Chapitre Vingt-Quatre

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« Les secours ne viendront pas. »


J'ignorais Orlan. C'était quelque chose que je ne voulais pas entendre.


« Diana, les secours ne viendront pas. Personne ne viendra. »


- Arrêtes, tais-toi ! Ferme-la ! hurlais-je. Tu dis n'importe quoi, tu n'en sais rien ! Tu ne sais rien du tout ! »


Seul le silence me répondit. Les autres occupants de l'immeuble s'étaient immobilisés pour me regarder, l'œil brillant de compassion. Je les haïssais pour ça.

Mes oreilles bourdonnaient. Et ce battement qui résonnait dans ma poitrine, c'était mon cœur qui se déchaînait.


« Les secours ne viennent pas. »


Orlan ne me regardait plus d'un air hostile. Il n'avait plus cet air curieux qui semblait le déchirer dans ses choix. Ses yeux affichaient tout le regret de quelqu'un qui a menti et qui s'en veut. Qui se sent désolé.


Je clignais des yeux pour chasser mes larmes.


« Les secours ne viennent jamais. Ils ne sont... jamais venus. » murmura Orlan en évitant finalement mon regard.


Que voyait-il, dans mes yeux, pour ne pas oser me regarder en face ? Samuel vint à son secours, en avançant vers moi. De la main il désigna les six autres personnes qui vivaient ici.


« Nous avons tous atterri ici, suite à un accident. Pour toi, c'était un dirigeable. Pour d'autres, un avion. Je suis ici depuis plus de trois ans, et pour certains d'entre nous, cela va bientôt faire dix ans. Personne n'est jamais venu nous chercher. »


J'ouvrais la bouche, sans émettre le moindre son. Mes jambes me semblaient engourdies. Est-ce que j'allais finir par tomber ? Je voyais nettement le visage de Samuel et celui d'Orlan, mais le reste me semblait flou. Je fermais les yeux pour ne plus voir la pièce bouger.

Personne ne viendrait. Personne n'était jamais venu. Si cette forêt était encore intacte, c'était parce que personne ne connaissait son existence.


« C'est... ce n'est pas... » bafouillais-je, la gorge serrée.


Orlan fit un geste dans ma direction. Je le voyais sans croire à ce que j'avais sous les yeux.


Je comprenais, à présent.


Devant mon regard furieux, il s'immobilisa. J'avais tenté de le pousser à bout en lançant des prédictions sur ce qui arriverait à son village dès qu'on viendrait me chercher. Il n'avait pas réagi, se moquant de mes promesses ridicules d'arbres réduits en poussière, parce qu'il savait que cela n'arriverait pas. Il m'avait menti. Lui, Ornélia, tous ceux du village, qui pas un seul instant ne m'avaient dit la vérité sur cet endroit. Ils m'avaient tous menti. Je hoquetais, sous le choc. J'espérais que ce qu'il lisait sur mon visage, dans mes yeux, c'était toute l'amertume et le ressentiment que j'éprouvais à son égard.

« Ce n'est pas... ce n'est pas possible. » Ma voix s'était réduite à un simple filet. D'une main je fis taire Samuel qui s'apprêtait à parler. « J'ai pris le dirigeable pour aller chez mes parents. J'ai fait ça... des dizaines de fois. Je connais le trajet par cœur. »


Il s'agissait de traverser une vaste et morne étendue désertique, des nuances de jaune, d'orange et de brun. Du sable et des rochers, un ancien lac à présent entièrement à sec, pour arriver à la ville-dôme où vivaient mes parents, à flanc de montagne. J'avais passé des heures à regarder défiler le paysage. Il n'y avait pas, il n'y avait jamais eu de forêt.


« Le dirigeable s'est écrasé non loin de la ville-dôme de mes parents. L'accident nous a peut-être déportés un peu plus loin, mais la ville-dôme... la ville-dôme n'est pas loin. »


Un écart de trajectoire aurait pu expliquer que je ne me souvienne pas de la forêt. Mais le regard de Samuel me fit craindre le pire. Il fit deux pas dans ma direction, réduisant l'espace qui nous séparait. Ce qu'il s'apprêtait à dire semblait le faire souffrir.


« En réalité... tu es arrivée. Il y a de fortes chances que cette ville soit celle où vivaient tes parents. »


J'entendais mal ce qu'il disait. Je ne comprenais pas. Du coin de l'œil, une femme se détourna, le visage dans les mains, en pleurant. Moi, je ne pleurais pas. Je ne comprenais pas. Samuel hésita un moment, en cherchant probablement les bons mots.


« Tu n'as pas fait un écart de trajectoire quand tu étais dans le dirigeable, souffla-t-il avec précaution. Tu as fait un bond dans le temps. »

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