118. Détective grimaçante

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Sarah

Je referme le bouton de chemisier qui a une fois de plus sauté en me promettant d’aller faire du shopping et repose mon bouquin en voyant Becca s’installer face à moi.

— Tu en as mis du temps, mon plat va être froid. Tu m’as encore fait faux-bond pour aller retrouver Abdul dans un coin ?

— Comment tu sais ? me demande-t-elle en redressant sa petite robe. J’ai pas tout bien remis en place ?

— Je commence à te connaître… Tu n’as pas eu ta dose à la soirée d’hier ? Tu sais, celle où tu ne m’as pas proposé de venir.

Elle me lance un regard gêné et s’assoit en face de moi, visiblement en train de chercher une excuse.

— C'étaient les basketteurs qui invitaient, tu sais ? Je croyais que tu viendrais avec Liam. Mais c’est vrai que j’aurais dû t'appeler quand je l’ai vu débarquer tout seul… Je n’y ai pas pensé, Bichette, désolée.

— Pas grave, j’étais crevée. Elle était cool, cette soirée ? Ça avait l’air de couler à flot, je n’ai jamais vu Liam aussi bourré. Il se souvient à peine de sa nuit, ris-je.

— Tu m’étonnes ! Il a abusé sur la vodka, je crois ! Il doit avoir un sacré mal de tête, ce matin ! Le pauvre petit chéri, je devrais peut-être aller le voir pour le soigner… Mais oui, la soirée était cool. J’ai adoré, moi.

Je grimace en imaginant Becca s’occuper de Liam et plonge ma fourchette dans la purée à peine mangeable de la cafétéria.

— Il est comment, Liam, bourré en société ? Ça m’inquiète un peu pour le mariage, j’avoue. Manquerait plus qu’il fiche la zizanie.

— Je dirais juste que tu devrais sûrement faire attention à ton décolleté, parce que je crois que les seins, ça le fait baver ! Mais à part ça, il n’a pas été trop fou, je crois. Enfin… Il est resté avec moi, tu vois. Il n’est pas allé batifoler avec toutes ces poufiasses qui lui tournaient autour. Et c’est moi qui ai pu un peu en profiter.

Je ne suis pas loin de recracher ma bouchée de purée et hésite entre la harceler de questions et me lever pour lui en mettre une illico. Ce qui, dans ma petite tête, est justifié, ne le serait absolument pas en société, c’est sûr.

— Ah oui ? Tu en as profité ? C’est-à-dire ? Et Abdul dans tout ça ? lui demandé-je avec toute la légèreté dont je suis capable.

— Oh, tu sais, Abdul et moi, on a une relation un peu libérée, on ne se fâche pas pour des petits écarts… Et puis, je crois qu’il a dû s’absenter un moment pour aller discuter avec Ryan sur la nouvelle caisse de son pote. Bref, pour revenir à ta question, je crois que Liam bourré ne sait pas résister à de jolis lolos, si tu vois ce que je veux dire !

— Heu… Tu peux être plus précise ? J’ai peur de ne pas voir ce que tu veux dire, non. Il t’a tripotée ? Plus que ça ? Qu’est-ce qu’il a fait ?

J’ai conscience que ma curiosité est un peu trop poussée, mais je ne peux pas m’en empêcher. Elle n’a pas l’air de remarquer en tous cas, car elle poursuit le plus naturellement du monde et se confie à la meilleure amie que je suis sans rien cacher.

— Eh bien, j’ai tout fait pour le faire craquer, tu imagines bien. Mais il doit vraiment tenir à la nana avec qui il est en ce moment car il a tout fait pour résister. Je crois qu’il a presque fini la bouteille de vodka avant de l’oublier un peu. Et… Tu ne raconteras rien à personne, hein ? Pas envie de passer pour une pute devant tout le monde.

J’ai envie de lui dire qu’elle cherche à se taper un mec qui est en couple alors qu’elle le sait, et qu’elle aurait bien cherché ce genre de petit nom mignon.

— Je serai une tombe, marmonné-je.

— Eh bien, pour qu’il arrête enfin de me parler de sa superbe nana, je lui ai dit que j’étais sûre que mes seins étaient plus jolis que les siens. Et…

Je la vois qui regarde autour de nous pour s’assurer que personne n’est à portée et nous écoute avant de continuer sur un ton de conspiratrice.

— Et je lui ai montré mes seins. Je peux te dire que sa langue est descendue presque jusqu’à ses chaussures ! Et quand j’ai pris sa main pour la poser sur ma poitrine, il s’est laissé faire, tu imagines ! Purée qu’il m’a fait mouiller ! Il a des doigts magiques, ce type. Tellement doux par rapport à Abdul, minaude-t-elle.

Je suis sûre qu’elle mouille à nouveau en se remémorant cet épisode. Moi, j’ai la main qui me démange, et pas pour la poser sur ses gros lolos, clairement.

— Je vois… Tu te rends compte qu’il était bourré ? C’est un peu… Enfin, tu as profité de la situation, c’est pas très correct, quand même.

— Ouais, il me l’a dit. Trop vite à mon goût… Je crois qu’il a imaginé que c’était sa nana tellement il était bourré, le con. Et quand il a réalisé que c’était moi parce que j’ai parlé, il a tout de suite arrêté… C’est là qu’il a commencé à parler de rentrer à la maison… Et qu’Abdul est intervenu pour lui prendre ses clés. Heureusement qu’il était là, lui, sinon, Liam finissait dans un arbre, c’est sûr ! Il ne tenait plus debout, le pauvre…

C’est fou qu’elle ait aussi peu de considération pour le consentement. Quand je pense qu’elle gravitera autour de mon bébé...

