Une petite silhouette se faufile à pas vif dans les ruines d’un manoir abandonné depuis longtemps.

Il connait les rumeurs qui courent à son propos, comme quoi l’endroit est hanté et que pour preuve, il y a peu, on a entendu des bruits de coup d’épée et des cris s’en évader en pleine nuit… Mais il sait que ce n’est qu’une légende urbaine, bonne qu’à faire peur aux superstitieux.

Il progresse à travers les couloirs poussiéreux, sans montrer la moindre hésitation. Et pour cause : il a souvent fait le trajet.

Quand il arrive dans la salle de réception, le visiteur marque un temps d’arrêt, plissant le nez.

Près de l’entrer, gisent deux amas informes de chairs entrain de pourrir.

Il presse un mouchoir à son nez le temps de dépasser précipitamment les golems de chairs tombés, puis rejoint le fond de la salle.

Là, sur les marches de l’estrade où se trouve un trône modeste, est écroulé un homme.

Il porte une armure légère noire, mais celle-ci n’a pas réussi à le protéger d’une attaque d’épée suffisamment bien placée.

« Faustin… »

Le paladin nocturne ne réagit pas à l’appel.

« Mince, mince, mince… » gémit l’autre, se précipitant dans la direction de son compagnon.

Il s’agenouille, alors qu’il fouille dans le sac qu’il porte en bandoulière.

« Ce n’est pas le moment de rejoindre Launique, bordel ! »

Il se saisit d’une fiole au contenu mauvéine, qu’il débouche avec les dents, alors qu’il redresse la tête de Faustin avec sa main libre.

« Allez, bois ça, crétin… »

L’humain ne réagit d’abord pas, le liquide débordant même de sa bouche… puis part d’une violente quinte de toux douloureuse !

« Arg… Ancolie, je te haïs… C’est quoi cette merde que tu m’as donnée… ? » geint-il, alors qu’il tente de se redresser sur un coude, sans succès.

« Reste allongé ! Tu es encore à moitié mourant, imbécile. Et tu n’aurais eu aucune chance sans le remontant que je viens de te donner ! La recette est secrète, tu vas contracter une grosse dette envers moi si tu veux que je te la révèle. »

« Pas envie de savoir. »

« Très bien, reste idiot ! »

« …Merci de m’avoir sauvé. »

« J’ai failli attendre… » lui répond le Nain, alors qu’il esquisse une moue ironique. « Que c’est-il passé exactement ? »

« À ton avis ? Je me suis fait avoir par les gamins. Ils ont réussi à battre les Golems, puis ils se sont mis à trois contre moi. Et puisque Lordrol préférait son gosse à moi, je n’ai pas pu utiliser toutes mes compétences ! »

« Tout ce travail réduit à néant, quoi. Le Masque ne finira jamais entre les grosses paluches du Collectionneur. »

« Ça, je m’en moque, mais en tout cas, ce n’est pas moi qui vais le lui ramener… »

Pendant toute leur discussion, Ancolie s’est activée sur la blessure du paladin, l’enduisant d’un onguent à l’odeur douceâtre.

Ce n’est qu’une fois son travail fini, qu'il autorise enfin son compagnon à se redresser précautionneusement et à prendre appui sur lui.

« Un pas après l’autre… doucement ! »

« Je ne suis pas en sucre… »

« Jusqu’à ce que j’en ai décidé autrement, si tu l’es ! Ordre de ton médecin. »

« Tu es autant mon médecin que moi je suis danseuse… »

« Et on dit que les paladins nocturnes sont censés être des exemples de politesse… Tu m’étonnes que Lordrol t’est abandonné pendant ton combat, avec un comportement pareil ! »

Continuant à se lancer des pics tel un vieux couple, le duo sort du manoir à pas lents.

À l’extérieur, un autre Nain les attend sur une charrette couverte.

Assisté par Ancolie, il aide Faustin à s’étendre à l’arrière du véhicule, puis court prendre les rênes et les faire partir d’ici.

« …Qui est-ce ? »

« La déesse de mon peuple est celle des secrets… Le nom de notre chauffeur ne te concerne pas. »

Le paladin côtoie déjà régulièrement un Nain depuis suffisamment longtemps pour ne plus être aussi irrité par leur goût pour les mystères… et, en plus, il est bien trop fatigué pour ça.

Il ferme donc les yeux, bercé par le roulis et les effets secondaires des médicaments.

« Tu peux me dire où on va, au moins ? »

« …Quelque part dans la capitale arboricole de Kósmo-déntro. » Lui répond Ancolie, avant que le paladin ne s’endorme.