Chapitre 14 : La fête - Partie II.

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Nice sentait son corps chavirer de gauche à droite et sa tête vaciller contre le mur de la cabine.

Elle avait l'impression de se retrouver sur le bateau qu'ils avaient pris vers York durant son premier voyage scolaire à Saint-Clair. Les vagues soulevaient son estomac, nauséeuses et une migraine attaquait ses tempes.

Haletante, elle se revoyait longer les couloirs, tâtant d'une main le velours des parois. Un relan menaçant de sortir de sa gorge, elle se plia en deux pour se tenir le ventre. Des gouttes de sueurs dégoulinaient de son front et son souffle devenait cours : elle avait le mal de mer. L'odeur âcre et les mouvements du bateau la rendait malade. Comment survivrait-elle au voyage ? Recroquevillée sur elle-même, seule, une main vint la sortir de sa transe.

  • Ça ne va pas ? J'ai un médicament si tu veux, lui tendis la main bronzée.

Elle n'arrivait pas à ouvrir le comprimé avec ses doigts tremblants. Le garçon lui reprit.

  • Laisse-moi faire, fit-il en arrachant l'emballage. Tiens. Nice ? Regarde-moi, ça ira mieux en fixant un point…

Prudemment, elle releva les yeux dans ceux de son sauveur et s'y perdit instantanément. Magnifiques, tirés en amande, d'un brun de la même couleur. Elle cacha rapidement son visage rouge de honte.

  • Tu veux essayer de te relever ? Prends ma main, lui donna-t-il.

Son ventre se noua d'autant plus quand elle sentit sa paume contre la sienne. Tant ses mains que ses jambes tremblaient et elle n'osait le regarder. Une vague fit tanguer le bateau vers la droite. Selim la rattrapa quand elle perdit l'équilibre, tombant nez à nez avec toute sa rougeur.

  • Ça va ? déglutit-il, alors qu'il maintenait encore l'épaule à laquelle il s'était raccrochée.
  • Ou..oui, bégaya-t-elle.

Les couloirs donnèrent l'impression de danser, jouant avec les pieds de ceux qui prenaient le risque d'y rester. Cette fois, il se rattrapa à sa taille et plaqua une main contre le mur dans la panique. Nice réfugiait son visage sur son torse, alors incapable de le regarder à nouveau.

  • Excuse-moi, balbutia-t-il à son tour.
  • Non, c'est moi…
  • Ahah, rit-il nerveusement, quelle situation. Si on nous voyait, ce serait un scandale, ajouta-t-il en replaçant une de ses mèches de cheveux.
  • Mais nous sommes seuls, dit-elle alors avec le courage de relever son visage.

Pendant un instant ils se regardèrent, louchant sur les lèvres de l'autre. L'expression de Selim s'attendrit, presque émerveillé quand Nice serra soudainement son bras.

  • Je vais vomir ! le poussa-t-elle violemment, évitant de justesse que la catastrophe ne tombe sur ses pieds.

La douleur dans son ventre ne passait pas. Quand elle émergea, ce fut la tête au-dessus des toilettes. Elle reprit ses esprits, des larmes dans les yeux et se laissa tomber contre la porte de sa cabine. Ce souvenir était trop douloureux. Chancelante, elle tenta de s'accrocher à tout ce qu'elle trouvait pour sortir hors des toilettes. Au passage devant les miroirs, son reflet lui apparut flou. Soif, elle mourrait de soif et le bruit qui venait de la piste de danse frappait ses oreilles. Elle ne se rendit même pas compte qu'un groupe de filles la snoba dans le couloir. Elle s'y arrêta, incapable de faire un mouvement de plus. Il n'y avait personne pour la sauver. Selim devait danser comme un fou au même moment.

  • Ça va ? lui parvint une voix.

Son cœur s'accéléra, puis s'arrêta quand elle vit deux garçons plus âgés qu'elle, lui faire face. Tétanisée, elle ne bougea pas d'un poil quand le premier se mit à jouer avec le pointe de ses cheveux. Sa paire d'yeux sombres, à moitié fermé parcoururent avidement le petit corps de Nice.

  • Mec arrête, c'est une Richess, fit le deuxième.
  • Raison de plus, nan ? Ils nous baisent à chaque occasion… Allez, rentre là-dedans !

Il la poussa jusque dans les toilettes des hommes.

  • Mec…
  • Tais-toi et monte la garde !
  • Arrête, essaya-t-elle de se débattre.

