15 ( Merci Sophie M Rigger ^^ )

10 minutes de lecture

Pendant que mon tajine aux olives cuit, je nettoie la maison de fond en comble.

Une fois chose faite, et le plat mis de côté, je m’affaire à la salle de bain pour être la plus belle qui soit pour celui qui m’est rendu ce soir. Je lisse ma cascade de cheveux noirs, me maquille mes yeux bruns en amande, et enfile ma plus belle robe MAJE.

Tout est prêt ! Mon portable affiche 18 h 30, je mets le plat à réchauffer et attends.

Quand la sonnette retentit, je sursaute. Le cœur battant à tout rompre, j’appuie sur l’interrupteur qui lui permet de rentrer dans l’immeuble. Je suis au rez-de-chaussée, je n’ai qu’à l’attendre sur le pas de ma porte. Lorsque Nabil se trouve devant moi, mon souffle se coupe. J’ai envie de le prendre dans mes bras, de l’embrasser, comme si nous ne nous étions quittés qu’hier. Comment fait-il pour avoir ce pouvoir sur moi ?

— Alya… Bordel, tu m’as tellement manqué, me dit Nabil en s’approchant de moi.

Comme s’il avait lu dans mes pensées, il me serre dans ses bras. Son parfum m’enivre. Je suis si heureuse.

Nous rentrons à l’intérieur de mon appartement et nous installons, directement, à table.

— Je suis contente de te voir, Nabil. Vraiment.

— Moi aussi. Quand j’ai vu ton like hier, je n’ai pas pu m’empêcher de t’écrire. C’est beau chez toi ! Tu as toujours eu bon goût, dit-il en regardant autour de lui, impressionné.

— Merci. Mais tu ne vas pas avoir de soucis avec ta femme ?

Je regrette directement cette question. J’ai l’impression de me placer moi-même au rang de potentielle maîtresse en donnant un titre à cette connasse.

— On s’en fout, Alya. On va pas commencer à parler d’elle. Je suis venue pour te voir.

— Ouais. J’ai fait le tajine que tu aimes. Enfin. Si tu l’aimes toujours…

— J’ai reconnu l’odeur en rentrant, me dit Nabil en me faisant un clin d’œil. Je l’aimerai toujours ton tajine, tu le sais bien.

Je lui souris et me lève pour aller chercher le plat encore brûlant.

— Tu es magnifique dans cette robe Alya, dit-il alors que je lui tourne le dos.

Pas peu fière, je lui lance mon plus beau sourire en revenant vers la table.

— Et voilà, monsieur.

— Ça sent super bon, et je meurs de faim !

— Ta femme ne te fait pas de bons plats quand tu rentres du travail ?

Les traits du visage de Nabil se durcissent.

— Alya, je viens de te le dire, je ne veux pas que l’on parle d’elle !

— D’accord, d’accord ! Pas la peine de t’enflammer !

— Je ne m’enflamme pas. Je te le répète une dernière fois, c’est tout !

Je me tais. Il reprends son repas, les traits tirés.

— Et sinon, raconte-moi un peu ta vie, Nabil. Tu deviens quoi ? dis-je pour briser la glace.

— Je suis vendeur chez Conforama, et pendant mes jours de repos, je fais de la livraison.

— Vendeur ? Toi qui voulais être commercial, je ne comprends pas.

— Je sais. Mais il a fallu que je bosse quand je me suis marié.

— T’as foutu ta vie en l’air pour un mariage que tu ne voulais même pas…

— Alya !

— Quoi ? Je t’ai soutenu, moi, pendant tes études ! Tout ça pour quoi ?

— Je sais.

— Tu sais ? C’est tout ce que tu as à dire ? J’hallucine !

— C’est comme ça, et c’est tout.

— T’es heureux ?

— Oui.

— Menteur !

— Tu veux que je te dise quoi, bordel ?

— La vérité. C’est tout.

Nabil lève les yeux de son assiette, mais son regard me laisse perplexe. Je n’y vois aucun sentiment à mon égard. Une douleur dans ma poitrine apparaît.

— Là, de suite, tu me saoules et je regrette d’être venu.

Il marque une pause.

— Voilà, ta vérité.

Je reste sans voix, ma colère monte. La douleur grandit.

— Tu pensais venir sans que nous parlions de tout ça ? De la façon dont tu m’as lâchée comme une merde. De comment je me suis retrouvé à la rue alors que je suis monté à Paris pour toi, Nabil ! Pour toi ! Et lorsque je l’ai fait, ma famille m’a reniée ! Reniée, tu comprends ! Je n’ai plus personne !

Nabil éclate de rire, je me sens humiliée. Je ne comprends pas sa réaction, mon cœur souffre.

— Tu te fous de moi ? Toute seule ? Toi ? Tu veux faire croire ça à qui ?

Je ne comprends pas où il veut en venir, je ne comprends pas ce qui est en train de se passer. Je ne reconnais pas celui qui se tient devant moi. Mon cœur s’effrite.

