1.2 La promesse

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Aussi étrange que cela paraisse, j’oubliais rapidement cet épisode. Je n’en parlais à personne. Kouma se remit rapidement et il continua de monter à cheval et à apprendre le métier des armes. Mais son bref passage au pays des morts l’avait rendu plus prudent, plus réfléchi : c’était comme s’il avait grandi subitement. On le dit bientôt grave et sérieux : il se retirait souvent en lui-même, plus contemplatif qu’il ne l’avait jamais été. Mon père était satisfait : pour lui, Kouma serait un grand roi. Dès qu’il eut passé le printemps, il quitta la maison, entrant en apprentissage chez un allié de mon père, afin d’apprendre les arts de la guerre et du gouvernement, mais aussi les usages des cours voisines. Mon père voulait tisser des liens entre les différents royaumes. Pour cela, il comptait sur ses enfants, et, notamment, sur mon frère et moi.

De fait, on parla bientôt de me marier. Des cent et quelques royaumes composant le pays, on se mit à envoyer des émissaires pour présenter à mes parents des partis honorables, sous la forme de jeunes braves et de princes. Mon père était un roi au prestige reconnu, qui gouvernait une terre riche et fertile. Sa mère, la grande prêtresse, protégeait le royaume grâce à ses oracles, qu’elle tenait d’une déesse bonne et vertueuse, Tamahime, la « princesse au joyau ». Chacune des paroles avisées qu’elle tenait de la déesse nous évitait un conflit avec nos voisins, et, jusqu’à présent, nous avions réussi à maintenir le Yamatai hors des tumultes de la guerre.

Mais mon père savait que sa mère, aussi puissante fût-elle, ne serait pas éternelle. Il lui fallait consolider son pouvoir avant sa disparition. Il avait eu plusieurs filles de ses nombreuses concubines et comptait les donner en mariage à chacun des rois voisins. Quant à ses fils, dont Kouma, appelé à régner un jour, il avait pour projet de leur faire épouser les filles de ces mêmes rois. Normalement, Kouma aurait dû épouser une prêtresse, mais mon père pensait que la seule façon de mettre fin aux guerres et d’unifier le royaume était de lier tout le monde par le joug du mariage. Dans l’idéal, il donnerait pour femme à Kouma une prêtresse fille de roi, mais il n’y en avait pas : il avait donc décidé de se contenter d’une simple princesse.

Je vous vois étonné. Vous vous demandez pourquoi c’est moi qui suis finalement monté sur le trône et non mon frère. C’est précisément ce que je vais vous raconter, car les choses ne se sont pas passées ainsi que mon père l’avait prévu. La vie nous réserve de ces surprises imprévisibles, qui font que notre court passage en ce monde ne se déroule jamais de la façon que nous imaginions. Cela, vos dieux venus du Sud vous le disent aussi, n’est-ce pas ?

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