70. Le trauma de la Mama

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Sarah

J’observe Liam dormir à mes côtés depuis quelques minutes en me repassant en tête notre conversation de cette nuit encore et encore. Evidemment, je suis toujours contrariée par ses réactions et ses mots. Je voulais le laisser dormir dans le canapé, il ne méritait pas mieux, je crois. Mais je n’arrivais pas à dormir de mon côté, et je l'ai entendu se balader à droite et à gauche, frapper à ma porte. Il m’a même fait flipper en venant à la fenêtre de la chambre.

Liam a un réel problème avec l’argent. C’est sans doute ça pour toute personne qui en manque, mais je marche sur des œufs avec lui à chaque fois qu’il est question de dollars. Avec ma mère, nous avons plus d’argent qu’il n’en faut, mon père nous a laissé un pécule plus que généreux. Alors, vouloir en faire profiter les autres sans arrière pensée, c’est logique, non ? En tous cas, c’est mon état d’esprit, et ça me vexe qu’il puisse penser le contraire.

Je l’embrasse doucement sur la joue et me lève discrètement. Il fait frais ce matin, voilà l’inconvénient d’une petite cabine pleine de fenêtres au mois de Novembre, et j’enfile un legging avant de piquer le pull deux fois trop grand de mon basketteur. J’espère qu’il en a un autre dans son sac, parce que je ne compte pas le lui rendre, celui-là. Allez savoir pourquoi les filles adorent piquer les fringues de leur mec… Bon, techniquement, Liam n’est pas mon mec. Je ne saurais absolument pas définir ce que nous sommes, tous les deux, et c’est un peu dérangeant quand on aime que tout soit à sa place. Profiter, c’est bien beau, mais mon attachement pour lui va me faire morfler à un moment donné. Il finira bien par se lasser… Ou nous retrouverons la terre ferme, quoi qu’il en soit, en février, lors du mariage de nos parents.

La cuisine n’est pas très grande, mais bien équipée. Je fais couler le café et prépare des œufs brouillés après avoir sorti du réfrigérateur la salade de fruits que nous avons achetée hier. Je suis en train de mettre la table lorsque mon amant débarque dans la véranda en se passant la main sur le visage, pieds et torse nus, les yeux sans doute aussi fatigués que moi.

— J’ai préparé le petit déjeuner. Tu as faim ? lui demandé-je en me retenant de lui dire que ce n’est pas par charité que je l’ai fait.

— Bonjour Sarah. Je ne t'ai pas entendue te lever, marmonne-t-il, pas vraiment réveillé. Merci pour le petit déj, j'ai faim en effet.

Le regard qu'il pose sur moi, plein de désir mais aussi de retenue, me fait un effet étrange, un mélange d'une envie de me réfugier contre son torse musclé et un désir de le frapper pour toutes les âneries qu'il a pu sortir.

— Les balades nocturnes doivent fatiguer, souris-je en allant à la cuisine pour apporter le café. Tu veux ton pull ? Il ne fait pas très chaud, ce matin.

— Ah, tu m'as entendu alors ? Ça va aller pour le pull, tu sais bien que je n'ai jamais froid, une vraie bouillotte vivante.

— Oui, je n’arrivais pas à dormir non plus, soupiré-je en m’asseyant à table. Tu as bien dormi ? Enfin… Pour le reste de la nuit, au moins.

— Je n'aime pas me disputer avec toi, Sweetie. C'était compliqué, le début de la nuit, perdu dans mes pensées avec la voix de mère qui résonnait en moi… Heureusement que tu es venue me chercher, t'avoir dans mes bras, c'était vraiment ce qu'il me fallait.

Je l’observe s’installer et se servir avant de prendre une généreuse bouchée d’œufs brouillés. J’étais prête à repartir au charbon en l’entendant me dire qu’il n’aimait pas qu’on se dispute, mais la fin de sa tirade me pousse au questionnement.