— Va au bout de tes pensées, je t’en prie !

— Je sais, ouais, je sais tout.

— Tu sais… quoi ?

Nabil affiche un sourire mesquin, une expression que je ne lui connaissais pas. Il pose ses couverts, plante ses yeux dans les miens, et approche son visage de moi.

— Je sais comment tu t’es payé tout ça. J’ai entendu parler de toi, ma chérie.

L’air me manque, une boule se forme dans ma gorge. Je comprends. J’ai envie de mourir sur l’instant. Tout, mais pas ça. Pas ça ! Je tente de rester digne, de ne rien laisser paraître.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Ouais bien sûr. Madame est une sainte. Laisse-moi rire !

Les larmes tentent de s’échapper de mes yeux, je commence à voir flou, mais je me fais violence pour les retenir. Rester digne, ne pas lui montrer mon désarroi, ma tristesse.

— Un de mes potes a été un de tes clients. Sur le coup, ça m’a fait mal, j’avoue. Savoir qu’il avait pu aussi te baiser. Que t’avais écarté les cuisses pour lui.

Ses yeux ne me lâchent pas, me scrutent.

— Allez, c’est bon, tu peux arrêter de faire semblant maintenant, l’Alya d’avant n’existe plus. Tu es une pute. Juste une pute !

— Je… Je…

— Ha voilà que tu bégaies en plus, se moque-t-il. Pas foutue d’aligner deux mots à la suite, mais pour l’ouvrir bien grande, là, tu sais faire.

Alors que j’étais si heureuse il y a quelques minutes, je sens maintenant une colère noire monter en moi. Comment ose-t-il ? Pour qui se prend-il ? Où est le Nabil de mes souvenirs ? C’est de sa faute si j’en suis arrivée à là ! C’est lui qui m’a entraîné là-dedans ! C’est son manque de courage face à sa famille qui m’a obligée à le faire ! C’est sa faute ! Entièrement de sa faute !

— Tu m’as laissé à la rue Nabil ! À la rue !

Son sourire, je souffre.

— Trouve-toi des putains d’excuses, si tu veux.

Je craque, je n’en peux plus.

— Qu’est-ce que tu fous ici, si je ne suis qu’une pute ? Hein ? Qu’est-ce que tu fous là ? Qu’est-ce que tu me veux ?

Toujours ce sourire, j’ai envie de le lui arracher.

— Tu veux la vérité ? Tu veux vraiment savoir pourquoi je suis venu ce soir ?

Non, je ne la veux pas. Je ne veux pas savoir, j’ai peur de ses mots, peur de la découvrir.

— Oui.

— C’est simple, très simple. Ma femme, elle, est une femme correcte. Elle. Pure. Pieuse. Bonne épouse. Bonne mère. Mais elle n’y connaît rien au sexe, et se refuse à tenter de nouvelles choses. Quand j’ai vu ton like hier, j’ai repensé à ton cul et à ce que mon pote m’a dit.

Le monde s’effondre autour de moi. J’ai si mal. Comment ai-je pu croire que… Que quoi ? Je ne suis qu’une idiote.

Mon Dieu, faites que tout s’arrête, que son sourire disparaisse, qu’il se taise.

— Il m’a raconté comment tu « faisais tout ». Comment il t’avait culbuté comme une traînée que t’es, comme la bonne pute que tu es. Et j’avais envie de la même chose, mais… gratuitement, tu sais, comme au bon vieux temps. Quand tu prenais ton pied et que t’en demandais encore et encore. Quand t’étais MA pute ! Parce que, bon, on va pas se mentir, tes tarifs sont pas donnés, ma belle. La voilà, ta vérité.

Face à mon silence, Nabil explose de rire, un rire gras qui m’insupporte, qui m’agace.

— Bon, au moins, j’aurais pas tout perdu. J’ai bien bouffé. Aussi bonne à la cuisine qu’au lit, lâche-t-il avec un clin d’œil, alors qu’il sauce son assiette avec du pain. Pour la gratuité, je peux me la mettre derrière l’oreille, je pense, non ?

Je ne parviens pas à répondre. Je suis sous le choc, je ferme les yeux, tente de me calmer. J’ai du mal à respirer. Mon cœur me fait si mal que j’en suis tétanisée.

— Combien alors ?

— …

— Putain, t’es chiante à faire ta sainte-nitouche ! Enfin, je suis pas peu fier dans le fond. Je t’ai dépucelée, je t’ai tout appris. J’ai dû être un putain de bon prof pour que tu puisses devenir une pro du cul maintenant. Je mériterais même d’être payé pour t’avoir appris à tendre ton cul et à recevoir comme une bonne petite chienne.

— …

— PARLE MERDE ! hurle-t-il en frappant sur la table.

Je sursaute.

— Je… je.. j…

— PARLE !

— J’étais à la rue ! Je crevais de faim et de froid !