— Ouais, heureusement qu’Abdul était là… Pendant que tu faisais boire Liam pour profiter de lui, son pote le protégeait, ne puis-je m’empêcher de lui faire remarquer alors que les deux loustics entrent dans la cafétéria.

— Je n’ai pas vraiment eu besoin de le faire boire, se renfrogne-t-elle. Et je peux te dire que le gars, c’est pas moi qui l’intéresse. J’ai bien cru qu’à cause de moi, il allait se barrer alors que tout ce qu’il y a eu, c’est qu’il a peloté mes seins quelques instants, il n’y a pas mort d’homme, quand même !

Je n’ai pas le temps de répondre qu’Abdul vient lui rouler un patin, me coupant définitivement l’appétit. Liam s’installe à côté de moi et grimace après avoir posé son plateau un peu trop brusquement.

— Je vois que la tête est encore sensible, me moqué-je. Abdul, tu as l’air frais et dispo, contrairement à ton pote.

— J’ai pas trop bu, et Becca, hier, a été parfaite. Tu ne veux pas les détails, je sais, mais le coup de m’attendre nue dans une chambre, avec un bandeau sur les yeux, on me l’avait jamais fait !

— Attends, tu t’es bandé les yeux sans savoir qui allait te sauter dessus ? T’es vraiment folle, Bec !

Je crois que le pire, c’est que je l’imagine faire ça et fantasmer sur le fait que ce soit Liam et non Abdul qui la saute. Beurk.

— Et ne me regarde pas comme si j’étais une coincée, continué-je en la fusillant du regard. Bref, encore merci de m’avoir appelée, Abdul, qui sait ce que ton pote aurait fichu s’il avait été seul pendant que vous deux vous… Copuliez.

— Tu n’es pas sa mère, Sarah, m’attaque Becca. Peut-être qu’il se serait joint à nous et qu’on aurait bien profité !

— N’importe quoi, Becca, tu ne m’intéresses pas du tout, tu sais. Et jamais je ne ferais un coup comme ça à mon pote.

— Il n’y a pas d’expérience idiote, Liam, rétorque Abdul en caressant la main de Becca. J’aurais pas forcément dit non si ça avait suffi à te convaincre de rester parmi nous.

— Est-ce qu’on pourrait arrêter de parler de cul à table, s’il vous plaît ? marmonné-je. Surtout que je suis sûre qu’en lui proposant, Liam aurait dit oui en plus. Vu le nombre de conneries qu’il a débitées dans la voiture, il n’était pas frais. Il raconte toujours n’importe quoi quand il boit ?

J’ai l’impression de jouer la détective en balançant des petites conneries à droite à gauche, à prêcher le faux pour savoir le vrai.

— Ah ça oui ! J’aimerais trop être sa Sweetie, moi ! C’est con, un mec amoureux, quand même, se moque Becca.

— J’ai parlé de ça ? s’étonne Liam.

— Ouais, tu n’as pas arrêté de dire que tu l’aimais. C’était chiant, je trouve, surtout que c’est moi que tu matais.

— Je ne me souviens pas de t’avoir matée, grommelle-t-il en se plongeant dans son assiette.

— Elle, elle s’en rappelle bien en revanche, dis-je en lui tapotant la cuisse. Et pas que de ça, d’ailleurs.

— Sarah ! m’apostrophe Becca qui ne s’attendait pas à ce que je parle de ses confidences. Tu ne peux pas lui raconter ça, quand même !

— Raconter quoi ? J’ai fait quoi ? demande-t-il, la voix presque tremblante.

— Rien, laisse tomber, petit frère. Tu regretterais trop de ne pas t’en souvenir, j’imagine.

— Tu lui as peloté les seins, intervient un Abdul hilare. Et si tu t’en souviens pas, c’est vraiment con.

Lui se marre alors que Liam me regarde, les yeux écarquillés. Eh oui, mon petit père. Et ne compte pas sur moi pour te faciliter les choses.

— Tu vois, le problème quand on picole, c’est le trou de mémoire. Et la trahison, aussi. Heureusement que ta “Sweetie” n’est pas sur le campus. Au moins, elle ne saura rien de tes frasques d’hier soir, lui dis-je calmement.

— Mes frasques ? J’ai juste… Enfin, oui, tu as raison, elle ne le saura pas, c’est déjà ça. Becca, continue-t-il en se tournant vers elle, je t’assure que je n’avais pas toute ma tête… Sinon, jamais je n’aurais abusé de toi comme ça…

— Toi, abuser d’elle ? m’esclaffé-je. Tu déconnes ? T’étais ivre mort ! C’est plutôt l’inverse pour le coup !

— Oh Sarah, ça va, intervient Becca, on s’amuse, c’est tout !

— Ouais, moi, je ne trouve pas ça drôle, bougonne Liam.

— Tu boiras sans doute moins à ta prochaine soirée, c’est une bonne leçon à retenir, souris-je en me levant. Sur ce, je vous laisse finir de manger. Ne prévoyez pas de plan à trois pendant mon absence, hein ?

— Tu préfèrerais un plan à quatre, Bichette ? rit Becca en venant me faire la bise. Promis, on va être sages, et j’arrête mes bêtises…

— C’est ça. Un plan à deux, ça me suffit, et ça ne t’inclue absolument pas, Bichette ! A ce soir, Liam.

Je récupère mon plateau et les laisse là tous les trois. Becca avec ses fantasmes à la con, Abdul avec sa folle de nana, et Liam avec ses remords. Chacun ses galères, non ? Je compte le faire mariner encore un moment avant de faire preuve de compréhension. Faut pas pousser, autant qu’il s’en veuille un peu, ça lui évitera peut-être de recommencer ce genre de conneries.

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