Épisode 4 - Crépuscule

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 Bril frappa de la paume en plein torse, amenant Chiaki à glisser sur plusieurs mètres, soulevant des volutes de sable au passage. Constatant que son unique réaction fut une légère grimace, l’Utak regretta un bref instant l’aide apportée à l’amélioration de son gyo. La poigne de son adversaire se raffermit sur son katana, qui s’embrasa. Levant les poings, l’adepte du Migite pesta contre la situation. Depuis le début de leur match, Chiaki menait la danse, exploitant chaque faiblesse dans le style de son partenaire. Il avait beau élaborer plan sur plan, le stratège illusionniste avait toujours un coup d’avance.

 S’attendant à devoir esquiver une attaque frontale, Bril fut pris de court par le Uchiwa qui bondit au-dessus de lui. Les boules de feu qui foncèrent droit en sa direction achevèrent l’espoir d’une potentielle prise d’initiative.

 Maudissant son manque d’anticipation, Bril les esquiva tout en levant une bourrasque de vent afin d’en atténuer l’intensité. Concentré sur le bombardement de flammes, il ne vit qu’au dernier moment son adversaire derrière lui, suffisamment pour esquiver d’une rapide bascule arrière.

 Plissant les yeux sous le flamboiement du katana, Bril tenta de le désarmer. Vif, le Uchiwa lui échappa en un frôlement de tempe du bout des doigts. Plongé dans l’obscurité par le genjutsu de son adversaire, Bril déploya instinctivement son Chakra autour de lui et constata que le Uchiwa avait disparu de son périmètre.

 L’Utak mentalisa ses nerfs optiques pour y envoyer son kai. Le flou se dissipa, juste à temps pour voir la pointe du katana entre ses deux yeux ainsi que le sourire satisfait de son adversaire.

— On s’arrête là pour aujourd’hui, acheva avec rudesse Kurada derrière eux.

 Tout en rejoignant leur sensei, Bril se frotta l’arrière de la nuque. Chiaki y allait de plus en plus fort lors de leurs entraînements, redoublant de sérieux depuis leur expérience à la fosse. Les paroles de leur mentor avaient remué le jeune Uchiwa, qui avait depuis démontré sans le vouloir l’écart de niveau existant entre lui et les deux autres Genins. Le prodige avait encore du mal à compter pleinement sur leurs compétences et cela se ressentait en mission, mais il était bien plus ouvert que durant les premières semaines de l’unité. La perspective de perdre des équipiers avait réveillé une forme de protectionnisme chez Chiaki.

— Perçois-tu ce qu’il te manque, Bril ? demanda le Jounin avec sévérité, bras croisés.

 Interrompant ses réflexions autour de l’illusionniste, le garçon se fit un rapide bilan des trois derniers mois. Il lui avait semblé que tous trois avaient progressé à un rythme semblable et constant, développant leurs points forts et palliant à leurs défauts. Les Genins maîtrisaient de mieux en mieux leur Chakra, jusqu’à l’employer avec une aisance grandissante sur le terrain. Bien que réticent à la méditation, Bril commençait à y prendre goût. Se laisser bercer par la brise de son énergie spirituelle était la seule activité pouvant apaiser sa tendance à l’hyperactivité.

 Chacun d’entre eux apprenaient à maîtriser leur affinité, ajoutant quelques jutsus à leur répertoire respectif. Il avait beau retourner les faits dans tous les sens, Bril ne pouvait que conclure que ce n’était pas l’aspect purement martial qui lui faisait défaut.

— Sur le plan théorique, vous êtes de même niveau, lui confirma Kurada, tout en le jaugeant à travers ses verres opaques. Ton problème vient de ton manque de planification.

— Je réfléchis lorsque je combat ! protesta Bril, piqué dans son orgueil.

 Amusé, le Jounin ricana et fit glisser ses lunettes au bout de son nez. L’Utak aurait parié qu’il le faisait pour la simple raison de lui donner un aperçu de la douceur de son regard malgré sa stature de professeur sévère. Ce fut de courte durée. Les redressant, il l’analysa sans l’ombre de la moindre empathie dans la voix :

— Tu te contentes de réagir à la situation immédiate. Pour survivre à un combat, il te faut prendre en compte la moindre information et élaborer autant de scénarios que possible. A chaque réaction de l’ennemi, tu appliques celui le plus à même de vaincre.