Le grand garçon posa un doigt sur ses lèvres, l'ordonnant de garder le silence. Nice tremblait pendant qu'il commençait à caresser sa cuisse. Très vite, il ouvrit son pantalon. Elle n'avait pas la force se débattre et il couvrit sa bouche facilement. Tandis qu'il la retournait contre le mur, des larmes se dessinèrent dans ses yeux. L'image de Selim lui apparut, troublant d'autant plus sa vue.

C’est son nom qu’elle appela à l’aide :

  • Stop ! réussit-elle à crier, non ! Se… Selim !

D’un coup de pied, une des cabines des toilettes s'ouvrit violemment. Alex en sortit, laissant une fille à moitié nue derrière lui. Il fixa avec fureur le garçon qui retira immédiatement ses mains de Nice. Celle-ci se laissa tomber à terre, perdant toute force dans ses jambes. Doucement, Alex s'approcha du gars pour l'empoigner. Il colla son front brutalement au sien.

  • Dégage, rugit-il, toi aussi, ajouta-t-il à l'égard de la fille qui se rhabillait dans la cabine.

Enfin seuls, Alex se mit à genoux pour aider Nice à se relever. Elle tremblait comme une feuille, à la fois choquée et soulagée qu’il l’ait arrêté.

***

  • QUI à fait ça ?! Dis-moi c’est qui ! s’écria Selim, si fort que plusieurs personnes proches l’entendirent par-dessus la musique.
  • Doucement, je ne pense pas qu’elle veuille que ça se sache, le reprit-il en l’attrapant par les épaules. Ce n’était pas quelqu’un de Saint-Clair, il a dû prendre la fuite…
  • Et tu n’as rien fait ?! Pourquoi tu l’as laissé partir… Putain Alex ! Si ça avait été moi, je l’aurais… Putain, je l’aurais TUER !
  • Ça aurait empiré la situation de créer une bagarre…
  • Tu crois ?! Si tu n’avais pas été là, ce mec… Il s’en serait donné à cœur joie ! Tu penses qu’il se serait passé quoi ? Hein ?!
  • Je sais, mais j’étais là…
  • C’est du viol, Alex !
  • Je te dis de te taire ! s’énerva-t-il à son tour, le secouant pour qu’il reprenne ses esprits. Je sais très bien ce que c’est, recommença-t-il doucement, tu penses qu’on ne va rien faire ? Il y a des caméras de surveillance, on va déposer plainte et ce mec sera puni. Nice est une Richess, ils ne pourront qu’accéder à sa demande. Seulement, les caméras pourraient révéler d’autres choses…
  • Tu penses vraiment que c’est le moment de nous soucier de notre image ?!
  • Nous apparaissons tous sur ses vidéos et il ne vaudrait mieux pas que nos parents, ou pire, que les anciens tombent dessus… Donc on va y réfléchir à tête reposée après la soirée, ce n’est pas le moment pour en parler. Selim, insista-t-il en le voyant se rebuter, pour l’instant, la seule chose que tu peux faire c’est aller la voir.

Les deux garçons regardèrent en direction d'un coin de la boîte. Nice était finalement entre de bonnes mains, avec Faye qui ne cessait d'essayer de la faire rire. Elles étaient assises toutes les deux sur un rebord à l'écart. Selim détourna les yeux.

  • Je ne peux pas, je suis trop en colère… Elle n'a pas besoin de ça, ou de moi, ajouta-t-il face au silence de son ami.
  • Après un tel événement, elle a plus que besoin d'une figure masculine et rassurante à ses côtés…
  • Vas-y, toi, tu es plus calme que moi, insista-t-il.
  • Non, répondit-il d'un ton catégorique. Tu sais, je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il se passait parce que j'étais moi-même occupé et c'est quand je l'ai entendu dire ton prénom que j'ai réagis. C'est toi qu'elle a appelé en premier, peu importe ce que ça signifie, vas-y, l’obligea-t-il d’un tapotement sur ses fesses.
  • Je… vais lui prendre de l’eau d’abord…

Il ne s’agissait que d’une excuse pour ralentir le moment où il se dresserait devant Nice. Timidement, il se rendit jusqu’aux filles, le verre d’eau à la main comme prétexte. Elle avait le contour des yeux encore rouge de ses larmes et injecté de sang à cause de l’alcool. Elle restait belle et mignonne. Comment quelqu’un pouvait-il vouloir faire du mal à une fille comme Nice ? La rage remonta jusque dans ses crocs et dans son poing qui serrait sa boisson. Il lui tendit simplement et pris place à côté, sans rien dire. Faye s’écarta et les quitta entièrement quand Alex lui fit signe de la rejoindre.


