130. Secret de polichinelle dans le tiroir

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Sarah

Je sors le linge du sèche-linge et tombe sur le regard inquiet de ma mère en retournant au salon, banette sous le bras. J’ai préféré ne pas aller en cours aujourd’hui. J’appréhende trop le regard de tous ceux que je connais, je n’étais pas prête à ça. Je ne mets pas des chemises et des pulls trop amples pour rien, après tout. J’étais en train de me faire à l’idée que plus ça va, plus il va m’être compliqué de cacher ce ventre qui s’arrondit, mais je n’en étais pas encore à me pointer en petite robe moulante pour l’afficher clairement. Et là, Becca précipite les choses. Je n’ai pas décoléré, honnêtement, et il valait sans doute mieux que je ne la voie pas aujourd’hui.

Liam a bien évidemment essayé de me convaincre d’aller à l’université, mais après la nuit que j’ai passée, je n’avais pas la force d’affronter le regard des autres. Si toute l’équipe de basket est au courant, autant dire que la moitié de la fac le sait aujourd’hui, à mon avis. Et j’ai l’horrible impression d’être totalement seule face à tout ça, quand bien même Liam m’assure de son soutien et est présent.

— Tu veux que je t’aide pour le linge, ma Chérie ?

— Ça va, Maman, j’ai juste du linge à plier, souris-je en m’installant à côté d’elle sur le canapé. C’est toi qui vas chercher Jude à l’école aujourd’hui ?

— Oui, je ne vais pas tarder d’ailleurs. A moins que tu veuilles y aller ? Enfin, non, repose-toi, c’est mieux comme ça.

Je me retiens de lever les yeux au ciel et plie mon linge en silence. Mieux vaut ça que de me chamailler avec elle et son côté hyper protecteur qui m’épuise déjà. Je l’aime, mais plus ça va et plus j’ai l’impression d’étouffer. Ça me donne envie de prendre mon envol encore plus rapidement, mais ce n’est pas vraiment l’objectif premier de Liam. Et clairement pas la priorité.

— Arrête de me regarder comme ça, Maman, soufflé-je finalement. Je te promets que je vais en cours demain. J’avais besoin d’encaisser, c’est tout.

— Oui, je sais que ça va aller… Mais quand même, tu as prévenu le papa ? Il faudrait qu’il te soutienne un peu… Même si tu as dit qu’il n’était plus dans la photo, c’est important que tu ne sois pas seule pour affronter tout ça.

— Je ne suis pas seule, vous êtes là, et j’ai un têtard dans le ventre, ris-je. Je ne suis plus jamais seule, en fait. Et puis, Liam sera là à la fac, t’inquiète pas.

— Ah oui, heureusement qu’il est là, lui. J’en reviens pas à quel point il te soutient. Sans lui, je ne sais pas comment tu ferais, ma Puce. J’espère que tu le remercies bien.

J’ai bien envie de rire, mais je me retiens. Tout comme je me retiens de lui balancer qu’elle peut arrêter de critiquer le Papa, puisqu’il est juste parfait. Même s’il a semblé assez perturbé hier soir. Il m’envoie d’ailleurs des messages depuis ce matin et ne doit pas être très attentif en cours.

— Liam est génial, c’est sûr. Jim a fait du bon boulot, dis-je alors que la sonnette de l’entrée retentit. Merde.

Je jette un œil à mon débardeur qui moule tout ce qui doit l’être alors que ma mère se lève déjà pour aller ouvrir. Je fouille dans mon linge propre et enfile une chemise en vitesse, que je suis encore en train de boutonner quand j’entends ma mère m’appeler depuis l’entrée.

— Sarah, c’est Evan !

Vu la tête que tire mon meilleur ami lorsque je débarque, je sens que ça va être ma fête. D’ailleurs, pas besoin qu’il me dise quoi que ce soit, je vois son regard descendre sur mon ventre et comprends que le secret est vraiment dévoilé, puisqu’il est arrivé jusqu’à lui. A moins que Becca ne se soit précipitée pour lui raconter tout. Ou tout ce qu’elle sait. Oh là, là. Evan sait tout, lui.