 Pensif, Bril prit conscience que Kurada avait totalement raison et se promit d’intégrer cette leçon à ses prochains entraînements. A l’inverse de l’Utak, Chiaki était à la fois capable de planifier et d’improviser.

— Vous progressez, mais j'attends davantage de vous trois. Dans notre métier, les plus appliqués survivent.

 Les garçons se pincèrent une lèvre, comprenant que la dernière phrase était davantage destinée à Yoko qu’à Bril ou Chiaki. Cela faisait déjà une semaine que la Furiaki était absente de leurs entraînements quotidiens. Ses camarades avaient interrogé Kurada sur la raison de sa disparition, mais il s’était contenté de les informer que le clan de la jeune femme couvrait ces absences répétées. Le Jounin n’avait pas eu besoin de s’exprimer pour leur faire entendre sa désapprobation.

 Ce point de vue leur prouvait que Yoko était en état d’exercer, renforçant le mystère de son isolement. Bril s’était remémoré chaque journée, mais n’avait pas souvenir d’un quelconque incident justifiant cette mise en retrait. L’aspirant songea qu’il devrait vérifier rendre visite à son amie. Mais son clan allait-il le laisser se présenter à elle ?

— Rentrons au Village, ordonna Kura.

 Les Genins emboitèrent le pas de leur mentor. Suite à l’épisode de la fosse, Kurada avait décidé de les entraîner quotidiennement à l’extérieur de Chikara, ponctuant les sessions par les attaques des créatures du désert.

 Kurada prit congé de ses élèves peu après leur passage des imposantes portes du Village. Chiaki le fixa, attendant qu’il s’éloigne suffisamment avant de demander à Bril :

— Je vais essayer de voir Yoko ce soir. Tu m’accompagnes ?

 L’Utak fut étonné de l’inquiétude qui transparaissait dans sa voix. Tous trois s’étaient fortement rapprochés, mais il n’avait pas encore la sensation qu’une réelle amitié se soit forgée entre Chiaki et eux. Était-il bien plus doué pour camoufler ses émotions qu’il ne l’aurait cru ?

 Quoi qu’il en soit, Bril approuva d’un hochement de tête. Aux côtés d’un Uchiwa, il avait bien plus de chance d'être accepté par les Furiaki. Suivant Chiaki jusqu’à leur domaine, Bril en déduisit que ce n’était pas la première fois qu’il s’y rendait. Rien d’étonnant à cela, le système clanique était extrêmement important au sein de Chikara, plus encore que dans n’importe quel autre Village de Hokuto. Il était de notoriété publique qu’une grande pression pesait sur les épaules de ses membres afin de préserver leurs intérêts. Bien que secrets, les Uchiwa avaient toujours entretenu de bonnes relations avec chaque grande famille de la cité.

 D’un point de vue architectural, le quartier des Furiaki était peu différent du reste du Village. Les habitations avaient été creusées à même la roche, semblant sortir des tréfonds du désert. Les garçons interpellèrent quelques passants, qui leur indiquèrent la direction de la maison de Yoko, non sans une once de méfiance. Nul doute qu’il n’aurait jamais obtenu l’information sans le nom de famille de Chiaki.

 La demeure de la jeune rousse ne se démarquait en aucun cas de celles du voisinage. Sans les indications du Furiaki, les deux Genins n’auraient eu aucune chance de la localiser. Décidé à participer dans leur démarche commune de soutien, Bril s’approcha de la porte et toqua. Sans se l’expliquer, son cœur battait fortement contre sa poitrine. Jetant un bref regard à Chiaki, il constata que son anxiété était partagée.

 La porte s’ouvrit sur une magnifique femme d’une quarantaine d’années. En dehors de sa blondeur, le jeune Utak eut la sensation de faire face à une version plus âgée de Yoko. Son visage anguleux aux traits creusés par l'âge était magnifié par une coupe courte au carré, qui rappelait les mèches de sa fille à la longue chevelure.

— Les Genins de Danto ? demanda-t-elle sèchement.

 Le nom de leur sensei semblait dégoûter la dame, foudroyant par ricochet les deux garçons. Chiaki mit une seconde de moins que son partenaire à se ressaisir, témoignant de son expérience de diplomate malgré son jeune âge.

