135. Le désespoir de l'amoureux

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Liam

— Ça va, tu es calmé, Capitaine ? me demande Abdul alors que Becca examine ma main et passe un coton humide sur l’endroit rougi par le coup que j’ai porté à cet abruti d’Evan.

— Oui, ça va, mais je te jure que j’ai encore envie de l’étriper, ce con qui ne sait pas fermer sa gueule et qui se permet de nous manquer autant de respect.

Il faut dire qu’il m’a vraiment fait sortir de mes gonds. Je n’en revenais pas qu’il puisse révéler ainsi notre secret à tous les présents sans se soucier des conséquences. Et puis, ses propos sur le fait qu’elle allait se salir avec moi, sur notre bébé à naître, sur le fait qu’il est amoureux de Sarah… C’était trop. Beaucoup trop. Impossible de laisser passer ça. J’ai vu rouge, et même encore maintenant, alors qu’il s’est barré de la fête en menaçant de porter plainte, je n’ai qu’une envie, le frapper encore et encore.

— Ouais, enfin lui cogner dessus, c’était pas non plus la solution, soupire Becca. Alors… Il disait vrai ?

Je la regarde un instant avant d’opiner de la tête, ce qui la fait grimacer. Je sais qu’on n’a pas été honnêtes avec elle, ni avec les autres, mais pouvions-nous faire autrement ?

— Désolé, Becca, mais oui, il disait vrai. Et tu peux encore plus comprendre pourquoi je n’ai pas supporté qu’il prononce ces mots racistes… Tu dois penser qu’on est de piètres amis de t’avoir caché tout comme ça, mais… Quel choix avions-nous ? Tu as vu dans quel état ça a mis Sarah, ces révélations ? On a essayé de garder le secret aussi longtemps que possible au vu du mariage de nos parents… Et la grossesse, c’était vraiment pas prévu…

J’essaie de trouver des excuses, mais je vois bien qu’elle est blessée et elle se colle contre Abdul qui l’enserre de ses grands bras avant de me répondre.

— J’arrive pas à croire que tu m’aies caché ça, Liam, marmonne Abdul. Je sais que je déconne, que je suis pas le mec le plus fûté, mais on est potes, tous les deux, je te considère comme mon frère, moi.

— Et pourquoi Evan est au courant et pas moi ? Pourquoi vous ne nous avez pas mis dans la confidence ? Putain, j’arrive pas à croire que Sarah m’ait caché ça. Et moi qui te draguais devant elle !

— Ah oui ? Parce que vous savez garder un secret peut-être ? m’énervé-je, toujours à fleur de peau. On avait besoin d’un mec pour jouer le rôle du petit ami et détourner l’attention de nos parents de nous… Evan a accepté, c’est tout. Mais c’était le mauvais plan apparemment, vu son discours aujourd’hui… Et je vous le dis, on est désolés, mais on ne pouvait rien dire… C’est trop tabou tout ça… C’est juste qu’on n’a pas su résister… Un peu comme vous deux, non ? Et elle est où Sarah, d’ailleurs ?

— Je sais pas où est Sarah, j’étais trop occupé à essayer de t’empêcher de buter Evan pour surveiller ta… Ta quoi d’ailleurs, ta sœur ? Ta meuf ? Bon dieu, c’est trop tordu, tout ça. C’est hallucinant. Quand je pense que tu me faisais la morale parce que Bec et moi, on a baisé sans capote alors que tu vas devenir père, c’est la meilleure.

— Un couac avec la pilule, ça arrive… Et elle voulait avorter, mais on n’a pas pu… C’était vraiment pas prévu…

J’hésite un peu dans le choix de mes mots, encore sous l’emprise du choc de la révélation et de la volée de coups que j’ai mise à Evan. J’essaie néanmoins de reprendre afin d’expliquer ce qu’il se passe à nos meilleurs amis.

— Sarah, c’est plus que ma meuf. Sarah, c’est la femme de ma vie. Ce n’est pas tordu, ça, c’est le sentiment le plus pur qui existe. Depuis qu’on s’est vus, et c’était avant que j’emménage chez elle, on n’a pas réussi à s’éloigner l’un de l’autre. On a essayé de prendre nos distances, mais tout nous ramenait à notre amour. Je crois que vous comprenez pas, mais Sarah et moi, c’est pour la vie. J’ai jamais autant aimé une femme. Je crois qu’elle pourrait me demander d’aller faire un aller-retour sur la Lune pour aller lui chercher un croissant et je le ferais. Il faut que j’aille la retrouver, elle doit être dans un état pas possible, la pauvre…

— Je crois qu’elle est partie, Liam, je l’ai vue sortir pendant que tu t’acharnais sur Evan. C’est vrai qu’elle avait l’air chamboulé… Un peu comme nous, je crois, je réalise toujours pas d’ailleurs. Comment on a pu passer à côté de ça ? intervient Becca, le regard dans le vague.

— Il faut que j’aille la retrouver. Encore désolé, les amis, mais il faut que je sois avec elle, que je la réconforte, que l’on discute de la suite. J’espère que vous nous pardonnerez notre silence et que vous le comprendrez… On a besoin de vous, surtout Sarah d’ailleurs.

