IV

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Donnie ne sut comment réagir. A aucun moment il n’avait songé trouver de tels indices. Peut-être aurait-il dû demander à Sam de venir… Brenda aurait détecté la présence du flic, même en civil.

Au lieu de ressentir une pointe de joie, son cœur se serra davantage. Il ne reconnaissait plus Rebecca. Il se pinça l’arête du nez et essaya de rassembler les informations. Pour une raison inconnue, sa sœur avait décidé de rentrer à Los Angeles. Il ignorait les raisons de son escale dans ce motel miteux, au lieu de rejoindre sa famille. Elle avait informé des amis – ses meurtriers semblait-il – de sa présence ici. Ou bien ils l’avaient suivie. La femme ne devait pas se méfier d’eux, sinon elle ne les aurait pas accueillis aussi chaleureusement. Et ensuite ? Ils étaient sortis pendant plusieurs heures, et vers deux heures, ils l’avaient tuée. Pourquoi donc ?

« Comment vous l’avez reconnue ? demanda-t-il soudain.

- Oh elle a laissé un pourboire généreux. Très généreux. »

Ses yeux porcins brillèrent d’avidité et il retint un commentaire acerbe. Le meurtre de Rebecca avait été très lucratif pour la gérante.

Une pensée se fraya un chemin dans son esprit et un fol esprit naquit en lui.

« Ses affaires sont encore dans sa chambre ?

- Bah non. Les flics m’ont dit qu’elle était morte, alors j’ai tout viré. »

Il se retint de hurler. Espèce de saloperie. Elle n’avait rien dit aux policiers, mais elle avait quand même débarrassé les lieux. Habile cette Brenda. Si les enjeux n’avaient pas été aussi énormes pour Donnie, il aurait sûrement félicité la réceptionniste. Il se retint de lui sauter à la gorge.

« Qu’est-ce que vous en avez fait ? gronda-t-il.

- Vendus, jetés, peu importe. »

Aucun respect pour les morts. Juste le profit, tout le temps.

Malgré tous ses efforts pour rester calme, ce dernier détail le rendit fou. La chance ne lui avait pas souri longtemps, il se trouvait à nouveau dans une impasse. Ces informations ne constituaient pas une vraie piste, jamais il ne pourrait retrouver ces hommes.

Son interlocutrice se contenta de hausser les épaules. Donnie eut la sensation qu’un barrage cédait à l’intérieur de lui, déversant toute sa haine. Il attrapa la femme par le cordon de ses lunettes et l’attira vers lui. De son autre main, il sortit un couteau de sa poche, et le pointa sous la gorge dodue de Brenda. Elle laissa échapper un couinement apeuré. Son tabouret menaçait de tomber et de la faire s’empaler sur le couteau, ses doigts bouffis la retenaient de justesse au comptoir.

« Tu n’auras pas le temps de sortir ton arme, je t’aurai déjà transpercée », siffla l’homme.

La tenancière leva sa main droite en l’air, alors qu’elle s’apprêtait à brandir le pistolet, caché sous le bureau, tandis que la gauche maintenait son équilibre précaire.

« Brenda, as-tu quelque chose de pertinent à me dire ? Un détail qui pourrait sauver ta vie ? »

Il entendit la déglutition de la femme. Une vague de dégoût l’envahit. Seuls quelques centimètres les séparaient, il pouvait sentir son souffle chaud, aux relents de tabac. Une pellicule de sueur recouvrait sa lèvre supérieure, où des poils blancs s’alignaient. Ses yeux, engloutis par des paupières tombantes, cherchaient désespérément un souvenir.

« Ils… Des tatouages. Ils avaient tous les mêmes tatouages. »

Donnie n’eut pas besoin de demander plus de précision, elle poursuivit :

« Sur les mains, une sorte de halo.

- Quoi ? »

Impossible de se représenter ça. L’adrénaline se fit moins intense. La rage diminua. Lui donnait-elle un vrai indice ? Il relâcha sa pression sur le cordon des lunettes et elle put se rassoir sur son siège, toujours menacée par l’arme, les mains en évidence.

« Dessine-moi ça. Le moindre mouvement suspect et je te plante. Alors sois sage, Brenda. »

Il pria pour que personne ne rentre dans le motel à ce moment-là, ou tous ses espoirs seraient foutus. Pourtant, l’aspect miteux du Doxie motel attirait peu de monde. La soirée n’était pas entamée, les clients arriveraient plus tard.

Elle acquiesça et arracha une page de bloc note avant de gribouiller dessus.

« La femme, elle avait ce tatouage aussi ? »

Nouveau hochement de tête. La bouche du gangster se fit soudain sèche. Il s’efforça de rester concentré. Les meurtriers avaient arraché la peau sur le dos des mains de Rebecca. Sûrement ces tatouages, qu’ils portaient tous, pour que la police ne les retrouve pas.

Brenda lui tendit la note, qu’il saisit d’une main tremblante. Il aurait aimé qu’elle ne remarque pas sa faiblesse, mais ses forces l’abandonnaient peu à peu. Ses nerfs en boule, la fatigue, la chaleur. Et la peur. Il n’arrivait plus à conserver son masque d’impassibilité.

Il crut que ce morceau de papier représenterait une avancée incroyable. La femme avait dessiné, avec maladresse, un cercle d’où partaient des lignes verticales, comme un soleil dessiné par un enfant. Elle le menait en bateau. Il exerça une pression sur le couteau. Des gouttelettes rouges perlèrent sur la peau blanche de la réceptionniste. Elle déglutit avec difficulté, les bajoues tremblantes.

« Tu te fous de ma gueule ? C’est censé ressembler à quelque chose ?

- C’est… Je suis désolée… Ça ressemblait à… à une auréole. Comme à l’église. »

Ces types avaient donc une auréole de saint tatouée sur chaque main ? Ces explications lui donnaient mal à la tête. Ce lien avec la religion, une nouvelle fois. La phrase glauque, inscrite sur le buste de sa sœur, maintenant ce dessin.

Il hésita à récupérer son argent, toujours aligné sur le comptoir, avant de décider que Brenda s’était déjà trop rempli les poches avec cette histoire. Il récupéra donc le post-it et les billets, avant de quitter les lieux.

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