— Madame, nous nous inquiétions pour notre camarade. Si son état le permet, pouvons-nous nous enquérir de son état ?

 La femme jaugea Chiaki des pieds à la tête, comme dans une tentative de lire au travers de la couverture de velours du Uchiwa. Mal à l’aise, Bril se retint de se mettre à danser d’un pied sur l’autre.

— Ce n’est pas votre maître qui vous envoie ? questionna la mère, ne daignant en aucun cas camoufler le soupçon dans sa voix.

— Nous sommes ici de notre propre initiative, assura le stratège illusionniste. Par inquiétude pour notre amie.

 Une moue sceptique traversa son visage, mais elle daigna finalement ouvrir la porte. Bril et Chiaki la suivirent à travers quelques pièces, dont un salon simple et coquet. Divers jouets et matériels animaliers jonchaient le sol, témoignage des passages des créatures de la famille. Ils arrivèrent finalement devant une porte fenêtre à double battant, que la mère de Yoko ouvrit.

— Soyez doux, ordonna-t-elle en un ton qui ne souffrait d’aucune contestation. Nous venons de lui donner son traitement.

 Une foule de questions se bouscula dans l’esprit du jeune Utak. Yoko était souffrante ? Cela ne correspondait pas aux dires de Kurada et ce dernier n’avait aucune raison de mentir. Gardant le silence, les Genins débouchèrent sur une arrière cour spacieuse, où les Furiaki avaient disposé divers parcours. Bril n’avait aucun mal à imaginer Tora bondir à d’un promontoire à l’autre, zigzaguant avec agilité à travers cerceaux et autres obstacles.

 Un coup de coude l’arracha de son analyse de l’environnement. L’Utak repéra alors leur camarade, à genoux et caressant avec délicatesse son Iguano. Allongé en boule, sa queue était repliée contre son flanc et ses moustaches tombaient mollement contre le sol sableux. Son flanc se soulevait à rythme régulier, comme s’il dormait. Non loin de la jeune fille était assis un homme au physique fin, typique de l’allure féline des Furiaki. Au-delà de sa simple présence, ses cheveux roux et coupés courts trahissaient son appartenance au clan, tout comme ses traits anguleux et son nez courbé en un bec d’aigle.

 Lorsqu’ils s’approchèrent, l’homme se releva prestement et échangea un regard avec la mère de Yoko.

— C’est bon chéri, rassura-t-elle avec douceur. Ces deux garçons étaient inquiets pour leur camarade.

 Son regard s’adoucit quelque peu, bien qu’une flamme de menace continuait de danser en son regard noisette. Perturbé, Bril détourna la tête pour fuir son regard, tandis que Chiaki le soutint courageusement.

— Si Yoko le souhaite, nous aimerions l’aider à aller mieux. Monsieur.

 Evidemment, le rebelle Uchiwa ne put s’empêcher d’ajouter une pointe de défi sur ce dernier mot. Le Furiaki tiqua et échangea un regard avec sa fille. Celle-ci lui fit un léger sourire, sans se relever de sa prostration contre son animal.

— Ne t’en fais pas, dit-elle d’une voix fragilisée qui fendit le cœur du solide taijutsuka. Ils ne sont pas là pour me ramener. Pouvez-vous nous laisser entre nous ?

 Son père opina du chef avec dépit, lâchant un soupir. Avant de retourner en leur domaine en compagnie de sa femme, il ne put s’empêcher d’ajouter avec affection :

— Nous ne sommes pas loin, au besoin.

 Les enfants gardèrent le silence, le temps que leurs aînés disparaissent. Un ange passa.

— Désolé, finit par s’excuser la frêle voix de la rouquine. Mes parents ont tendance à être surprotecteur depuis…

 Elle caressa le haut de la nuque de Tora, qui ronronna de plaisir. A le voir ainsi, Bril eut plus que jamais l’impression de faire face à un chat surdimensionné. Si l’on oubliait sa faculté à produire des décharges électriques et à réduire en charpie des scorpions du désert, Tora était une créature adorable.

— Ce n’est pas toi qui va mal, comprit Chiaki, formulant la déduction que Bril se faisait de son côté.

 Yoko hocha la tête, tout en caressant le flanc de Tora.

— Que lui arrive-t-il ? demanda Bril, sincèrement inquiet. Je ne l’aurais jamais imaginé malade.

