Chapitre Sept

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Au matin, je déjeunais avec des pommes, pendant qu'Ornélia m'annonçait avoir quelque chose à me montrer. Tout ce qui m'avait impressionné, pour le moment, c'était leur médecine et les arbres dans lesquels ils vivaient. Pour le reste, ils étaient tellement en retard que j'en riais presque. Mais j'acceptais, de toutes manières je n'avais rien d'autre à faire, et j'enfilais un short et un t-shirt. Ornélia jugea aussitôt ces couleurs trop voyantes, et le tissu trop fragile, mais j'étais bien plus à l'aise que dans leurs tenues épaisses et rugueuses.

En chemin, je lui demandais où se trouvait leur village, mais elle n'avait pas l'air de comprendre le sens de ma question.

« Quelle est la ville la plus proche ? » demandais-je alors.

Elle fit mine de réfléchir : « A trois jours de marche vers le Nord vit la Tribu des Lacs. Il y a aussi un village de pêcheurs, au Sud, à onze jours de marche. »

Une nouvelle fois, j'avais du mal à y croire. Il me semblait que les poissons qu'on trouvait dans les cours d'eau n'étaient plus propres à la consommation. D'ailleurs, les océans n'étaient plus que de vastes étendues désertiques, avec quelques rares points d'eau croupie ici et là. Les gens ne pêchaient plus. Et surtout, ils ne marchaient plus pendant des jours !

« Trois jours de marche ? »

Ornélia hocha la tête.

« A peu près oui. »

Cela ne me renseignait absolument pas sur l'endroit où je me trouvais, mais je savais à présent qu'ils avaient la possibilité de se nourrir de poissons.

J'essayais une nouvelle fois de me souvenir de mes leçons de géographie, mais tout cela remontait à si loin que je n'étais plus sûre de rien. Les forêts et les océans avaient-ils vraiment tous disparus ? Il me semblait que les hommes avaient finis par épuiser les ressources de la planète, la réduisant à une grosse boule poussiéreuse perdue dans l'espace. Ce qu'on nous enseignait à l'école, c'est que cela avait incité les hommes à repousser les limites de leurs capacités intellectuelles, pour nous permettre de survivre dans un monde devenu hostile.

J'avais toujours été particulièrement fière d'appartenir à une société ayant atteint un tel niveau de technologie, et j'avais toujours pensé que la quasi-destruction de notre planète avait été une étape nécessaire à cette avancée technologique, pour ne pas dire indispensable. Nous n'avions plus les océans et les lacs, et alors ? A la place nous avions les douches sèches. Nous n'avions plus d'espaces verts naturels, mais nos parcs restaient toujours propres, puisqu'ils étaient artificiels. L'air à l'intérieur des villes-dômes était filtré, et les voitures toutes électriques, nous garantissant ainsi un espace de vie pur et dénué de pollution. Je considérais que devoir vivre dans des bulles n'était qu'un maigre prix à payer pour tout le confort que nous avions, et d'ailleurs, ne pas pouvoir sortir de la ville-dôme ne m'avait jamais dérangé. L'extérieur était dangereux. Je n'enviais pas du tout les habitants de ce drôle de village, perdu au milieu de nulle part.

Je réalisais qu'Ornélia m'entraînait hors de la forêt lorsque les arbres devinrent moins présents, et que nous ne marchions plus sur de la terre, mais sur du sable. Et au bout de quelques mètres, la forêt disparut complètement, remplacée par une immense étendue de sable. Je clignais des yeux, éblouie par le soleil. Sous le couvert des arbres, nous en étions protégés. Je me rendis compte qu'il faisait vraiment très chaud, presque étouffant. J'avais l'impression d'être dans un sauna, et partout où je posais les yeux, il n'y avait que du sable et des rochers. L'horizon était flou à cause de la réverbération. Je plissais les yeux, la main en visière. C'était chaud. C'était beau. Je souriais. J'appréciais cette intense chaleur, curieusement.