— Heu… On monte dans ma chambre, Maman.

J’attrape le bras de mon ami et le tire vers l’escalier, en espérant qu’elle ne se fasse pas de fausses idées sur notre relation à tous les deux, mais je ne veux pas qu’il y ait encore plus de fuite que ce qu’il y a déjà eu jusqu’à présent. Je referme la porte derrière lui et vais m’asseoir sur mon lit en soupirant.

— Alors, c’est vrai, tu es enceinte ? me demande-t-il en restant debout, devant la porte.

— Oui, je le suis vraiment. C’était pas prévu, mais c’est comme ça… Ne parle pas trop fort, s’il te plaît, l’imploré-je. Ma mère n’est pas au courant de tout.

— Mais à quoi tu pensais ? Tu as arrêté la pilule ou quoi ? Tu t’es laissée convaincre par ce profiteur de Liam ? Parce que c’est bien lui, le père, je suppose ? continue-t-il d’une voix plus sourde.

— Ne parle pas de lui comme ça, tu ne sais rien de ce qu’il se passe entre nous. Et je n’ai pas arrêté la pilule, je suis tombée enceinte malgré le contraceptif. Tu vas me sortir qu’il a trafiqué mes pilules aussi, non ?

— Ben, c’est étrange, non ? Le père qui débarque et se marie à ta mère en quelques mois, le fils qui met la fille enceinte. Tu trouves tout ça normal ?

Je grimace parce que je me dis que j’aurais très bien pu me faire le même genre de réflexions, à sa place. Evan réussirait presque à me faire douter, l’espace d’un instant.

— Jim a signé un contrat de mariage. Liam refuse quasi systématiquement que je lui paie un truc. Tu vois le genre ? Pour un profiteur, il semble plutôt fier. Je t’en prie, arrête de tout voir en noir, s’il te plaît.

— Je m’inquiète pour toi, parce que là, je ne vais pas pouvoir jouer le rôle du petit ami. Impossible que tu me fasses passer pour le papa, Sarah, indique-t-il en venant se mettre à mes côtés. Et tu comptes vraiment le garder ? Comment tu envisages ton avenir ?

— Oui, vraiment, dis-je en déboutonnant ma chemise pour lui montrer mon petit ventre. J’arrive à quatre mois de grossesse, Evan, et j’ai pesé le pour et le contre. L’avenir… On tâtonne, c’est comme ça. Je vais pouvoir passer mon diplôme, même si je serai sans doute une baleine à la cérémonie. Ensuite, je verrai. Je ne suis pas seule…

— Oh, ça commence déjà à se voir… Tu… Tu peux refermer ? Tu es trop sexy et ça me met mal à l’aise de désirer une femme enceinte, si tu vois ce que je veux dire. Mais tu es folle de vouloir le garder… Tu vas faire comment pour trouver du boulot après ?

Malgré ce qu’il vient de dire, il a posé sa main sur mon ventre et le caresse doucement comme si cela allait l’aider à se rendre compte qu’il n’est pas en train de rêver et que je suis bien enceinte.

— Eh bien, tu sais que j’ai la possibilité de bosser dans la boîte de mon père. J’aurai du boulot quand je voudrai bosser. Et je vais commencer par chouchouter ce petit bébé et en profiter au maximum, j’imagine. Qui sait, en plus… Si ça se trouve, Liam sera en NBA dans quelques mois.

— Tu vas l’élever toute seule, en plus ? Mais… C’est admirable, mais tu sais que ça ne va pas être facile… Je sais que ce n’est pas forcément le bon moment pour le dire, mais… Bref, si Liam t’abandonne ou que tu te sens trop seule pour tout affronter, tu sais que tu peux compter sur moi.

— Liam ne va pas m’abandonner, et je le suivrai sans doute… Mais merci, je sais que je peux compter sur toi, souris-je en posant ma tête contre son épaule. Tout ça est à la fois super flippant mais très excitant, tu sais. Enfin… Y a pire quand même. Je vais devenir Maman.

