103. Un avant-goût de la vie d'après

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Liam

Ce matin, je me lève de mauvaise humeur et je pense que l’explication se trouve derrière la porte fermée de la chambre de Sarah avec qui je n’ai pas pu passer la nuit. Hier soir pourtant, comme d’habitude, j’ai attendu que toutes les lumières s’éteignent et que tout le monde dorme pour aller la rejoindre. Comme chaque soir, à peine la porte franchie, je me suis déshabillé dans le noir et je me suis glissé sous ses draps pour me lover contre elle. Mais là, rien ne s’est passé comme prévu. Déjà, elle n’était pas nue, mais avait revêtu un pyjama épais et au lieu de m’accueillir avec chaleur comme c’est le cas normalement, elle m’a repoussé.

Je vais dans la salle de bain et me décide à prendre une petite douche afin de me réveiller totalement. Je me repasse en tête, comme je l’ai fait presque toute la nuit, notre conversation de la veille.

— Ça ne va pas ? lui ai-je demandé, inquiet.

— Je suis fatiguée et j’ai froid, je dois couver quelque chose… Tu devrais retourner dans ta chambre, Liam.

— Quoi ? Tu ne veux même pas que je reste pour un petit câlin ?

J’avoue que j’étais vraiment surpris de me faire jeter comme ça. Depuis que nous avons pris notre petit rythme de croisière, jamais elle ne m’avait demandé de la laisser pour la nuit. Quand elle a ses règles, souvent on se contente de câlins, de caresses et de baisers, mais on est ensemble quand même. Et là, ce rejet, je ne l’ai pas compris et ça m’a vraiment refroidi.

— Je suis une malade horrible, ça vaut mieux comme ça. Tu reprends les entraînements de basket demain, il faut que tu sois reposé et en forme, et avec moi malade ? Mauvaise idée.

— Je ne comprends pas, Sweetie, ai-je insisté. Tu sais comme je n’aime pas dormir loin de toi… Tu es sûre que tu ne veux pas que je reste cette nuit, même pour un simple câlin ? Ça pourrait te faire du bien, tu sais…

Mais elle est restée ferme dans sa décision. J’entends encore dans ma tête sa dernière réplique cinglante avant que je ne la quitte et qui résonne encore en moi.

— Non, pas ce soir. Et puis, il va bien falloir que tu réapprennes à dormir seul, non ? Bientôt, tout ça ne sera plus d’actualité… Bonne nuit, Liam.

Je sors de la douche et cette phrase continue de me hanter et de me mettre face à une réalité que je ne veux pas assumer, face à un futur qui me fait peur et que je n’ai pas envie d’affronter. Je n’arrive pas à croire qu’elle veuille déjà couper les ponts, mettre fin à ce qu’on vit. Finalement, je comprends son état des derniers jours. Elle doit y penser depuis un petit moment, à cet écartement entre nous, et a enfin osé franchir le pas et me dire ce qu’elle avait sur le cœur. Fichu mariage.

Quand j’arrive en bas, je vois que Jude est déjà en train de prendre ses céréales et je lui fais un gros bisou avant d’aller me faire chauffer un café. Sarah n’est toujours pas descendue et je me demande si elle va aller en cours aujourd’hui ou pas. Ce n’est pas son habitude de rater des cours, elle est peut-être vraiment malade, mais bon, je dois apprendre à vivre seul et c’est pour ça que je prends la décision de ne pas aller voir comment elle se porte.

— Bonjour Vic, dis-je alors qu’elle entre dans la pièce. Je pense que Sarah est malade, elle n’est pas encore descendue et ne semble pas avoir bougé de sa chambre ce matin. Tu devrais aller voir comment elle va. Est-ce que je peux prendre ta voiture ce matin pour aller en cours ? Avec toute la neige qui est encore tombée, je ne me vois pas y aller en moto, et comme je pensais y aller avec Sarah, je serai en retard si j’y vais à pied.

— Bien sûr que tu peux prendre ma voiture, Liam. Il va vraiment falloir qu’on envisage de t’en acheter une, ce sera plus pratique, sourit-elle. Je vais aller voir Sarah alors, c’est bizarre qu’elle ne soit pas descendue malgré tout.

Juste à ce moment-là, celle qui m’a repoussé hier apparaît dans la cuisine. Elle a des cernes sous les yeux et semble ne pas avoir dormi beaucoup de la nuit. Tout de suite, mon cœur se serre en la voyant ainsi et je me dis qu’elle doit vraiment être malade.

— Oh, te voilà, Sarah ! Tu… Ça va ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette…

— Coucou Sarah ! s’écrie Jude qui va lui sauter dans les bras, mais elle ne réagit pas vraiment et la repose rapidement au sol.

— Tu ne devrais pas trop m’approcher, Jude, je crois que je suis malade, je ne voudrais pas que tu le sois aussi. Quoique, ça m’étonnerait un peu, marmonne-t-elle. Enfin, bref, j’ai mal dormi et je ne suis pas en forme.

— Tu vas quand même en cours ? lui demandé-je en essayant de cacher mon inquiétude pour elle. Si tu veux, c’est moi qui conduis. Tu devrais peut-être voir un docteur ? Ou si tu as besoin de quelque chose, tu me demandes.

Je m’en veux d'apparaître aussi alarmé, ce n’est pas vraiment l’attitude d’un frère, et j’essaie de me retenir un peu alors que Vic s’approche de sa fille et pose sa main sur son front comme j’aimerais le faire.

— Tu n’as pas l’air d’avoir de fièvre, ma Puce. C’est juste la période du mois où ça ne va pas ?