— Et qu’est-ce qu’elle te disait, ta mère, pour que tu interprètes aussi mal mes intentions ? lui demandé-je avec toute la délicatesse dont je suis capable.

— Tu es sûre que tu veux jouer à la psy pendant ce petit séjour qui devait être romantique ?

— Je veux juste comprendre pour éviter une nouvelle boulette de ma part… J’aime aussi peu que toi qu’on se dispute, Liam. Et ça me permettra peut-être de ne plus être énervée contre toi, si je suis énervée contre ta mère, dis-je en lui faisant un clin d'œil.

— Ma mère me trouvait trop bête pour réussir dans la vie, soupire-t-il. Elle me répétait sans cesse que le seul moyen que j'aurai pour gagner de l'argent, c'était de vendre ma belle gueule, comme elle disait. Elle avait prédit que je passerais ma vie à vivre aux crochets d'une femme… Je me suis promis de tout faire pour éviter ça, tu comprends ?

Je comprends beaucoup mieux, oui. C’est comme si je retrouvais la pièce manquante du puzzle, bien cachée sous un meuble. Tout s’explique.

— Je vois où tu veux en venir, oui. Pas évident de grandir avec ce genre de discours, ta mère manquait clairement de pédagogie, soupiré-je. Heureusement que tu n’as pas qu’une belle gueule, elle se plantait totalement...

— Totalement ? Et pourtant, qu’est-ce que je suis en train de faire ? Je vis à tes crochets, tu vois ? continue-t-il à se lamenter.

— N’importe quoi. Tu ne m’as rien demandé, c’est moi qui ai proposé. Tu bosses tous les soirs ou presque, tu te défonces pour le basket et pour avoir une carrière. Je peux comprendre que ce soit compliqué pour toi, mais… Enfin, Liam, je voulais juste te faire plaisir, et me faire plaisir en passant du temps avec toi.

— Au fond de moi, je le sais, Sarah. Mais c’est dur de lutter contre ce sentiment que j’ai et qui me prend aux tripes. Je te jure qu’hier soir, tout ce que j’entendais dans ma tête, c’est ma mère répéter ses phrases fétiches… Et de voir dans quel état mon attitude t’a mise hier soir, franchement, je m’en suis voulu. Et je m’en veux encore… Je comprendrais, tu sais, que tu ne veuilles plus rien avoir à faire avec moi… A part au basket, j’ai l’impression de tout rater de toute façon.

J’ai surtout envie de le secouer un bon coup pour qu’il arrête de raconter des conneries, là. Et ce qu’il me dit ne me donne absolument pas envie de connaître sa mère, en plus de me rappeler la chance que j’ai de mon côté.

— Je suis désolée de t’avoir donné cette impression, Liam, vraiment, soupiré-je en glissant ma main dans la sienne sur la table. Pour être honnête avec toi, je ne suis jamais à l’aise quand l’argent arrive sur le tapis dans nos échanges. J’ai conscience de ta volonté d’indépendance financière, mais je sais aussi que tu veux rembourser ma mère et que ton salaire est limité au café. Hier soir, c’est moi qui voulais aller au restaurant, ça me paraissait logique de payer, je n’ai pas réfléchi au fait que ça pouvait… Te gêner, que ce soit moi qui t’invite.

— Cela ne devrait pas te gêner, en fait, c’est moi qui ai un problème… Mais je crois qu’avec toi, je peux aller mieux là-dessus. Tu m’as déjà permis de sortir de mon côté “je ne passe qu’une nuit avec une femme sinon elle va s’attacher et je vais vivre à ses crochets”. Il y a de l’espoir, non ? dit-il avec un sourire. Tu sais, hier soir, te retrouver dans mes bras m’a fait un bien fou, comme si tu faisais taire toutes mes mauvaises pensées, c’était incroyable comme le simple contact de ta peau a tout changé.