— Excitant ? s’écrie-t-il presque alors que ses doigts se contractent sur mon ventre. Tu trouves cette situation excitante ? Je ne vois pas ce qu’il y a d’excitant là-dedans. Excitant, vraiment ?

— Je sais pas, souris-je. tu te rends compte du miracle de la vie ? Un enfant grandit dans mon ventre, Evan, un petit Têtard qui était bien décidé à pointer le bout de son nez alors qu’il n’aurait jamais dû se faufiler. C’est déjà un guerrier, ce bébé.

— Ce dont je me rends compte, c’est que Liam a une sacrée chance, indique-t-il en matant mon décolleté. Et qu’il n’a pas intérêt à déconner ou alors je lui casse la gueule et tant pis pour les conséquences. Une femme comme toi, ça se respecte et on doit la protéger contre tout.

— Toutes les femmes doivent être respectées, ris-je. Même cette traîtresse de Becca, d’ailleurs. Et même si j’ai follement envie de la frapper pour avoir tout balancé. Je voulais t’en parler, j’attendais de trouver le bon moment, et le courage… Je me doutais que tu ne prendrais pas ça très bien.

— J’ai surtout pas envie que tu foutes ta vie en l’air, Sarah. La grossesse te va bien en tous cas, on dirait que tu resplendis vraiment.

— Je ne fous pas ma vie en l’air, Evan. Un bébé, c’est pas un choix de carrière bancal.

Je suis interrompue par quelques coups frappés à la porte, et j’ai à peine le temps de m’éloigner un peu d’Evan que Liam entre dans la chambre.

— Tu ne devais pas bosser au café, ce soir ? lui demandé-je alors que j’ai tout le loisir d’observer le pli de contrariété se former sur son front.

— Ah désolé, je ne pensais pas te trouver en charmante compagnie. Le spectacle est intéressant, Evan ? Je vous dérange, peut-être ? dit-il, un peu amer.

— Ne dis pas de bêtises, soupiré-je en me levant pour aller l’embrasser sur la joue. Evan a appris pour… Le Têtard, il venait simplement me féliciter.

— En te déshabillant à moitié ? Drôle de façon de donner ses félicitations, je trouve. Sarah, si tu ne veux plus de moi, il faut me le dire, je… Je m’adapterai.

— Wow, arrête ça tout de suite, Capitaine. Je ne suis pas à poil, j’ai un débardeur, tu vois ? Je lui ai montré mon ventre, c’est tout, et encore… Tu te fais des films, là.

— Je confirme que tu te fais des films, mec, intervient Evan derrière moi. C’est quand même comique, le queutard de l’équipe de basket qui flippe de perdre la première nana qu’il garde plus d’une nuit.

— Ah oui, ce ventre, sourit-il enfin, a priori rassuré par nos propos. Elle est belle, Sarah, tu ne trouves pas, Evan ?

— Superbe oui, et trop bien pour toi, j’espère que tu en as conscience.

— Je vais essayer d’être à la hauteur, répond Liam qui me surprend en ne s’énervant pas plus contre mon ami qui le provoque. Une femme comme Sarah, ça se mérite, en effet.

Il vient alors se coller contre moi, dans un geste très possessif et m’embrasse devant Evan comme pour marquer son territoire.

— Bien, je vais vous laisser… Merci pour l’accueil, jolie Sarah. Liam…

Je soupire en le regardant sortir de ma chambre et me love tout contre mon basketteur.

— Ce n’était pas nécessaire, tu sais. Je crois qu’il a compris que j’étais prise.

— Il vaut mieux prévenir que guérir, sourit-il.

Ce n’est pas comme s’il avait déjà bien marqué son territoire en plantant sa petite graine, après tout. Il n’a rien à craindre de ce côté-là. En plus, je doute d’intéresser un quelconque mec avec un polichinel dans le tiroir. Est-ce que je suis un peu folle si je trouve ça sexy qu’il agisse ainsi ?

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