Chapitre 12 : Trop jeune.

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Les filles se ruaient jusque dans leurs vestiaires, se réchauffant de leurs bras pour la plupart, frigorifiés.

L’odeur du chlore enivrait la pièce de laquelle s’élevait beaucoup de plaintes. Si certaines rechignaient du froid, d’autres se plaignaient de ne pas avoir prévues assez de serviettes. Le carrelage ancien se trempait de plus en plus, manquant de faire glisser la petite Nice qui se rattrapa au mur.

Faye lui fit de grands yeux, ayant eu presque aussi peur qu’elle pendant que Laure monopolisait le seul miroir de la pièce. Il avait beau être grand, elle se coiffait d’un air tellement sévère que personne n’osait accompagner son reflet. Par de petits coups de brosse, elle tentait de rendre le plus lisse possible sa très longue chevelure.


  • C’est pas une boucle qui va te tuer, maniaco, la poussa Faye d’un coup de hanche qui remua alors les siens pour leur donner encore plus de volume.

La brosse à cheveux à la main, Laure l’enferma un peu plus dans son poing et le desserra une fois que sa pulsion meurtrière fut passé. Elle reprit immédiatement sa place en poussant la rousse à son tour. Kimi enfilait difficilement son pantalon à cause de ses jambes moites, quand un cri strident lui glaça le sang.


  • Laisse vivre tes ondulations, c’est tellement plus joli ! s’exclama Faye qui s’amusait à la décoiffer.
  • Mes cheeeeeeeveuuux !! s’écria Laure qui se débattait, je vais te… Aaaah ! cria-t-elle en rage, trépignant sur place.
  • Oupsi ! lâcha Faye qui entreprit de se cacher derrière le tout petit corps de Nice alors qu’elle la dépassait de quelques têtes.

Seules les deux Richess et Kimi se permettaient de rire, les autres n’osant pas feindre un sourire de peur de s’attirer les foudres de la jeune Ibiss. En effet, la tendance maniaque de Laure, tant dans son organisation que pour son allure, s’avérait être l’un de ses plus grands défauts. Elle pouvait passer de l’ange au démon et de la sagesse à l’hystérie lorsqu’un détail la gênait. Il n’y avait que Faye pour oser s’en prendre à ses cheveux dont la couleur se voulait si symbolique de la famille Ibiss.

Très agacée, Laure recommença chaque mouvement précédemment fait pour que ces cheveux redeviennent parfaitement lisses. Elle glissa ses mains de part et d’autre de ses tempes pour glisser un serre-tête sur le haut de son crâne. Une grande inspiration plus tard et le sourire étincelant que tout le monde lui connaissait, réapparut. Elle pouvait alors devenir d’une courtoisie effrayante, essuyant le lavabo avec minutie et ramassant les serviettes tombées au sol.


Pendant que la Richess réclamait l’ordre, Kimi avait enfin réussi à ne faire qu’une avec son slim noir. Elle prenait toujours soin de se changer dos aux autres, dans un coin. Nice et Faye qui avait alors fini attendait patiemment sur les bancs à côté.


  • Je suis quand même la mieux gaulée de ce vestiaire, lâcha Faye qui déclara une guerre de comparaison d’attributs.

La rousse avait en effet de quoi rendre jalouse la plupart des filles présentent dans la pièce. Des éclairs jaillirent alors de sa plus grande rivale.


  • Que de plaisanteries, c’est moi bien sûr ! annonça-t-elle dans un grand rire triomphant.
  • Nan, c’est moi ! s’éleva Faye qui se montrait avec son propre pouce. Et tu n’es même pas en deuxième place, si je devais choisir, fit-elle en observant bien toutes ses congénères, Kimi te bats de loin !

La concernée se retourna que d’un quart. Elle utilisa le t-shirt qu’elle s’apprêtait à enfiler pour couvrir son buste. Laure l’analysa soudainement de haut en bas et releva son petit nez.