Ornélia me conduisit vers un amas de roche. Plus nous nous en approchions, plus nous entendions un raclement sourd et régulier. Le frère d'Ornélia, une pelle à la main, était en train de déblayer tout un tas de gravier. Il nous tournait le dos, et ne s'aperçut de notre présence que lorsqu'Ornélia lui jeta un trognon de pomme dessus. Il se retourna dans un sursaut. Il était torse nu, et transpirait à grosses gouttes. De là où je me trouvais, je pouvais voir les mèches de ses cheveux bruns lui coller au front. Il se rendit compte que j'étais là et s'empressa alors d'enfiler une chemise. Je fronçais les sourcils. Ornélia n'avait aucun problème à se promener nue devant moi, mais son frère semblait plus réservé.

« Qu'est-ce que vous faites là ? » bougonna-t-il.

Le sourire qu'il avait eu en voyant Ornélia avait disparu dès qu'il m'avait vu.

« Je suis venue montrer... commença Ornélia, et elle s'interrompit soudainement : Je ne connais même pas ton prénom ! »

Son frère leva les yeux au ciel et se détourna pour se remettre à la tâche. Je l'observais un moment.

« Diana. Je m'appelle Diana. »

Le visage d'Ornélia s'illumina, mais celui de son frère restait obstinément tourné dans la direction opposé. Je fixais sa nuque.

« Qu'est-ce que c'est ? »

Je désignais le carré de terre au milieu d'un cercle de rochers qui atteignaient parfois les trois mètres de haut. A la place du sable, il y avait un mélange de terre et de mousse. Des marches avaient été grossièrement taillées dans la pierre. Une série permettait de descendre vers le carré de terre, la seconde d'atteindre un trou d'environ un mètre cinquante de profondeur. J'avisais le tas de gravats et la pioche, et en déduisis que le frère d'Ornélia avait tout creusé lui-même. J'étais assez admirative.

« C'est un potager, m'annonça fièrement Ornélia. Enfin, ça en sera un lorsque nous aurons résolu le problème de l'eau. »

Elle se lança alors dans un longue explication. L'hiver dernier, les parcelles déjà présentes s'étaient avérées insuffisantes pour l'ensemble des villageois. Seulement, c'était le seul endroit pour cultiver, les légumes ne poussant pas dans le sable qui entourait le village. Après quelques recherches et essais, ils avaient finis par mettre au point un mélange de terre, de mousse et d'engrais naturel dans lequel planter les légumes. Le sable avait été dégagé sur plus d'un mètre de profondeur, le trou tapissé de bois puis rempli de ce mélange. Afin de protéger les futurs plants de légumes, des piquets avaient été plantés en haut des rochers, soutenant de lourdes toiles. Restait le problème de l'arrosage.

« Le trou sera rempli avec de l'eau de pluie, mais c'est moins pratique que l'humidité naturelle de la forêt. Cela nous obligerait à porter des seaux jusqu'aux cultures. Nous cherchons un moyen plus rapide, et moins fatiguant. »

J'essayais d'avoir l'air intéressé, mais leurs petits problèmes de culture me passionnaient moyennement. Mon attention venait d'être attirée par un point brillant, au loin, derrière un amas de dunes. Je plissais les yeux, la main en visière.

« Qu'est-ce qu'il y a, là bas ? » Je fis un pas dans la direction.

Ornélia se mit aussitôt en travers de mon chemin. Je vis son frère plisser les yeux en direction du point brillant.

« Il n'y a rien là bas. » affirma Ornélia.

Son frère grimpa sur les rochers afin d'arriver à notre hauteur. Son visage s'assombrit. Je n'avais donc pas une hallucination. Je secouais la tête et tendis le doigt.

« Tu vois bien que si. Qu'est ce qu'il y a là bas ? »

Et je contournais Ornélia.

Ce fut son frère qui me barra la route. Je me heurtais à son regard vert et brun. Je reculais d'un pas et le gravier crissa sous la semelle de mes bottes.

« Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a rien de bien là bas. Ce sont des ruines. m'expliqua Ornélia. Nous n'y allons jamais. »

Son frère me regarda encore un instant, puis finit par se détourner : « C'est dangereux.

- C'est interdit. » renchérit Ornélia.

Et la discussion fut close.

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