Dans l'esprit d'Antar

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  • Dans l’esprit d’Antar

Je suis un pèlerin d’une nature particulière, un prêtre sans doctrine. Je ne cherche pas la vérité, parce que si on peut la dire ou la penser, c’est qu’elle est fausse. Pourtant, je cherche. Pas Dieu, non: Je cherche des réponses. Je veux savoir ce qu’est réellement la Chimère.

J’ai parcouru le monde entier: J’ai dansé avec les mataris, prié à Séclielle et goûté aux saveurs interdites de Mencis. Je suis allé jusqu’au grand Sud, là où la magie n’existe pas, et je suis monté dans les machines d’acier, puis j’ai volé près des nacelles et de leurs ballons. Le tour du monde, je l’ai fait, et j’ai compris maintenant: Dieu n’existe pas, mais la Chimère, si. Et je veux comprendre d’où elle vient, et ce qu’elle veut réellement, si tant est qu’elle veut quelque chose. Oui, je veux savoir: Qu'est ce que Chimère? Pour ça, je dois d’abord retrouver mon père, Tahar le Déchu.

Au-dessus, l’Autre lune; En dessous, la tempête. Partout, du sable, et mon corps dégringole. J’ai perdu l’aigle de vue, mais j’entend toujours la Symphonie. Fin connaisseur des recoins de ses échos, je me mêle aux harmonies primordiales, et invoque à nouveau Brectae. La tempête se dissipe autour de moi, et j’en profite pour agripper le ciel, auquel je sais m’accrocher à pleine main. D’un rapide coup d'œil, je repère l’Inferné.

Je me jette vers lui de toute la puissance de ma Musique; Mais mes efforts sont inutiles. Les sables se mêlent dans un éclair rougeâtre, et je suis happé par la gueule d’un serpent de gravier gigantesque; Projeté vers le sol, je n’ai aucun moyen d’empêcher ma tête d’éclater contre un rocher. La douleur est vive, intense, et je sens la vie s’échapper de moi, tandis que ma cervelle dégouline des fractures de mon crâne. Mes membres tressautent, et mon système nerveux reçoit d’ultimes signaux illogiques de la bouillie sanglante qui mélange mes pensées, mes souvenirs, mon inconscient et mes habitudes. Ma mémoire déborde sur mes rêves, mes remords s’étalent sur mes espoirs; Cette mixture de chair et d’esprit que j’appelais “moi” se répand dans la poussière, et je ne ressens plus rien depuis déjà quelques secondes. Alors, la providence s’exprime: un nouvel éclair rouge réassemble mon corps déchiqueté. Progressivement, l’univers me revient, et face à moi, je reconnais ce visage.

Ce visage, c’est celui de l’homme qui vient de m’assassiner. Celui de l’homme qui vient aussi de me ressusciter, me donnant la vie pour la deuxième fois. Ce visage, je le connais depuis ma plus tendre enfance. C’est celui de mon père. Tahar Gin.

Je viens de mourir, et je n’ai rien entrevu. Ni le néant, ni l’autre monde. Le choc m’empêche de dire quoi que ce soit, et je m’effondre sur moi même. Mon regard se pose sur le rocher encore tâché de mon propre sang. Je veux hurler, mais je me rends soudain compte à quel point j’ai du mal à respirer.

Mon père approche. Il m’agrippe par le col, et me relève. la forme sombre du désespoir remue derrière la glace de ses deux yeux bleu pâle. Je l’entend clairement dire: “Tu vas reprendre tes esprits, maintenant.”

Un troisième grésillement rouge, et je sens mon malaise se dissiper. Je repousse ses mains. Le tissu de ma cape s’effrite à l’endroit où il m’a tenu.

La tempête de sable ne s’est pas calmée. Nous nous tenons tous les deux dans l'œil du cyclone. Je me souviens de mon aigle, le cherche du regard, et constate, apaisé, qu’il plane au-dessus de nous. Quand je pose à nouveau les yeux sur mon père, il porte toujours le même accablement sur son visage.

“Pourquoi es-tu venu ici, Antar?”

Je ne sais même pas quoi lui répondre. Il ajoute, proprement terrifié: “Es tu venu pour me tuer, mon fils?”

Bien sûr que non. Je t’ai cherché partout. J’ai renié le Suprémat, abandonné le Trône et les hommages, pour te retrouver. Ils disaient que je t’avais surpassé, que j’étais le meilleur depuis le Premier; mais j’ai trahi l’Orchestre. Ils me traquent, jusqu’aux les moindres recoins du monde, parce que j’ai volé l’aigle blanc pour te retrouver. Et maintenant, je ne trouve juste rien à te dire, mais tu prends mon silence pour de la haine ou de la peur. Tu reprends:

“Est-ce que c’est At Sahis, qui t’envoie?

  • Non… Bien sûr que non. Je ne suis pas venu pour te tuer. Je voulais juste…”

Je me rends soudain compte de ma démence. Qu’est ce que je voulais, exactement? Qu’est ce que je cherchais à retrouver, pendant tout ce temps? Sait-il ce qu’est la Chimère, lui qui n’a jamais été désigné par elle? J’avais perdu espoir, et je me rends compte que je cherchais pour fuir: j’ai trouvé, et je ne sais plus quoi faire. Ce n’est plus mon père que j’ai en face de moi. Tahar Gin, le Huitième Avalion, est mort quinze vertiges auparavant, le jour où la Chimère l’a désigné. En face de moi, ce n’est plus un homme; Il m’a tué, puis m'a ramené à la vie sans faire le moindre effort. Ce visage est celui d’un être supérieur, que certains révèrent même comme un dieu; le plus jeune des 6 Infernés. Tahar le Déchu.

  • Je veux que tu me dises quel était ton vœu. Pourquoi la Chimère t’a-t-elle désigné? Tu étais… Tu étais le chef de l’Orchestre. Pourquoi…?
  • … La Chimère n’explique jamais ses actes. C’est une tâche qui revient aux hommes, que de les déchiffrer.

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