  • C’est vrai que t’es pas mal du tout, ma foi ! s’écria-t-elle en lui sautant dessus pour attraper sa poitrine.

Kimi sursauta et poussa un cri tandis que Laure agrippait ses seins entre ses griffes. Celle-ci n’eut le temps de lui lancer un petit sourire narquois que la blonde la dégagea d’un geste vif.


  • Aïe ! s’exclama Laure qui se tenait le poignet.
  • Ah je… excuse-moi, dit-elle d’un ton troublé tout en pressant le bout de tissu contre son ventre.

Très rapidement elle tourna à nouveau le dos aux filles et enfila son haut en deux trois mouvements. Les yeux vagabonds de Nice parcoururent la silhouette de Kimi qui agissait comme si elle avait quelque chose à cacher, pendant que Faye se gratter le nez. Laure s’approcha doucement et déposa une main sur son épaule, car son comportement lui paraissait étrange. Tout ce qui importait la blonde s'était qu'on ne "la" voit pas.


  • Tout va bien ? demanda-t-elle alors que Kimi se défit de son geste, par pur réflexe.
  • Oui, je… ça m’a juste surprise, j’avoue que je ne m’y attendais pas…
  • Non, c’est moi qui suis désolée ! Mais j’avoue que je n’aurais pas imaginé que tu sois aussi prude, fit-elle pour détendre l’atmosphère.
  • Ahah, lâcha-t-elle simplement et peu sincèrement.

Suite à sa réaction, les trois filles n’osèrent rien ajouter de plus, n’ayant pas l’impression de l’avoir connu si distante depuis la rentrée.

***


Faye et Nice s’avançaient dans le couloir pour gagner leur classe, la plus petite s’observant dans un miroir de poche. Elle se battait nerveusement avec quelques mèches rebelles. Au moment de rentrer en classe, elle s’aplatit d’autant plus les cheveux quand elles passèrent à côté des garçons.

Elle profita de la silhouette massive d’Alex pour se cacher derrière, mais à peine furent-elles installées que les deux Richess se retournèrent.


  • Pas trop dur la piscine, les girls ? Vous avez l’air exténuées ! s’exclama Selim qui remue le couteau dans la plaie.
  • Je ne vois pas de quoi tu parles, on pète la forme !
  • Tu frises, lâcha doucement Alex qui louchait sur une petite boucle au bout des cheveux de Nice.

De son air impassible, il enroula l’ondulation autour de son doigt et fixa Nice qui devenait toute rouge.


  • Ouïe, Alex, sujet sensible, le prévint Faye.
  • Pourquoi ? C’est très mignon, tu n’aimes pas ? demanda-t-il en l’observant toujours profondément.
  • N… Non, ce n’est pas joli, bégaya-t-elle alors que ses yeux remontaient vers Selim qui lui ne pouvait s’empêcher de dévisager son ami.
  • Tu devrais essayer de les boucler une fois, qu’est-ce que tu en penses ?
  • Depuis quand tu es aussi intéressée par la coiffure, lâcha Faye, va draguer quelqu’un d’autre ! ajouta-t-elle en capturant son amie de ses longs bras. Mais si tu veux, je peux essayer de te les boucler ? Pour la fête ! Ce serait une super idée !
  • Ah, je ne sais pas… je ne veux pas les abîmer et puis ça ne m’irait pas…
  • Mais si, j’en suis certaine !
  • Hum, mais la fête, je ne sais pas si je pourrais y aller…
  • Pourquoi tu ne pourrais pas ? s’attrista Faye, il suffit d’inventer un bobard ! Tu dis qu’on a un travail à rendre et que c’est formatif, comme ça…
  • Je n’aime pas mentir à mes parents, répondit-elle timidement, et puis, je suis trop jeune…
  • Oh, c’est vrai, mais, s’arrêta la rousse pour réfléchir.
  • N’aie crainte, ce n’est qu’une petite fête et nous serrons à tes côtés, la rassura Alex qui se saisit de sa main pour y glisser un baiser.
  • Tu es bête, esquissa-t-elle alors un sourire.

