explosion finale n’en sera que meilleure. Mon basketteur adore jouer de la sorte, et j’avoue prendre, moi aussi, un malin plaisir à ce petit amusement coquin. Alors, je n’hésite pas. Je me glisse dans ma robe portefeuille noire et la laisse ouverte avant de m’asseoir sur le lit pour enfiler mes bas noirs et transparents de la manière la plus sensuelle possible. Inutile de dire que les yeux de mon amant suivent mes mouvements tandis que je remonte la bande de dentelle autofixante sur mes cuisses.

Liam se racle la gorge lorsque je me relève, et je prends tout mon temps pour refermer la robe et la nouer sur ma hanche. Le décolleté est un peu échancré et je vois ses yeux se fixer sur la naissance de ma poitrine alors que j’approche de lui, arborant à mon tour un air innocent. Je boutonne lentement sa chemise de haut en bas avant d’ouvrir son pantalon pour la glisser à l’intérieur. Difficile de passer à côté de la preuve en chair et en os de son excitation que je frôle à plusieurs reprises, mais j’évite son regard de braise en ajustant son col après avoir refermé sa braguette. Je dépose un rapide baiser sur sa joue et lui tourne finalement le dos sans un mot pour me planter devant le miroir en enfilant mes escarpins à talons hauts. Je le vois approcher derrière moi à travers la psyché, et ses mains se posent sur mes hanches tandis que je noue mes cheveux en un chignon haut. Le problème de ce petit jeu, c’est qu’il est à double tranchant. Si je l’excite, je ne suis pas en meilleur état que lui. Encore moins lorsqu’il m’attire contre lui et pose une main sur ma cuisse en la faisant lentement remonter sous ma robe. J’ai tout le loisir de sentir son érection contre mes reins, et j’ai l’impression que mon épiderme s’embrase au passage de sa paume chaude. Encore une fois, le contraste entre sa peau d’une couleur chocolat foncé, comparée à la teinte claire de la mienne, me saisit et me captive. Presque autant que ses lèvres qui se déposent sur mon épaule nue après qu’il a fait tomber ma bretelle. Quand même moins que son souffle dans mon cou qui me fait frissonner. Mais le portrait que nous renvoyons, là, dans la psyché, me plaît énormément. Nous formons un joli couple, je ne peux le nier.

— On va être en retard, soufflé-je alors que sa main, posée sur mon ventre, me serre contre lui. Tu as prévu une cravate ou pas ?

— Non, je vais mettre un nœud papillon, ça fait plus classe, tu ne crois pas ?

— Dommage, moi je préfère les cravates. Sans vouloir la jouer Christian Grey, ça peut être utile, une cravate, pour la troisième mi-temps, souris-je.

— Ah si c’est pour la troisième mi-temps, je vais aller en voler une à Daddy, alors.

— Non, non, tant pis pour toi, je ne finirai pas attachée ce soir, ris-je en lui donnant un léger coup de reins. Tu es très beau, Liam. Enfin, tu es toujours très beau, mais là…

— Je suis sûr que je trouverai bien un moyen de te faire faire ce que je veux quand même. Parce que toi, tu es sexy à souhait, Jolie Fleur.

Je me retourne dans ses bras et l’embrasse tendrement.

— Je file aider ma mère, je te laisse te dépatouiller avec ton nœud papillon ou ta cravate, peu m’importe, tu es déjà beaucoup trop beau pour que ma petite culotte s’en sorte vivante, Capitaine.

— Tu n’as qu’à l’enlever si tu ne veux pas l’abîmer, me répond-il, coquin.

— Et me priver du plaisir de sentir tes mains me l’enlever ? Je ne sais pas… Tu as vu la coupe de ma robe, en plus ? Et la taille de mes talons ? Imagine que je me retrouve les quatre fers en l’air !

— Tu as raison, garde-la, alors. Mais ne viens pas te plaindre si elle est trop mouillée ou si elle se fait arracher plus tard dans la soirée !

— J’ai hâte que tu l’arraches, beau gosse. Par contre, je te préviens que je tiens le compte, je t’enverrai la facture, ris-je en l’embrassant à nouveau. Allez, à tout de suite, Chéri.

Je sors de la chambre avant que tout ceci finisse trop bien mais nous cause du retard, et rejoins ma mère, affairée en cuisine.

— Tu es très belle, Maman, la complimenté-je en la serrant dans mes bras. Tu as besoin d’aide ?

— Toi aussi, tu es superbe, Sarah. Tu sembles vraiment épanouie, ces derniers temps, tu n’imagines même pas comme ça me fait plaisir. Et je ne dis pas non à un coup de main, ma Chérie. Ton oncle a un peu de mal avec Jim, si tu pouvais essayer de détourner un peu l’attention quand ça commence à monter… Sans l’agresser, tout de même, hein ?

Je grimace en jetant un œil aux deux personnes concernées. Je crois que mon oncle est un peu trop protecteur avec ma mère. Il joue le petit frère hyper intéressé par la vie de sa sœur alors qu’il vient nous voir une fois par an. Et pourquoi est-ce qu’il s’inquiète ? Parce que Jim vient d’un milieu modeste ? Parce qu’il est noir ? Ou parce que ma mère considère déjà Liam et Judith comme ses enfants et fait tout ce qu’elle peut pour eux ? Toujours est-il qu’il n’est là que depuis deux jours et qu’il m’agace déjà beaucoup.

