02. La fille chérie à sa Maman

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Sarah

— Sarah, il est dix heures, debout ma Belle.

Je sens ma mère s’asseoir sur le rebord de mon lit et caresser mes cheveux, et un sourire se dessine sur mes lèvres avant que je n’ouvre brusquement les yeux. Bon sang, je dois avoir une tête pas possible après la nuit que j’ai passée. Je ne me suis même pas démaquillée, je suis juste allée me brosser les dents en rentrant et faire un coup de toilette rapidement avant de me laisser tomber, nue, dans mon lit. Plus la force de quoi que ce soit.

— Bonjour M’man, marmonné-je en lui tournant le dos et en m’étirant comme un chat.

J’ai l’impression de pouvoir sentir l’odeur de Liam sur ma peau, c’est fou. C’est comme si j’étais imprégnée de son parfum et je n’ai tout à coup plus aucune envie de me doucher. Tout ce qui peut me rappeler cette folle nuit est le bienvenu.

— Allez, il faut te lever, Sarah, tu as ton cours de piano dans une heure.

Je grogne et tire la couette sur ma tête. Un cours de piano, le matin, le weekend... Je ne m’y ferai jamais. Papa adorait le piano et j’avais commencé à apprendre avec lui, mais j’ai totalement arrêté d’en jouer quand il nous a quittés. J’ai demandé à ma mère, il y a quelques mois, si je pouvais à nouveau prendre des cours. Sa douce mélodie me manquait, et j’ai un peu l’impression de retrouver mon père grâce à cet instrument majestueux.

— Donne-moi cinq minutes, je prends une douche et je descends…

— Très bien, je compte vingt minutes alors, me rétorque ma mère en se levant, un sourire dans la voix.

Je l’entends regagner la porte et la fermer derrière elle. J’ai envie de traîner encore un peu au lit, mais il faut que je me presse. Elliott ne va pas tarder, et si je suis heureuse d’avoir repris les cours, je dois avouer que le prof donne vraiment envie de s’impliquer à fond dedans. S’il a le même doigté avec une femme que sur les touches d’un piano… Mamma Mia !

Je me lève et enfile mon peignoir pour gagner la salle de bain. Les deux autres chambres de l’étage sont vides, mais si ma mère a la bonne idée de se balader dans le couloir, je n’aimerais pas trop qu’elle me surprenne à poil. Surtout que lorsque je laisse tomber le tissu au sol devant le miroir, je constate que la marque que j’ai repérée cette nuit est toujours là, sur ma hanche. Est-ce que c’est lorsque je me suis cognée contre le meuble de l’entrée chez Liam ? Ou est-ce sa main fermement campée à cet endroit alors qu’il me prenait avec fougue ? Je ne saurais dire, mais je frémis rien que d’imaginer cette grande main à nouveau sur mon corps.

Je passe un temps fou sous la douche. Évidemment, repenser à Liam m’a donné des envies qui me poussent à me caresser en solitaire, puisqu’il n’est pas présent. Toujours est-il que le jet de la douche est un formidable stimulant, et que je n’hésite pas à jouer avec mon corps jusqu’à me faire jouir en pensant à lui. J’ai l’impression de ne pas en avoir eu assez alors que nous avons passé des heures ensemble à nous faire du bien.

Elliott est déjà arrivé lorsque je descends les escaliers, et il détaille mon corps comme à chaque fois que nous nous voyons. Ma mère doit être vraiment aveugle pour ne pas le voir faire. Heureusement qu’on ne parle pas d’un vieux prof de musique solitaire, mais d’un étudiant en musicologie pas beaucoup plus vieux que moi.

— Eh bien, Sarah, il était temps, me gronde gentiment ma mère en déposant un jus de fruits dans mes mains. Allez, filez au salon, jeunes gens !

Il faut vraiment qu’elle se retrouve un mec, je n’en peux plus de son attention constamment portée sur moi. Je sais que ces dernières années ont été difficiles, que nous nous sommes brutalement retrouvées seules toutes les deux, mais j’ai besoin de respirer à nouveau. J’aurais bien aimé me prendre une chambre sur le campus, mais j’ai bien vu que cela ennuyait ma mère. Être seule dans cette maison lui est compliqué. Déménager lui semble impossible. Autant dire que je me retrouve coincée avec la personne la plus importante de ma vie, mais aussi la plus protectrice et de ce fait étouffante.