— Tu fais bien, confirma Yoko en un léger sourire. Nos bêtes subissent le même renforcement que nous. Leur métabolisme est renforcé contre les poisons et autres maladies.

 Un silence s’abattit entre eux, les garçons laissant le temps à leur amie pour trouver les mots. Bril la détailla et fut peiné de constater l’état d’épuisement dans lequel elle se trouvait. Ses paupières étaient creusées, virant en un léger violet par le manque de sommeil. Ses yeux étaient rougis et Bril était prêt à parier que la fatigue n’était pas la seule fautive, la peine se mêlant à son surmenage.

— Dans mon clan, il est important de développer autant nos bêtes que nos propres aptitudes, expliqua la Genin.

 Yoko soupira et se frotta la nuque, faisant tomber quelques mèches le long de son cou.

— Notre lien est puissant, il fait partie de nous. Tant pour notre carrière que pour notre santé, il est primordial de maintenir un point d’équilibre entre nos deux âmes. Je le sais, mais malgré tout…

— Tu as du mal à atteindre cet état ? acheva le Uchiwa, compatissant.

 Bril s’approcha doucement de son amie et laissa son collègue parler, jugeant qu’il connaissait bien mieux que lui la situation par son éducation au sein de son propre clan. Contrairement à Chiaki, il ne parvenait pas à trouver les mots, tâchant de comprendre au mieux les explications de la kunoichi. Mais s’il pouvait être un support moral, il n’allait pas s’en priver.

 Fendant sa carapace, les yeux de Yoko perlèrent, lui évoquant une myriade d’étoiles en son regard écarlate. Bien que ressentant une nouvelle vague de tristesse, Bril ne put s’empêcher de la trouver magnifique.

— J’ai tellement peur que Tora meurt au combat, sanglota-t-elle.

 Fondant en larmes, Bril eut le réflexe de la prendre dans ses bras. La jeune fille se blottit contre lui, l’enserrant avec le besoin désespéré de trouver du réconfort. Le regard de Chiaki s’assombrit, tandis que Tora posa sa tête contre sa jambe, comme dans un effort de lui apporter à son tour un zeste de bienveillance.

— Les autres ninjas ne nous comprennent pas ! s'exclama-t-elle en manquant de s’étouffer entre deux sanglots. Vous n’avez qu’à vous occuper de vous, tandis que nous sommes en permanence coupés en deux. Tora fait partie de moi, il n’a pas supporté que je m’éloigne de lui !

 Manifestant une affection dont il ne se soupçonnait pas capable, l’adepte du Migite caressa délicatement les cheveux de son amie.

— Tu y arriveras. On t’aidera. Nous trois avec l’aide de Kurada, on peut tout faire !

— Mais ferme ta putain de gueule, Utak !

 Abasourdi par la violence du ton de Chiaki, Bril releva la tête et croisa l’écarlate ulcérée du Sharingan de son collègue. Mâchoire serrée, un frisson d’effroi le parcourut alors que des flashs de leur dernier match lui revint en mémoire.

— Qu’est ce que tu fais ? bredouilla le garçon, enserrant d’autant plus Yoko qui tremblait contre lui.

— Kurada ne la comprend pas plus que toi ! rugit le Uchiwa, hors de lui.

 Un bref instant, le jeune Utak eut la vision que les deux virgules de Chiaki s’étaient mises à bouger le long des cercles entourant l’iris du Genin. Furieux, il se releva et se prit la tête entre ses mains, avant de tourner autour d’eux. Manifestement, il cherchait soit à se calmer soit à passer ses nerfs sur quelque chose. Bril commençait à le soupçonner de ne pas avoir contrôlé l’activation de son Dojutsu.

— Les types comme vous ne savent pas ce que c’est que de vivre sous la pression d’un système à côté de leurs pompes ! D’une bande de connards qui te forcent à vivre une vie dont tu n’as rien à carer !

 Des flammes crépitérent dans les paumes du colérique garçon. Ressentant la menace, Tora grogna. Cela poussa Bril à lui confier Yoko et à se relever, se plaçant entre eux et Chiaki. Il jeta un regard inquiet vers la demeure Furiaki, craignant que les adultes ne viennent les mettre dehors. Cette pensée l’aida à garder le contrôle de lui-même

— Tu n’aides pas là ! asséna t-il, cachant sa peur du Uchiwa en bon shinobi. Yoko a besoin de soutien !

