58. La main baladeuse

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Sarah

Evan klaxonne pour la troisième fois alors que je dévale les marches de la maison en me dépêchant. Foutue douche, que j’ai voulue prendre vite fait avant de sortir, et qui m’a rappelé des souvenirs bien trop agréables pour que je ne passe pas un long moment sous le jet d’eau chaude.

— Je file bosser avec Evan à la bibliothèque ! crié-je en direction de ma mère en enfilant ma veste et en sortant sans même écouter sa réponse.

Je cours jusqu’à la rue où est garé mon ami et m’engouffre dans sa voiture.

— Désolée, un peu la course, ce soir. Tu vas bien ? J’ai vu ton message, pourquoi pas la bibliothèque ? Je n’ai pas très envie d’aller au café, en fait, soupiré-je.

J’évite Liam depuis trois jours, vu qu’il me fait à moitié la tête. Personne ne se refuse à Liam Sanders, apparemment. Je crois avoir suffisamment transgressé les règles avec ce tripotage dans la douche, alors certes, c’est bien loin de ce que toutes les nanas pourraient vouloir lui offrir, mais c’est déjà trop pour moi. Enfin… Trop, étant donné le contexte. Entre nous, je ne dirais pas non. Si ma mère et son père n’allaient pas se marier, si Jude n’était pas à fond sur le côté familial et sœurs pour la vie. Bref, trop compliqué.

— C’est quand même une ambiance plus sympa que la Bibliothèque, non ? Et puis, ton frère pourra peut-être nous faire une ristourne ?

— Ce n’est pas mon frère, merci, bougonné-je. Et sinon, je doute qu’il te fasse une quelconque remise, ça ne sert à rien d’espérer.

— Qui ne tente rien n’a rien. Et… Techniquement, ça va devenir ton frangin, non ? Comment tu fais pour supporter les allées et venues de meufs chez toi ? Ta mère ne dit rien ?

— Je pète le mythe si je te dis qu’il n’a ramené aucune gonzesse à la maison ? Pour le reste, un frère et une sœur ont le même sang. Personne n’adopte personne… Tu vois ? On est… Des colocataires, quoi.

— Ah oui, tu pètes le mythe, comme tu dis. Tu crois qu’il va les baiser chez elles, alors ? Le gars, il est incapable de rester abstinent aussi longtemps !

Je retiens de peu une grimace en imaginant Liam s’en taper une autre, mais je ne peux m’empêcher de me dire qu’Evan a raison. De toute façon, il ne peut rien se passer avec lui, alors il ne va pas tarder à se trouver une nouvelle proie. Si ce n’est pas déjà fait.

— Il fait bien ce qu’il veut, il n’a pas de comptes à me rendre, bougonné-je. Et on s’en fout, de sa vie sexuelle, non ?

— Tu rigoles ou quoi ? Le gars, c’est le capitaine de l’équipe de basket ! Si on sait avec qui il sort, on pourrait même se faire des tunes en vendant le scoop à un journal qui paraît sur le campus !

— Désolée pour ton compte en banque, mais je ne sais rien, dis-je alors qu’il se gare sur le parking du Unicorn Café.

Je sors de la voiture rapidement pour ne pas avoir à lui mentir davantage, mais je me vois mal lui dire qu’on se tripotait il y a quelques jours encore et que, selon Liam lui-même, je suis la première avec qui il a couché à plusieurs reprises. Je ne sais pas si Evan irait jusqu’à balancer l’info, mais, dans tous les cas, je préfère garder ça pour moi.

Mon regard est indéniablement attiré par Liam, occupé à une table dans le coin de la salle. Forcément, c’est un petit groupe de nanas en pâmoison devant le beau black qui partage ma vie.

— Un grand café sans sucre, comme d’habitude, ou tu innoves aujourd’hui ?

— Hein ? Heu… Non, non, comme d’habitude. Je vais m’asseoir, tu me rejoins ?

— Donc je te paie ton café, hein ?

— Tu m’as obligée à venir, tu assumes, ris-je en déposant un baiser sur sa joue.

Evan lève les yeux au ciel en souriant alors que je file m’installer à une table à l’autre bout de la pièce. Forcément, je peux apercevoir Liam qui traîne à celle des petites nenettes, et je constate qu’il a sorti le sourire de circonstances. J’essaie de me désintéresser de la scène en sortant mon ordinateur pour pouvoir bosser mes cours, mais difficile de ne pas voir la petite rousse superbe qui pose sa main sur celle du basketteur, sur la table, et minaude en lui lançant des regards qui en disent long sur ses intentions.

— Votre café, Mademoiselle, énonce Evan comme s’il avait fait des années d’étude de serveur.

— Merci. Tu as beaucoup de boulot ? Parce que je n’ai pas envie de m’attarder ici.

— Pourquoi ? rit-il. Ça t’ennuie de voir Liam se faire draguer ? Tu devrais la jouer grande sœur protectrice et aller régler son compte à la bimbo. La vache, elle vient de lui mettre une main au cul, hé !

Je tourne brusquement la tête vers la table sous la moquerie d’Evan et me fais griller comme rarement. Si seulement il savait que ce n’est absolument pas mon côté grande sœur qui veut bondir. Je constate surtout que Liam s’est retourné vers la rousse, mais il n’a pas vraiment l’air charmé par son geste. Il semble même plutôt agacé et, si nous ne comprenons pas ce qu’il dit, sa voix porte davantage et il fait signe à la demoiselle très mal élevée de sortir du café.