J’ai envie de lui dire que je me suis attachée, plus que de raison d’ailleurs, mais ce serait mettre sur le tapis un autre sujet bien noueux qui nous amènerait, une fois encore, à gâcher ce weekend déjà bien entaché. Et qu’en est-il de lui, alors ? Ce célibataire affirmé, est-ce qu’il s’est attaché ? Ou est-ce que le sexe est sa seule raison de continuer avec moi ? Trop de questions pour un petit déjeuner.

— Je suis contente de réussir à te faire du bien autrement qu’avec du sexe, ris-je en allant m’asseoir sur ses genoux pour déposer un baiser sur ses lèvres. Donc… On arrête de se chamailler et on profite de ce weekend, deal ?

— Deal, Sweetie. Et je peux te dire que tu ne te rends pas compte de tout le bien que tu me fais, de toute la stabilité que tu m’apportes. Pour la première fois de ma vie, j’ai envie que ça ne finisse jamais, tu sais ? Tu vas me prendre pour un vrai fou, murmure-t-il tout bas avant de retrouver sa prestance habituelle. Et pour ce weekend, tu as raison, il faut en profiter. Le cadre est idyllique et je suis avec la plus belle femme que j’aie jamais rencontrée ! Que demander de plus ?

Je soupire et niche mon nez dans son cou pour ne pas avoir à répondre et alors que je sens ses mains caresser mon dos. On sait tous les deux que ce qu’il se passe entre nous est éphémère, on ne pose même pas de mots sur ce que l’on vit, et on ne se livre jamais ou presque à ce sujet. Dans le genre relation bizarre, on fait difficilement pire.

— Qu’est-ce que tu as envie de faire, aujourd’hui ? lui demandé-je finalement.

— Inaugurer le lit d’une meilleure façon qu’hier soir ? répond-il avec son air mutin que j’adore tant. Aller faire un tour sur les chemins au bord du lac ? Ou même, un tour en bateau si je te promets de ne pas le prendre mal que tu en paies la location ? Je suis ouvert à tout, Sweetie, je veux juste que tu sois heureuse et que tu ne regrettes pas de m’avoir emmené avec toi.

J’hésite quant au programme. Si l’envie d’aller me lover contre lui sous la couette me tente, j’aimerais bien qu’on fasse autre chose. C’est nul de ma part, mais je crois que j’ai besoin qu’on soit un peu plus que des plans cul, qu’il apprécie autre chose que juste le sexe avec moi. Chacun ses tares, moi j’ai besoin de sentir que je compte pour lui, mais je ne suis pas prête à me confier comme il vient de le faire de son côté.

— Je ferais bien une balade en bâteau. Il doit faire beau, autant en profiter ?

— Tout ce que tu veux, Sweetie. J’ai tellement à me faire pardonner que je suis à ton entière disposition jusqu’à nouvel ordre. J’ai vu une affiche en venant, il y a des bateaux à louer sur le port dans la ville à côté. On peut faire ça en début d’après-midi, si ça te tente ?

— On fait ça… J’ai fait à manger, je te laisse la vaisselle ? souris-je. Et… Si tu es suffisamment rapide, la porte de la salle de bain ne sera pas verrouillée.

Je lui fais un clin d'œil et le gratifie d’un baiser auquel il répond avec ferveur, me faisant oublier mon besoin d’autre chose que d’une chaude étreinte avec lui.

— Dépêche-toi de me rejoindre, Capitaine, dis-je finalement en me levant.

— La vaisselle attendra, non ? répond-il en se levant aussi et en se débarrassant de son short.

Je ris sans lui répondre, mais enlève son pull et lui lance en plein visage avant de fuir dans la salle de bain. Je n’ai pas le temps d’entrer dans la douche une fois déshabillée que je sens son corps se presser contre le mien. Ce qu’il y a de mieux, dans les disputes, ce sont les réconciliations. Sur l’oreiller, c’est pas mal, mais sous l’eau chaude, c’est tout aussi sympa. Surtout avec cet homme passionné et attentionné. Autant avouer que ce matin, nous ne sommes pas très économes sur l’eau et en profitons bien.

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