Alex lui lâcha un petit clin d’œil avant de se retourner sur sa chaise, le professeur demandant leur attention. Nice pouffait de rire en se remémorant son beau geste, mais l’angoisse revint immédiatement. L’idée de la fête la tracassait tellement qu’elle ne vit pas la mine renfrognée que Selim portait. Il tapait très vite sur les touches de son téléphone qu’il dissimulait derrière son banc :

  • Tu joues à quoi là ? écrit-il à l’égard de son voisin de table.
  • À propos ? répondit-il aussi évasivement que dans la vie réelle.

Pendant qu’il bouillonnait en écrivant la suite du message, Alex l’observait du coin de l’œil et déposa sans discrétion son téléphone sur la table. Il se pencha vers Selim dont le visage affichait plus que de la contrariété.


  • Tu abuses, Alex, trouve-toi quelqu’un d’autre, marmonna-t-il très bas.
  • Je t’ai juste montré l’exemple, maintenant à toi de jouer, rétorqua-t-il sur un ton quelque peu amusé.
  • Tu sais bien que c’est pas possible, je comprends rien à cet exercice, couvra-t-il, car il parlait un peu plus fort.
  • Hum, répondit-il simplement en haussant les épaules.

La nouvelle qu’une fête aurait lieu le vendredi soir arriva très rapidement aux oreilles des étudiants de Saint-Clair. Puisque les organisateurs qui se cachaient derrière une ou deux figures majeures n’avaient que quinze ans, la limite d’âge fut posé à ce chiffre. Si pour la plupart des élèves de troisième il s’agirait d’une toute première sortie, les Richess possédaient une longueur d’avance.

Qui de Kyle ou de la nouvelle était venue en premier ? Telle était la question, mais ce dernier s’amusait particulièrement avec la petite Nice durant le repas de midi.


  • “Est-ce que j’y vais ou est-ce que je n’y vais pas ?” parla-t-il à sa place alors qu’il appuyait son menton sur le rebord de la table, accroupi au sol.
  • Arrête ton char Kyle ! s’exclama Selim qui n’en pouvait plus de sa présence.
  • Dis dont mon coco, c’est étrange que tu prennes autant sa défense...
  • Quoi ? Mais non, balbutia-t-il.
  • Il y a anguille sous roches, ça mériterait une petite enquête.

Les deux concernées n’arrivèrent à répondre quoi que ce soit, Nice avalant de travers son riz et Selim marmonnant de faux arguments.

  • Pourquoi tu n’irais pas ? demanda doucement Kimi qui avait l’impression que la petite l’évitait au maximum.
  • Je n’ai que quatorze ans, répondit-elle, étonnée.
  • Eh oui, la mignonne a sauté une classe si c’est ce que tu te souhaites savoir ! Demanda moi n’importe quoi sur quiconque dans cette école et je peux te répondre, à moindre coût si c’est une petite information, un peu plus…
  • Va faire ton business ailleurs ! s’énerva alors Selim qui n’attendait que de pouvoir le remettre à sa place.
  • Oh, mais je m’amuse beaucoup trop ici avec vous les choupinous !
  • Rah, t’as pas de copine où quoi ? Tu dois vraiment être seule au monde pour passer ton temps à emmerder les gens ! s’exclama Kimi à son tour.

À sa grande surprise, l’ensemble de la table des Richess éclata de rire, mais elle n’aurait su dire si c’était parce qu’ils avaient trouvés vraiment ça drôle ou s’il y avait une autre raison derrière ces éclats. Sky portait pourtant un sourire en coin satisfait, voir plutôt impressionné de sa répartie.