— Eh bien, il n’a pas l’air content de se faire tripoter, ricane Evan. Dommage, il aurait pu passer une soirée sympathique, si tu veux mon avis. Elle a la réputation d’être bien… Libérée, au lit.

— Peut-être qu’il se l’est déjà tapée. Monsieur ne visite jamais deux fois la même grotte, je te rappelle.

— Je peux te dire que s’il se l’était faite, il y serait retourné ! Et je parle en connaissance de cause, se marre Evan.

— Ben voyons, grimacé-je en regardant la rousse se lever, mal à l’aise, et sortir du café.

J’éprouve un plaisir malsain à la voir se faire refouler de la sorte, surtout que Liam semble vraiment agacé. Je peux comprendre, en un sens, personne n’aime qu’on lui colle une main aux fesses sans son accord, mais ça m’étonne qu’il le prenne si mal. Peut-être qu’elle a été très insistante ?

Je sors mon téléphone et ne peux m’empêcher de lui envoyer un message alors qu’il est retourné derrière le bar et discute avec sa collègue.

— Ben alors, depuis quand une main aux fesses ne te plaît plus ? J’ai souvenir que tu n’avais rien contre, moi…

— C’est comme ça que tu bosses, toi ? Le téléphone à la main ? me demande Evan, me sortant de mes pensées.

— Et toi, c’est en me regardant que tu bosses ?

Je vois Liam lever les yeux du téléphone qu’il a sorti de sa poche pour regarder dans la salle. J’hésite à détourner le regard lorsque nos yeux se trouvent, mais choisis de la jouer décontractée en lui faisant un clin d'œil. Il lève les yeux au ciel avant de tapoter sur son mobile et je ne traîne pas à recevoir un message de sa part.

Tout dépend de la personne au bout de la main. Tu as besoin que je t’apporte quelque chose pour que tu essaies à ton tour ? ;)

— Je n’oserais pas, je suis trop bien élevée pour ça, voyons ! Si tu as besoin de réconfort parce que tu t’es senti agressé, en revanche, je suis là, petit frère !

Il fait la grimace en lisant mon message puis remet son téléphone dans sa poche avant de s’approcher de nous.

— Alors, voici les espions qui me surveillent ! dit-il en souriant. Vous essayez de travailler ici ?

— On ne te surveille pas, on vit nos vies, ris-je. Elle avait une main de sorcière ? Ou elle sentait l’oignon ? Parce que d’après Evan, c’est un coup d’enfer…

— Ah oui ? Je crois que j’ai déjà goûté à mieux, pour ma part, répond-il en me regardant. Evan, je te la laisse sans souci, elle n’a pas froid aux yeux, c’est sûr. Mais ce n’est pas parce que je suis serveur qu’on a le droit de me traiter comme de la marchandise qu’on peut toucher sans mon accord.

— Je comprends, mec, lui dit Evan, mais je t’assure qu’elle a des mains magiques ! Et je veux bien un tuyau pour le mieux auquel tu as goûté, parce que j’ai du mal à y croire et je voudrais bien pouvoir comparer !

— Pour que tout le monde aille s’intéresser à elle ? Tu rigoles, mon Petit ! Je garde mon secret pour moi !

— Attends, ça veut dire que tu as une meuf, Sanders ? s’esclaffe Evan. Le Capitaine de l’équipe de basket est casé ?

— Monsieur le paparazzi est bien mal informé. J’ai dit que j’avais goûté à mieux, pas que j’étais en couple, non plus ! Et toi, quand est-ce que tu te trouves une fille ? Tu traînes toujours avec ma grande sœur, je dois m’inquiéter pour sa virginité ? pouffe-t-il en me faisant un clin d'œil.

— J’ai tenté ma chance je ne sais combien de fois avec ta frangine, elle m’a toujours rejeté sans délicatesse, soupire théâtralement mon meilleur ami. Mais ne te fais pas d’illusions non plus, y a bien longtemps qu’elle n’est plus vierge, la petite !

— Et elle aimerait que tout le café ne soit pas au courant de sa vie sexuelle, messieurs. Merci bien, marmonné-je.

— Oh ça va, ricane Evan, ce n’est un secret pour personne. Le contraire serait plutôt étonnant avec ton air de sainte et ton cul du tonnerre. Sans parler de ton décolleté, faudrait être con pour se refuser à toi. Je peux t’assurer que je n’aurais pas dit non si on n’était pas potes, moi. Je suis même sûr que Liam ne dirait pas non s’il n’était pas ton nouveau frangin.

— C’est clair qu’elle a un décolleté de fou ! C’est vraiment si tabou que ça un frère et sa demi-sœur ? rétorque-t-il avant de s’éloigner en souriant.

Je l’observe rejoindre le comptoir et jette un œil à Evan qui me regarde bizarrement.

— Quoi ?

— Non, non, rien, sourit-il. Je crois que tu lui plais, par contre. L’attrait pour l’interdit, sans doute.

— Eh bien, je te remercie, ris-je. Ça veut dire que sans cet interdit, je n’ai rien pour lui plaire ?

— Bien au contraire, mais ça rajoute ce je ne sais quoi qui fait toute la différence ! Bref, tu pourras dire à vos parents qu’il a été sage au moins !

Ouais, il a été sage, avec la rousse au moins. Avec moi, cela fait bien longtemps que nous avons franchi le cap du politiquement correct. Ce tabou est insupportable, mais je n’arrive pas à passer outre, moi, même si lui semble tout à fait ouvert à l’idée. On se tourne autour, on se cherche, on merde et ça n’a rien de désagréable. Au contraire… Et même si c’est interdit.

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