— Sale petite menteuse, marmonne Nabil avec un air de dégoût. Arrête de te trouver de fausses excuses, t’as choisi de faire la pute parce que t’aime te faire baiser, c’est tout.

Une sensation étrange s’empare de moi. Ma tête me tourne, la pièce devient flou, plus de repères. Les images de nous deux avant défilent devant mes yeux, s’emmêlent à celles de mes clients.

« Pute. T’es qu’une pute. »

Comment ai-je pu imaginer qu’il n’en saurait rien ? Qu’il me revenait ? Où est le Nabil que j’aimais tant ? Celui qui me soutenait, m’aimait et partageait tout avec moi ? Mon Dieu, où est l’homme de ma vie ?

Je regarde son si beau visage. Il vient de me trahir, une deuxième fois.

Des vertiges me prennent, j’ai mal. Je sens mon cœur tambouriner dans ma jugulaire. L’angoisse monte. Je me lève et me rends jusqu’à l’évier, j’ai la nausée. J’ai envie de vomir. Ma peine, ma colère, une boule remonte dans mon œsophage, brûle mon larynx.

— Va pas te casser la gueule, ma femme ne doit pas savoir que je suis ici. J’appellerai pas les pompiers, hein.

Sa voix qui résonne derrière moi, son rire, tout me transperce comme un poignard.

Pourquoi ? Pourquoi est-il si méchant ? Pourquoi ne se tait-il pas ?

Je passe de l’eau sur mon visage.

Tais-toi ! Je respire lentement, j’inspire et j’expire. Tais-toi ! Je tente de retrouver mon calme. Tais-toi ! J’attrape le couteau qui se trouve sur l’égouttoir. Tais-toi ! Le cache sous ma robe. Tais-toi ! Et me remet à ma place. Tais-toi !

— Nabil…

— Oui.

Tais-toi !

— Tu voulais donc coucher avec moi ce soir ?

Il pouffe.

Mais tais-toi !

— Bah oui. Tu pensais que je venais pour quoi ? Me remettre avec toi ?

— Oui, c’est ce que j’ai cru…

— Bon, je te le concède, j’aurais dû le préciser quand je t’ai dit que je voulais te voir.

Il se moque de moi.

Tais-toi !

— Tu ne m’aimes plus du tout ?

— Alya, bordel. T’es conne ou quoi ? T’as pas remarqué que ça fait deux ans que je ne te calcule même pas ?

Tais-toi !

— J’ai tellement attendu ce jour où tu me recontacterais Nabil...

— C’est à cause de Rachid, là. Ce connard me vend du rêve quand il me parle de toi. J’avais la dalle, qu’est-ce que tu veux ? Tu croyais quoi ? C’est ton cul qui m’intéresse, rien d’autre !

Tais-toi !

— Je t’aime moi, Nabil. C’est pour ça que je suis resté sur Paris. C’est pour ça que j’ai fait… ça.

— Bah bien sûr. Tu as fait la pute parce que tu m’aimes, me répond-il, cinglant. T’es mon putain d’enfer, Alya. J’aurais jamais dû te toucher, bordel.

Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi !

Sans réfléchir, je glisse le couteau de sous ma robe, et dans un mouvement rapide, le plante dans son cou.

Je le retire. Il est sous le choc. Cherche son air. Palit.

Connard.

Je prends ce pantin désarticulé dans mes bras. Je souris. Je le caline.

— Tu as raison, mon cœur. Je suis ton putain d’enfer, je lui susurre près de l’oreille, tout en sentant son sang chaud couler sur ma poitrine.

Il me repousse mollement, pose ses mains à son cou. L’idiot tente d’arrêter le sang, ses yeux s’affolent. Il me fixe, ne comprend pas. Quel imbécile !

Je me lève, me dirige derrière lui, tire la chaise vers moi et le fais basculer au sol. Ses yeux sont exorbités. Je souris. Je ne peux m’en empêcher. Comme il est bon de le voir aussi minable, plus bas que terre. Alors qui est la pute de qui ?

Le couteau toujours dans ma main gauche, de ma main droite je descends son pantalon, ensuite son caleçon. J’attrape son sexe en main, et avec des mouvements de va-et-vient, je le sectionne lentement, millimètre par millimètre et pour finir, le brise en deux et l'arrache de toute mes forces. Il hurle. Chante pour moi.

— Chut mon cœur, chut.

Peu de temps ne lui faut pour tomber dans les vapes. Ou peut-être est-il mort. Je ne sais pas, et je m’en fous. Au moins, il ferme sa gueule.

Enfin le silence. Enfin il se tait.

— Je t'aime Nabil.

Je me dirige, nonchalamment vers la cuisinière, attrape une poêle, y dépose le sexe de ce connard, et le mets à griller.

Dommage que ça sente le porc…

Mais, au final, il aura eu ce qu’il voulait.

J’aurais sa bite dans la bouche ce soir.

Annotations

Vous aimez lire Marie Lune ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0