  • Une copine, rit de bon cœur Faye à en sécher une larme.
  • Chérie, chérie, chérie ! Je suis gay, s’en alla Kyle en pointant le nez de Kimi d’un doigt. Alors non, je n’ai pas de copines, mais j’aime bien les beaux mâles, genre grand brun, yeux verts, une peau parfaite, avec tout ce qu’il faut ou il faut et notamment dans le pantal…

Pendant qu’il faisait la description de son idéal masculin, les yeux de Kimi parcoururent Sky de haut en bas. Elle comprit qu’il ne s’agissait que d’insinuation de la part de Kyle. Celui-ci fit le tour de la table rien que pour s’accrocher au cou du roi de Saint-Clair, déposant un bisou sur sa joue. Sky rechigna et l’envoya paitre, ce qui les sauva de sa présence. Faye essayait toujours de convaincre Nice de venir à la fête.


  • Et toi ? Tu viendras ? demanda Laure à Kimi.
  • Il faut que je pose la question à Dossan, enfin à mon père, se reprit-elle quand elle vit ses yeux s’arrondirent.
  • Tu ne l’appelles pas papa ? lui échappa.
  • Ah, non, ça dépend… Hum, je peux avoir les infos pour la fête ? Je vais essayer de le convaincre, continua-t-elle.
  • La fête est organisée par Davis, c’est un ancien étudiant de Saint-Clair et il fait partie du comité des fêtes dans une des universités affiliée à notre école ! C’est lui qui nous couvre puisqu’on n’a pas trop le droit de faire ce genre de choses, dit-elle d’un ton légèrement excité.
  • J’avais juste besoin des heures et de l’endroit, tu sais, pouffa Kimi.
  • Oh, je m’emballe vite !

Pendant que les filles riaient de bon cœur, Kimi pensait déjà à la manière dont elle aborderait le sujet avec Dossan. En réalité, il y avait bien plus de chances qu’il soit pour que contre. Ces mots au téléphone la confortèrent dans ses pensées.


  • Une fête ? Bien sûr que tu peux y aller ! Mais je veux que tu fasses bien attention à ne pas trop boire d’alcool et aux garçons, tu es une jeune fille…
  • Dooooo’, je serais accompagnée donc…
  • Finalement, tu sors avec des amis ? Est-ce que tu me les présenteras ? J’aimerais connaître un peu les personnes qui ont réussi à passer tes barrières.
  • Ne tourne pas ça de cette manière ! Et c’est simplement des gens de ma classe.
  • D’accord, d’accord, mais du coup je suis avec Leroy là, je lui avais dit que tu viendrais ce week-end, comment fait-on ?
  • Tu es avec Leroy ? Comment il va ? J’ai pas de nouvelles, est-ce que tu peux me le passer ?

Après quelques secondes où Dossan parlait loin du téléphone, elle eut sa réponse. L’autre personne qui l’accompagnait au bout du fil ne voulait pas lui parler. Tristement Dossan lui souhaita de s’amuser à cette soirée, lui répétant mille fois de faire attention à ses arrières.

Quand il décrocha, il hésita longuement à ajouter quelque chose au garçon qui résidait sur l’appui de fenêtre de la vieille pièce dans laquelle ils étaient. Le tout jeune homme brisa le silence, jetant un regard par-dessus les bras qui couvrait à la fois ses genoux et la moitié de son visage.

  • Elle nous a déjà oublié, souffla-t-il.
  • Ce n’est pas vrai Leroy, ce n’est pas vrai, répéta-t-il.
  • Si ça l’est ! Même pas un mois avec les riches et elle nous remplace… ça ne vaut même pas la peine de continuer la procédure ! s’écria-t-il, montrant alors l’entièreté de son visage qui semblait poussiéreux de la crasse qui résidait en cet endroit. Je ne veux même plus la voir, grogna-t-il en se levant.
  • Leroy, attend…

BAM !

La porte claqua à la fuite du jeune garçon, Dossan s'attristant et restant seul dans cette vieille pièce froide en bois.

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