Je vois la mer en grand

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Après plus d’une heure de conduite assez monotone, je quitte l’autoroute pour prendre la départementale qui me rapproche de l’océan. La campagne laisse progressivement place aux falaises de bord de mer. Nous sommes en milieu de matinée et le soleil est maintenant assez haut pour se refléter sur les flots et inonder l’horizon de lumière.


J’ai retrouvé l’adresse de la maison de sa grand-mère dans un vieux SMS échangé avec Jessica. Heureusement que je garde tout !

Elle est située dans le village de Ploubelac. Je le traverse lentement en observant les petites maisons en pierre et en crépi blanc. En passant devant la place de l’église et le bar-tabac-épicerie-coiffeur fermé ce dimanche, je me félicite d’habiter dans la capitale et non dans ce trou paumé !

La maison est à la sortie du village. C’est une demeure de deux étages, assez étroite mais cossue avec un toit pointu. Les murs sont blancs et les volets bleus pour rappeler les couleurs des falaises et de l’océan. Elle semble entourée d’un petit jardin dont je ne distingue que la haie qui l’entoure. Je me gare sur le trottoir pour garder une certaine distance.

Pas de voiture de Jessica sur les cailloux blancs devant la maison, ce n’est pas bon signe. Je sonne quand même.

Tout à coup j’entends une voix forte sur ma droite :


— C’est pour quoi ?


Je me tourne et distingue une ombre à l’entrée du jardin surplombant la haie. Je suis complétement ébloui par le soleil.


— Vous osez vous pointer ici, vous ne manquez pas de culot après ce que vous avez fait à Jessica !


Je reconnais la voix de sa grand-mère. Mais même en mettant ma main en visière, je la distingue à peine. Elle a un chapeau de paille et semble être en pantalon et en chemisier mais je n’en suis pas vraiment certain. J’essaye de jouer profil bas, vu les circonstances :


— C’est justement pour m’excuser que je suis là. J’ai agi comme un imbécile ! (le peu que je l’ai vue, je sais qu’il vaut mieux que j’évite les gros mots avec sa grand-mère !)

— Ça, je ne vous le fais pas dire jeune homme. Pour avoir fait pleurer ma petite Jess, vous mériteriez que je vous donne un bon coup de râteau !


Et elle lève le bras pour que je vois bien le râteau qu’elle a dans la main et qui était dissimulé par la haie !


— Je comprends. J’ai été dépassé. Tout cela est allé tellement vite. Mais oui, je veux vivre avec elle, c’est elle que j’aime.

— C’est bien gentil jeune homme, mais ce n’est pas à moi qu’il faut le dire !


Et en entendant sa petite pointe d’accent, je me souviens tout d’un coup qu’elle est d’origine polonaise. Oh mon dieu, la « grande polonaise brillante », c’est elle !

Surtout ne rien faire pour aggraver la situation ! Je ne sais pas ce que mon sortilège me réserve cette fois ? Vais-je me retrouver à me battre avec elle ?


Je suis pétrifié.


Voyant mon très grand désarroi, et même si je ne distingue pas les traits de son visage, j’ai l’impression que la mamie s’attendrit un peu :


— Malheureusement pour vous, elle est partie en ville pour la journée. Mais je lui dirai que vous êtes passé. Je ne pense pas que ça change grand-chose sur ce qu’elle pense de vous mais sait-on jamais ?


Je suis toujours tétanisé à l’idée d’avoir une parole malheureuse.


Je peux accepter de ne pas voir Jessica mais je ne peux pas accepter de ne pas savoir si j’ai encore une chance avec elle ou pas. Surtout après avoir fait toute cette route. Du coup, je me lance quand même :


— Je vous remercie Madame, je ne veux pas abuser mais puis-je vous demander si elle est seule ou avec quelqu’un ?

— Ah les hommes, vous ne manquez pas de culot ! Parce que vous passez votre temps à nous tromper, vous pensez que nous en faisons de même. Mais non, le seul responsable de la situation c’est vous et personne d’autre !


D’un côté, je me dis que j’aurais mieux fait de me taire et de l’autre, je suis rassuré de savoir qu’elle n’est pas avec « lui ».

Je reprends la route, partagé entre la déception de ne pas l’avoir vue et la satisfaction qu’elle soit seule et qu’il ne me soit rien arrivé de dommageable avec la « grande polonaise brillante ».


N’ayant pas besoin de reprendre de l’essence avant d’arriver près de chez moi, je peux me concentrer sur mon rendez-vous du soir sans craindre d’élément perturbateur.


Je rejoins le collègue de Sam dans le bar d’un hôtel que je connais bien et dans lequel il n’y a pas de musique. Après deux heures de négociations dans une ambiance faussement détendue, nous tombons d’accords sur un montant. J’ai dû faire un peu plus de concessions que je ne l’aurais voulu mais j’ai ma lettre d’intention signée !


Même si je n’ai pas atteint tous les objectifs de ma journée, notamment avec Jessica, je suis plutôt satisfait. Je suis épuisé et je rêve d’aller me coucher après ce week-end très actif, mais il faut que je prépare mon rendez-vous de demain. Il ne s’agirait pas de trébucher aussi proche de la fin.

Je vois l’investisseur à 10h. Je dois m’assurer que tout sera sous contrôle.

Comment puis-je y aller sans risquer d’entendre une chanson inopportune ?

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