— On appelle ça des règles, Maman, ce n’est pas un mot tabou, tu sais, bougonne-t-elle. Et non, je suis malade, c’est tout. Je vais rester à la maison aujourd’hui, tu peux prendre ma voiture si tu veux, Liam. J’irai consulter si… Si ça ne va pas mieux dans quelques jours…

— Tu veux que je reste avec toi ce matin ? Ou si tu veux, je peux aller te chercher des médicaments à la pharmacie. Ça ne me dérange pas du tout.

— Je ne suis pas à l’article de la mort, non plus, ça va aller, c’est bon, soupire-t-elle en nous passant devant pour aller se servir un verre de jus de fruits.

Je la regarde faire, inquiet, et finis mon petit déjeuner alors que déjà, elle remonte dans sa chambre, sans un autre regard pour nous. Même Jude a l’air de s’inquiéter un peu et Vic se charge de la prendre dans ses bras et sort avec elle pour l’amener à l’école. J’en profite pour aller voir Sarah avant de partir et frappe à sa porte. Je ne suis pas sûr de l’accueil qu’elle va me réserver et je frappe un peu timidement.

— Sarah, c’est moi. Je peux entrer ?

— Oui, oui, entre…

Je suis soulagé de voir qu’elle accepte quand même de me voir et de me parler. C’est déjà mieux par rapport à hier soir. J’entre et je la trouve dans sa tour, installée sous une couverture à regarder le quartier se réveiller.

— Je peux faire quelque chose pour toi ? Tu m’inquiètes, tu sais ? J’ai mal dormi hier soir, Sweetie… C’est… J’ai pas envie d’anticiper ce qu’on va vivre après le mariage de nos parents, en fait.

— Je suis juste malade, Liam, soupire-t-elle. C’est pas la fin du monde, tu sais ? Je t’évite peut-être de choper une merde, et je voulais juste que tu dormes comme il faut.

— Tu sais que je préfère passer du temps avec toi, ne pas dormir et choper toutes les merdes du monde plutôt que de passer une nuit loin de toi ?

Je suis pathétique. La fille me repousse et moi, je suis en train de me mettre à nu devant elle, d’insister et de faire le lourdingue pour avoir un câlin. C’est fou. Je ne me reconnais pas. Mais je crois que je suis vraiment devenu addict et qu’il y a des choses dont je vais vraiment avoir du mal à me passer. Et je ne suis pas prêt. Pas encore.

— Je suis désolée… Moi, malade, je suis un calvaire… Je t’épargne juste le pire, grimace Sarah en se levant pour venir se lover contre moi.

J’ai l’impression de revivre à la sentir contre moi. Tout mon corps réclamait ce contact. Toute mon âme aussi, j’ai l’impression. C’est un peu comme si on avait essayé de me sevrer de quelque chose et que j’ai enfin pu retrouver la source de mon addiction.

— Tu sais que ce n’est pas un calvaire de m’occuper de toi ? dis-je doucement en caressant ses cheveux. Hier, j’ai fait quelque chose de mal pour que tu me repousses ainsi ? Je t’avoue que même s’il ne reste plus que quelques semaines avant le mariage, je ne suis pas encore prêt à ne plus t’avoir près de moi, Sweetie.

— Liam… Pardon, je ne voulais pas te blesser, mais je n’étais vraiment pas en forme. Toi, tu te refermes comme une huître quand tu es contrarié, moi c’est quand je ne me sens pas bien.

— Tu veux que je reste là aujourd'hui ? Je n'aime pas te savoir malade… Ça me donne envie de te faire plein de câlins. Si tu savais comme j'étais frustré hier soir… Je n'ai presque pas dormi de la nuit.

— Non, non, va en cours, Liam. Tu ne peux pas justifier une absence pour ça.

J'hésite à la laisser comme ça mais elle a raison. Ma bourse dépend de mon assiduité et de mes résultats universitaires et je ne peux pas me permettre de la perdre. Ce n’est pas parce que je joue bien au basket qu'ils seront indulgents avec moi sur ma scolarité.

— Tu es sûre que ça va aller, ma Chérie ?

— Oui, oui… Ça va aller. Tu devrais y aller, tu vas être en retard.

— Oui, j'y vais mais il me faut un gros bisou avant de partir. Tant pis si j'attrape ton virus.

— Si tu y tiens tant, sourit-elle en m’embrassant au coin des lèvres.

Elle s'écarte ensuite de moi et me repousse gentiment vers la sortie. J'ai envie de tellement plus, j'ai un si grand besoin de la sentir contre moi que je reste frustré. Il y a du mieux par rapport à hier soir, mais ça reste encore très frais entre nous. Je n'aime pas du tout ça, j'ai trop l'impression que c'est un avant-goût de notre vie d'après et cela ne me satisfait pas du tout.

C'est dans cet état d'esprit que j'ouvre à nouveau la porte de la chambre de Sarah et me précipite à l'intérieur. Je l’attrape par la main alors qu'elle se dirige vers son lit et l'attire contre moi. Elle est surprise mais ne résiste pas et je m'empare de ses lèvres en l’embrassant avec fougue. Je la serre fort contre moi et suis soulagé de constater la même urgence dans son étreinte. A nouveau, nous sommes réunis et ça me fait un bien fou. Je peine à reprendre mon souffle et à m'écarter un peu d'elle.

— Désolé, Sweetie, j'avais besoin de retrouver cette connexion pour avoir l'énergie de te laisser jusqu'à ce soir.

— Je vois ça… Ça me va, peut-être que j’en avais besoin aussi, finalement.

Je lui souris et la laisse finalement pour aller en cours. J'essaie de ne penser qu'à ce besoin que nous avons de sans cesse nous retrouver, nous toucher, nous aimer plutôt que de ressasser l'idée que bientôt, c'est tout seul que je devrais dormir.

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