La poule qui traversa la route
Allait-elle revenir de son périple ? Elle qui n’avait jamais quitté son poulailler s’embarquait dans une aventure dont elle pourrait ne jamais revenir.
Pourtant, il le fallait. Elle devait traverser cette route pour enfin comprendre. Ses comparses avaient essayé de l’en dissuader mais rien n’y faisait, elle avait pris sa décision : elle traverserait cette route.
Elle qui si longtemps avait accepté son sort avait enfin choisi de se révolter. Il fallait faire quelque chose. Du moins, il fallait essayer.
Tant d’années de soumission l’avaient endurcie. Ses plumes n’étaient plus aussi soyeuses, les jeunes coqs la regardaient moins mais elle s’en fichait. Il fallait qu’elle œuvre, cette tyrannie ne pouvait plus durer. Son plan avait muri pendant des semaines, elle ne dormait plus et s’était renfermée sur elle-même.
Il lui arrivait d’être agressive lorsque l’humain qui les nourrissait approchait. Elle voletait en criant autour de lui en lui assénant des coups de bec. Comment osait-il agir comme si rien ne se produisait ? Malheureusement, il ne semblait pas comprendre et l’écartait toujours d’un coup de pied.
Finalement, elle avait convoqué une audience devant le vieux coq, pater dominus du poulailler. Elle avait préparé son discours. On lui répéterait que les choses s’étaient toujours déroulées ainsi, que c’était un moindre mal et que cela assurait leur sécurité. Alors, soirs après soirs elle avait imaginé le déroulé de la séance et prévu un argument pour contrer chaque potentiel refus.
Elle avait présenté sa requête. Le coq l’avait écoutée attentivement et avait fini par céder devant tant de supplications.
Une vague de soulagement l’avait envahie lorsque sa demande avait été acceptée. Elle avait jeté un regard de défi à la foule qui assistait à l’audience. Un silence s’était abattu et elle avait traversé ce flot de plumes en affichant un air digne. Elle s’était dirigée vers le trou dans le grillage et avait hésité un instant avant de se ressaisir. Elle ne pouvait plus faire demi-tour. Elle avait franchi la barrière et rejoint la route. En face, se dressait le bâtiment où leurs poussins partaient chaque mois, rassemblés de force dans de petites cages. Elle découvrirait ce qui leur arrivait et les ramènerait tous.
A son retour, on chanterait la ballade de La Poule qui traversa la route.
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