Je dévale quatre à quatre les escaliers et me retrouve dans la pièce où la fête a repris. J’évite les regards curieux de ceux qui nous connaissent bien et sors rapidement de la maison. Je constate en effet que la voiture de Sarah n’est plus là. Et je n’ai aucun moyen de rentrer à part marcher. J’essaie de l’appeler mais son téléphone passe immédiatement sur répondeur. Pas moyen de la joindre. Comment une soirée qui avait si bien commencé peut se transformer en un tel cauchemar ? J’envisage un instant d’aller demander à Abdul ses clés de voiture, mais je n’ai pas envie de revoir leurs airs blessés et pleins de reproches. Je fais appel à un Uber qui ne tarde pas à arriver, l’avantage de vivre dans une grande ville. Durant le trajet qui me ramène à la maison, j’essaie de calmer mes nerfs et d’analyser ce que cette annonce par Evan va changer pour nous. Plus possible de se cacher… Plus possible de faire semblant, il va falloir assumer. Suis-je prêt ? Je ne sais pas.

Quand j’arrive à la maison, je suis surpris de voir les lumières allumées alors que tout le monde devrait être en train de dormir. Sarah a-t-elle déjà prévenu tout le monde ? C’est déjà l’heure des cris et des réunions de crise ? J’ouvre la porte et suis accueilli par Daddy qui me saute dessus et m’enlace entre ses bras, en pleurant.

— Oh Liam, Dieu merci tu es vivant ! J’ai eu tellement peur !

Je ne comprends pas ce qui le met dans cet état et le regarde sans comprendre en le repoussant gentiment.

— Bien sûr que je suis vivant, pourquoi tu me dis ça ? Et où est Sarah, elle n’est pas avec vous ?

C’est à ce moment que je vois Vic descendre en courant les escaliers, en pleurs.

— Oh Liam ! Mais pourquoi tu l’as laissée conduire ? Pourquoi est-ce qu’elle est partie seule ?

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demandé-je, inquiet. Il lui est arrivé quelque chose ? C’est pas possible, me dites pas qu’il lui est arrivé un truc ?

— Sarah a eu un accident de voiture, Fils. J’allais aller réveiller Jude pour l’emmener chez Megan, mais puisque tu es là, tu vas pouvoir la garder. J’emmène Vic à l’hôpital, me dit mon père en prenant sa femme dans ses bras.

— Un accident ? Mais c’est terrible… Et notre bébé, alors ? Et elle, elle va bien ? Daddy, je dois y aller, je dois savoir ce qui lui est arrivé. S’il te plaît, laisse-moi y aller, m’effondré-je dans ses bras. Je l’aime… Et s’il lui est arrivé un malheur, je… C’est pas possible, Daddy…

— On l’aime tous ici, Liam, mais Vic a besoin de moi. Allez, Fils, on te tient au courant, d’accord ?

— Comment ça, “notre bébé” ? intervient la mère de Sarah en relevant les yeux dans ma direction.

— Mais putain, vous êtes aveugles ou quoi ? Sarah et moi, ça fait des mois qu’on s’aime. Ça fait des mois qu’on se demande comment vous dire les choses ! Et oui, je l’ai mise enceinte, et alors ? Je vais à l'hôpital, je m’en fous du reste. Je veux la retrouver, savoir si elle va bien. Et avoir des nouvelles de NOTRE bébé, insisté-je pour qu’ils comprennent bien que ma décision n’est pas négociable. Et si vous avez un problème avec ça, on en discutera quand elle sera sortie d’affaire !

Si elle s’en sort, me dit ma petite voix dans ma tête. Parce que là, rien n’est moins sûr. Elle a eu un accident de voiture et elle est peut-être déjà morte. Déjà partie vers d’autres cieux plus cléments, où l’Amour triomphe, où les couples finissent ensemble, où les bébés naissent sans encombre.

— Si elle est partie toute seule, continué-je devant leurs airs ébahis, c’est parce qu’Evan, qui savait pour nous deux, a balancé l’info pendant la soirée. Et elle s’est barrée sans moi. Putain, j’aurais vraiment pas dû sauter sur cet abruti mais m’occuper d’elle. Daddy, donne moi les clés de la voiture, j’y vais tout de suite, je ne veux plus attendre.

— Tu n’es pas en état de conduire, Liam, pas plus que Vic. Je vous appelle un Uber… Je vous rejoindrai dès que possible, je vais rester avec Judith. Un accident pour ce soir, ça suffit largement.

Vic, sous l’effet de l’annonce que je viens de faire, reste sans voix. Sans pleurs aussi. Elle se contente de me dévisager et son regard me met mal à l’aise. J’ai l’impression qu’elle est prête à me sauter dessus et en même temps qu’elle reste toujours incrédule et sous le choc des révélations. J’aurais préféré y aller plus doucement, attendre le bon moment, le faire avec Sarah, mais là, clairement, le destin en a décidé autrement. Et il faut qu’elle fasse avec, de toute façon, parce que là, j’ai clairement d’autres priorités : découvrir si ma Chérie est toujours vivante et savoir si notre bébé n’a pas souffert pendant cet accident. J’ai le cœur en miettes et une folle envie de crier au monde que la vie est injuste, d’autant plus quand le malheur frappe alors que nous étions dans la plus grande des félicités. Sarah, envoie-moi un signe, quelque chose ! Fais-moi savoir que tout va bien, que rien de grave n’est arrivé et que tout va rentrer dans l’ordre. Sans toi, je ne survivrai pas.

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