  • Ils sont mignons, constata-t-elle d’un dernier regard.
  • C’est toi qui a servi Nice ? Son verre ? lui demanda-t-il d’entrée de jeu.
  • Yes ! Je lui ai fait un petit mélange, Passoa et jus d'orange, c'est trop-bon ! Tu sens à peine l'alcool, mais c'est aussi très traître, gloussa-t-elle en déposant sa main sur sa bouche.
  • Faye, dit-il d’un ton sec.
  • Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? Attends, ralentit-elle en comprenant de quoi il l’accusait.
  • Est-ce que tu te rends compte des conséquences ? fit-il en la prenant un peu à part.
  • Attends, vraiment… tu ? Tu dis que c’est ma faute ? s’outra-t-elle.
  • Ce n’est pas ce que j’ai dis, mais tu aurais pu éviter de lui donner de l’alcool…
  • Je voulais juste qu’elle se détende ! Je ne… ne me regarde pas comme ça ! Tu insinues que j’ai voulu lui bourrer la gueule ?
  • Peu importe les attentions, elle n’avait jamais bu, pas une goutte, répondit-il séchement. Alors non, tu n’aurais pas dû lui donner ce verre. Elle était bien trop jeune pour ça, ajouta-t-il d’un ton encore plus catégorique.

Faye recula sur ses hauts talons et croisa les bras, les mâchoires ouvertes.

  • Et moi alors ? Excuse-moi, mais je n’ai que quinze ans ! Je ne peux pas tout gérer !
  • Non, tu n’as pas seulement quinze ans, aucun d’entre nous, s’agaça-t-il. Nous sommes des adultes dans des corps d’enfants, et Nice est de loin la plus mature d’entre nous. Par contre, pour le sexe et l’alcool, c’est encore une novice. Est-ce que c’est si compliqué d’avouer que tu as eut tort ?
  • Et toi pour qui tu te prends ? C’est l’alcool qui te rend si démonstratif, monsieur “sans émotions” ? rétorqua-t-elle en envoyant valser ses cheveux en arrière.
  • On se protège les uns et les autres ! C’est ce dont on avait convenu non ? Non seulement pour survivre à ces lois, mais aussi pour ce genre de situations. Faye, tu as…
  • Tu insinues que je ne la protège pas ? C’est ma meilleure amie ! Et toi, tu es qui pour Nice ? Parce que Monsieur était là au bon moment, il revendique tout d’un coup son amitié avec elle ? Ou alors t’es amoureux ? pestiféra-t-elle, reculant de dégoût.
  • Je n’aime personne, sauf les femmes en générales… et toi tu es vraiment une gamine.

Alex lui lança à son tour un regard de mépris et lui tourna le dos. Elle était bouche-bée et offusquée par ses propos. En cet instant, la seule chose qui pouvait l’aider à décompresser fût un bon verre d’alcool, n’importe lequel. Accoudée au bar, elle marmonnait dans ses dents tandis qu’elle se délectait de sa boisson. À côté d’elle, un garçon avec la vingtaine eut le courage de l’aborder.

  • Alors chérie, c’est le petit Stein qui te met dans cet état ?
  • Davis, s’étonna-t-elle de voir l’organisateur de la fête. Comment vas-tu ? Tout se passe bien pour toi ?
  • Moi oui, par contre, toi, tu n’as pas l’air dans ton assiette, je me trompe ? lui demanda-t-il en se rapprochant un peu plus de son visage.
  • Laisse tomber, cette soirée est pourrie et Alex vient juste d’enterrer tout amusement !
  • Ah ouais ? Tu sais, commença-t-il en jetant des coups d’œils furtifs autour d’eux, j’ai de quoi l’améliorer ? chuchota-t-il en lui montrant un sachet plastique qui contenait des pilules colorés. Ecstasy, tu connais ?
  • C’est de la drogue, s’abasourdit-elle.
  • De la drogue qui rend heureux, à ton avis pourquoi il y a un smiley sur les pilules ? Tu veux essayer, c’est cadeau de la maison.

Tout deux à un coin du bar, il la fixait dans les yeux, comme pour la convaincre davantage. Elle répondit à son sourire en coin, par une hésitation, puis par un rire. Elle leva les yeux aux ciel et se mordit ensuite la lèvre. En quelques gestes, le comprimé se retrouva dans son verre, puis dans le fond de sa gorge. Quelques minutes plus tard, c’est la langue du garçon qui la gagna.

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