Elliott s’installe à côté de moi sur le banc et je commence à jouer le morceau de Debussy que nous travaillons depuis quinze jours. J’adore cette mélodie, je pourrais écouter le Clair de Lune quotidiennement pendant des heures, je crois. Pourtant, ce matin, j’ai un peu de mal à me concentrer. Entre la fatigue de la nuit et les souvenirs qui persistent, autant dire que Debussy est relégué au second plan et Elliott le remarque. Il tape de ses mains sur le pupitre pour me donner le tempo afin que je retrouve un rythme de croisière correct. Il a vraiment de petites mains, c’est fou. Rien à voir avec Liam. Merde, c’est pas possible, il ne peut pas sortir un peu de ma tête, lui ? Pour un plan d’un soir, je trouve qu’il a suffisamment bercé mes rêves et occupé ma douche, le beau basketteur.

— Tu as la tête ailleurs ce matin, Sarah. Un souci ?

Oh non, tout le contraire du souci même, je dirais. Si jouir un nombre de fois tel que le cerveau se déconnecte et oublie de faire le compte est un problème, je veux bien vivre avec et le revivre encore et encore, moi.

— Je suis fatiguée, pardonne-moi, il y avait une soirée sur le campus hier et mes amis m’y ont traînée.

— Eh bien, il faut croire que Debussy n’est pas à la hauteur de sa réputation. On disait qu’il pouvait réveiller les morts. Mais avec les jolies jeunes femmes, ça semble plus compliqué !

Nous passons l’heure de mon cours à bosser sur ce morceau, et je tente de rester au maximum concentrée sur les touches plutôt que de laisser mes pensées s’envoler dans cette petite chambre au lit tout défait que nous avons laissé. Lorsqu’Elliott part enfin, je rejoins ma mère dans la cuisine, où elle est en train de préparer des cookies.

— Tu cuisines encore ? Tu sais qu’il n’y a que deux estomacs à nourrir dans cette maison ?

— Tu avais l’air un peu fatiguée, je me suis dit que des cookies pourraient te redonner la forme, ma Puce. Tu adores ça, non ?

— Oui, oui, bien sûr, c’est super gentil, M’man, mais ce n’était pas nécessaire. Tu ferais mieux de t’occuper un peu de toi plutôt que d’être toujours aux petits soins pour moi.

— Tu sais bien que tu es tout ce qui me reste, Sarah. C’est normal que je m’occupe de ma fille unique tant qu’elle est encore avec moi à la maison !

— Tu ne voudrais pas faire des rencontres ? Tu es encore jeune, Maman, je suis sûre que tu pourrais rencontrer un homme bien qui pourrait prendre soin de toi, souris-je en m’asseyant sur le plan de travail pour piquer des pépites de chocolat dans le plat.

— Ah non ! Tu me vois sortir en boîte à mon âge ? J’aurais l’air ridicule, Sarah ! Ne dis pas de bêtises ! Même si c’est sûr que la chaleur des bras d’un homme me manque… Et pas que ses bras, pouffe-t-elle.

Je grimace en imaginant ma mère dans les bras d’un homme, mais ne peux m’empêcher d’être triste pour elle. Je sais qu’elle était très amoureuse de mon père, mais il est mort il y a bientôt cinq ans et il est grand temps qu’elle tourne la page.

— Tu n’es pas obligée de sortir en boîte, tu sais, ris-je. Ils font des clubs de rencontre, ou, je ne sais pas, des sites. Ça te permet de discuter avec des hommes et ça ne t’engage à rien dans un premier temps. Pourquoi tu n’essaierais pas ?

— Des sites de rencontre ? Mais je ne sais pas comment ça marche, moi ! Tu as déjà utilisé ça, toi ?

— Non, M’man, je n’ai pas besoin de ça pour rencontrer des garçons, je suis à la fac, ris-je en récupérant l’ordinateur portable qu’elle laisse toujours traîner dans la cuisine sans s’en servir. On va voir ce que ça donne, qui ne tente rien n’a rien ? Si ça se trouve, tu as une deuxième âme soeur sur Terre !

— Je ne crois pas ça possible, ma Chérie. Tu sais bien que ton père et moi, c’était incroyable… Mais bon, peut-être que je peux me trouver un ami avec bénéfices comme vous dites, vous les jeunes. Si tu m’aides à faire mon profil, on devrait y arriver.

