Songerie d'une nuit

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À ta fenêtre, tu comptes les kilomètres.

Un, deux, trois, quatre...

Peu importe s'ils sont des centaines à vous séparer. Tu feras l'aller-retour dans la soirée, en pensées. Tu regarderas la pluie tomber, tu laisseras tes yeux se fermer et, malgré la brume en face de toi, l'aurore t'inondera. Un parfum d'éphémère montera de la terre. Quelque chose d'acide, de brûlant, de glacé projettera ses ombres sur la chaussée.

Tu l'imagines là, avec ses chaînes et ses boulets, ou ailleurs, plus proche de toi, avec ses rêves et ses idées. L'hiver a gelé la pelouse, il a réchauffé ton cœur. Si le froid n'étouffe pas les flammes dont il est embrasé, un semblant de chaleur achèvera de le calciner.

Dehors, des promeneurs solitaires, cœur de verre, cœur de fantôme, sillonnent les trottoirs, capuche rabattue sur la tête et écouteurs enfoncés dans les oreilles. Toi aussi, tu aimerais de la musique. Tu voudrais danser — si tu savais. N'importe quoi pour oublier la solitude et l'absence.

Tu griffonnes dans ton carnet, il semble que cela suffise, mais les larmes raffluent à la manière d'un tsunami. Ta propre tempête éclate et meurt en ta poitrine. Les vagues et les rafales se déversent sur le papier en souffles d'encre et de colère. Les digues se brisent une à une, avec les verres, les espoirs et les cœurs. Tu tombes à genoux sans tendre la main vers l'avant parce que personne ne s'en saisira.

Tu es seul avec tes mains, et tu ne sais pas quoi en faire. Tu es seul avec toi-même, et c'est presque pire que d'être seul face aux autres.

Tu t'assois sur le rebord de la fenêtre et tu pleures parce que même les étoiles ne t'empêchent pas de craindre l'obscurité. Tu ne sais plus très bien quel est ce sentiment qui te fait sangloter, mais tu espères qu'il disparaîtra ce matin pour te permettre de sourire jusqu'au soir. De sourire, c'est surtout le sien que tu aimerais voir. Tu voudrais lui mettre un stylo entre les mains, un carnet sous les yeux, t'assoir à ses côtés et lui dire pourquoi, en quoi ses mots ne sont pas vains. Mais vous ne partagez pas les mêmes rêves ou, si tel est le cas, vous ne vous souvenez plus au réveil de vous être rencontrés en songes.

Peut-être que vous menez des vies parallèles et, dans l'une d'entre elles, vous redessinez l'univers. Vous êtes un peu maladroits, toutes ces couleurs mélangées n'ont pas vraiment de sens, ne disent rien de particulier sinon combien vous vous aimez.

L'aube est levée, toi pas encore. Dans quelques minutes, le réveil sonnera ; tu te réveilleras et la journée commencera. Mais, pour l'heure, tu dors encore. Et, même si la nuit s'est dissipée, dans ton sommeil léger, tu n'en as pas fini de compter les kilomètres.

Sept-cent-quatre, sept-cent-cinq, sept-cent-six...

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