Globalement, l’apéritif se passe plutôt bien, mais Jason enchaîne les verres et je sens la tension s’installer petit à petit. Entre ça et les gosses hyperactifs, j’avoue que j’en viendrais presque à regretter de ne pas être tranquillement, en famille restreinte, à la maison, mais je me dis que c’est juste un moment pas très agréable à passer en attendant la nuit. Et vu les regards que Liam me lance, j’ai vraiment hâte d’en arriver là.

Je sers l’entrée avec ma mère et sens la main de mon basketteur caresser l’arrière de ma cuisse, manquant de me faire renverser les plats que j’ai en main. Le sourire dont il me gratifie alors que je le foudroie du regard m’excite un peu trop, et je ne me gêne pas pour venir caresser sa cuisse en m’asseyant à ses côtés quand mon oncle lance les hostilités avec peu de diplomatie.

— Et donc, vous, les noirs, vous fêtez aussi Noël ? Je n’aurais pas cru, franchement. Ça doit vous faire bizarre de vous retrouver dans notre monde.

— Nous les quoi ? s’étrangle Jim dont le sang bout déjà alors que Liam jette un regard noir à mon oncle.

— Oh ne vous fâchez pas, hein ! C’est juste un constat, on n’a pas la même culture quand même ! continue-t-il, avec toujours aussi peu de tact.

— Heu… Jason, tiens, prends donc le plat et fais passer, s’il te plaît. On a tous une culture commune, c’est de manger pour vivre, hein ? dis-je, me trouvant totalement pathétique.

Pas sûre que ma mère soit fière de moi avec ce genre de sorties. Je sens que la soirée va être très longue.

— Et quel type de culture vous pensez que nous avons ? demande Liam qui n’abandonne pas aussi facilement le morceau. Vous imaginez quoi, qu’on vit dans des cases et qu’on y danse nus ? Ou alors, ce n’était pas un commentaire raciste, mais juste snob pour se moquer de notre origine modeste ? Qu’on sache sur quel côté on doit vous répondre, hein ?

Cette soirée risque de partir en vrille. Et Joyeux Noël à tous !

— Tonton, tu me passes la bouteille, s’il te plaît ? Liam, laisse tomber, dis-je en lui lançant un sourire gêné en serrant un peu plus fort sa cuisse. Ça n’en vaut pas la peine.

— Oh, je suis désolé, Liam, répond le frère de ma mère en me tendant la bouteille. Il ne faut pas mal prendre mes remarques, c’est juste que comme vous allez rejoindre la famille, j’ai envie d’en savoir un peu plus sur vous et vos coutumes, c’est tout. Il ne faut pas être si susceptible juste parce qu’on parle culture ou argent.

Forcément, mon basketteur se tend à l’évocation de l’argent. Si en plus, Jason cherche les sujets qui fâchent… Ça ne va pas être de la tarte, tout ça.

— Tonton, on pourrait passer une soirée agréable, s’il te plaît ? Jim, Liam et Jude sont américains, et je dirais que la seule coutume qu’ils ont et qui se différencie des snobs blancs, c’est qu’ils ne sont pas racistes, eux. C’est bon, on peut passer à autre chose ? soupiré-je.

— Oui, s’il te plaît, Jason, intervient ma mère. Je ne comprends pas ce que tu as contre Jim et ses enfants, ils sont adorables et bien intentionnés, voyons.

J’ai honte en me souvenant que j’ai pu être un peu comme ça avec les Sanders lorsque j’ai appris qu’ils venaient vivre à la maison. Enfin, j’espère ne pas avoir été aussi conne, sérieusement.

— Je n’ai rien contre eux, voyons, ne dites pas de bêtises ! C’est juste qu’on n’a pas trop l’habitude de voir des gens comme eux parmi nous, quoi.

— Des gens comme nous, ça veut dire quoi ? gronde Liam face à mon oncle qui, sans le vouloir vraiment, en remet une couche.

— Eh bien, je ne sais pas moi… J’espère juste que vous n’êtes pas là juste pour l’argent de notre famille et que vous allez vraiment rendre heureuses Sarah et Vic qui le méritent. C’est normal d’être un peu protecteur des gens qu’on aime, non ? Rien de mal là-dedans, je trouve.

— Eh bien, j’espère que cette situation te fera apprendre, comme moi, qu’on ne juge pas sans connaître, marmonné-je. Tu ne le vois pas, qu’ils nous rendent déjà heureuses ? Depuis combien de temps n’avais-tu pas vu Maman aussi souriante et épanouie, hein ? Depuis combien d’années ces fêtes sont-elles mornes et tu es obligé de nous supplier de venir ici ? Laisse les Sanders tranquilles, Tonton, je t’assure que tu peux remballer ton côté protecteur, nous n’en avons pas besoin.

— Sarah a raison, Jason. Profitons de la soirée, et arrête de faire comme si la couleur de peau changeait quoi que ce soit, dit ma mère en se levant avec aplomb. Maintenant, viens m’aider à ramener la dinde, plutôt que de dire n’importe quoi. Et si tu continues, tu vas dormir au garage, tu m’agaces.

Je souris à ma mère, fière de voir que pour une fois elle se positionne. Jim a un self-control hors du commun, honnêtement, et je constate que Liam a à peu près réussi à se tenir, même s’il est plus impulsif. Et si j’en crois la tête de mon oncle lorsqu’il revient de la cuisine, les bras chargés, la maîtresse de maison en a rajouté une couche. J’ai l’impression d’avoir l’image même du mec qui revient la queue entre les pattes, et c’est plutôt rigolo à voir. Espérons que la fin de repas se passe mieux, parce qu’il risque de rafraîchir l’atmosphère. Et j’ai très envie d’une troisième mi-temps, moi.

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