Je n’arrive pas à croire qu’elle cède aussi facilement. Honnêtement, j’y pense depuis un moment, et je me disais qu’elle aurait plus de mal que ça à accepter ma proposition. Je commence donc à lui créer un compte sur l’une des célèbres plateformes de rencontres en ligne alors qu’elle termine de préparer les cookies. C’est un peu étrange de l’inscrire là-dessus et d’y mettre ma patte, mais ma mère et l’informatique, ça a toujours fait deux, et encore, je suis gentille. D’ici à ce qu’elle envoie ses coordonnées bancaires par mégarde à tous les utilisateurs de Meetic, il n’y a qu’un pas ou presque.

Je passe également un temps fou à lui montrer comment cela fonctionne. Ma mère ne se gêne pas pour commenter le physique de chacun des hommes qui passe sous ses yeux et je me dis que celui qui finira dans son lit n’est pas né tant elle est critique. Ce n’est jamais vraiment méchant, mais il y a toujours quelque chose qui cloche.

— Et celui-là, regarde, il est plutôt beau gosse, non ? Oh, il est comptable. Mince, il doit être ennuyeux, tu ne crois pas ? lui dis-je avant de constater que j’ai la même maladie qu’elle.

— Ennuyeux, je ne sais pas, mais il a déjà des rides sur le front à tout juste quarante ans. Tu imagines ce que ça va donner dans dix ans ? Pas moyen. Oh ! Et celui-là, tu as vu son ventre ? Un peu de sport, ça lui ferait du bien. Ah, celui-là est pas mal, dit-elle en montrant un jeune homme d’une trentaine d’années. Je fais comment pour le sélectionner ?

— Mais enfin, Maman, pouffé-je. Tu ne lis même pas son profil ? Si ça se trouve c’est un gangster ! Ne va pas trop vite quand même. Regarde, il a cinq enfants ! Tu es sûre de toi, là ?

— Il les laissera à sa maison, ses enfants, et puis c’est tout, non ? Ce n’est pas un site pour faire des rencontres et s’amuser un peu ? me demande-t-elle sérieusement. Il faut vraiment tout lire et éliminer même les beaux gosses ?

— Tu fais bien ce que tu veux, M’man, vraiment. Ça dépend de ce que tu cherches, en fait. Enfin, si tu pouvais m’éviter les mecs différents tous les soirs à la maison, j’apprécierais.

— Oh mais ça ne marchera jamais de toute façon. Qui veux-tu qui s’intéresse à moi ?

— Mais arrête, M’man, tu es superbe et gentille, intelligente et cultivée. Par contre, évite de dire à tout le monde que tu as hérité de Papa, hein ? Il ne faudrait pas que quelqu’un cherche à t’entourlouper.

— Je ne suis pas bête non plus ! En tous cas, heureusement que c’est gratuit, ce truc, parce que sinon, ce serait une perte d’argent !

— C’est payant M’man, ris-je. Je t’ai abonnée pour un mois, si ça ne te va pas, on arrêtera l’abonnement et puis voilà. Profite, fais-toi courtiser, drague, ça ne fait pas de mal !

— Mouais, je ne suis pas convaincue, répond-elle en faisant la moue mais en continuant à faire défiler les profils sur l’ordinateur. Allez, mangeons des cookies en attendant, au moins, eux, nous font du bien !

— Vous ne faisiez que vous regarder dans le blanc des yeux, avec Papa ? Parce que pour faire du bien, certains hommes sont très doués, m’esclaffé-je en prenant un cookie.

— Tu crois que tu es née grâce à l’intervention du Saint Esprit ? sourit tristement ma mère. Je peux t’assurer qu’il y avait tout ce qu’il fallait ! Et ça me manque énormément.

Je soupire et la prends dans mes bras. Si imaginer mes parents faire des cochonneries me donne envie de vomir, je ne peux m’empêcher d’éprouver de la peine pour ma mère. Depuis la mort de Papa, elle est restée seule et a du mal à remonter la pente. Ça va mieux cette année, et je crois qu’il est grand temps qu’elle se remette en selle. Elle aussi a droit au bonheur, et si ça passe simplement par tchatter avec des hommes pour commencer, pourquoi pas ? Qui sait, elle aura peut-être la chance de tomber sur un homme qui saura la combler comme j’ai pu l’être la nuit dernière ?

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