 L'illusionniste stoppa net son piétinement et se tourna vers la kunoichi. Aussitôt, son sharingan se désactiva et les flammes disparurent.

— Désolé, s’excusa le Uchiwa d’une voix éteinte.

 Le sentant sincère, Bril le laissa s’approcher. Le grognement défensif de Tora redoubla, stoppant net la démarche du garçon qui affiche un air peiné, réalisant l’ampleur de sa réaction. Yoko apaisa l’Iguaro en une caresse et intima son camarade à ne pas s’approcher davantage. A l’inverse, Bril put reprendre place à ses côtés.

— Tu veux en parler également ? demanda la kunoichi en fixant Chiaki.

— On est pas venu pour que je geigne sur les Uchiwa, marmonna t-il, gêné.

 Bril secoua la tête et fixa à son tour leur camarade. Bien que ses paroles l’avaient blessé, le Genin savait qu’ils ne se connaissaient pas assez pour qu’il considère les propos de Chiaki comme sérieux à son encontre. Le garçon n’avait que manifester une colère refoulée depuis des années.

— Je suis d’accord avec Yoko. Cela fait quatre mois que nous sommes dans la même unité, nous avons besoin de mieux nous comprendre.

 Le formalisme sans faille de son collègue fit souffler Chiaki du nez. A contrecoeur, il reprit la parole :

— Je suis l’héritier de ce fichu clan, cracha-t-il sans masquer la haine que cette information attisait en lui. Mon père me met une pression de malade sur les épaules. J’ai l’impression de m'entraîner depuis que je suis né.

— Tu aimerais faire autre chose ? lui demanda Yoko, semblant lire dans ses pensées.

 Chiaki ricana, amusé par la question. Son visage s’était détendu, la confidence le soulageant d’un poids immense.

— Vous n’allez pas vous moquer ?

— Non ! rétorquèrent les Genins d’une même voix.

 Chiaki se pencha en arrière, prenant appui sur ses coudes. Il admira un bref instant le ciel étoilé qui commençait à illuminer la voûte céleste du désert.

— Peintre. Je faisais des toiles, quand j’étais jeune. Plus le temps depuis qu’on m’a fichu au bagne. Encore moins depuis l’éveil de mon Sharingan.

— Le bagne ? répéta Bril, étonné.

— L’Académie, traduisit le Uchiwa du tac au tac, nullement agacé par la réaction de Bril cette fois-ci.

 L’Utak en fut mal à l’aise. De son côté, il avait vécu sa scolarité dans une euphorie enfantine complète. Alors que le prodige reprenait une position assise, Yoko lui adressa un affectueux sourire solaire :

— Je serais curieuse de voir tes œuvres.

— A l’occasion, lui promit Chiaki en se grattant une oreille. Et vous alors ? Votre histoire ?

 Tora se blottit contre sa maitresse, tête à nouveau posée contre sa jambe. L’atmosphère s’était détendue et la bête s’endormit bien vite, comme en témoigna le puissant ronronnement qui s’échappa de sa gorge.

— Je suis kunoichi par tradition familiale, mais ma passion pour les animaux et les monstres est réelle, expliqua Yoko en dorlotant son animal.

— Nous n’en doutions pas, plaisanta Bril en observant avec un sourire l’Iguano qui savourait les caresses de sa maîtresse.

— Tu te vois ninja toute ta vie ? lui demanda l’illusionniste, intrigué.

— Non, répondit-elle sans hésiter, tout en se concentrant sur la gratouille d’un endroit précis d’une oreille de Tora. J’aimerais être zoologiste pour parcourir Hokuto et étudier sa faune.

 Bril sourit en observant le Iguano se prélasser contre la kunoichi, prenant de plus en plus de terrain contre ses jambes.

— Tu le pourras certainement une fois Jounin, lui assura l’Utak, confiant. On a encore beaucoup de choses à découvrir concernant les bêtes.

— Et toi Bril ? lui demanda Yoko sans se départir de son sourire. Des envies particulières pour l’avenir ?

 Gêné, le taijutsuka détourna le regard. Son vécu et ses motivations étaient bien loin de celui de ses partenaires. Sa famille n’était pas issue d’un clan prestigieux, tout juste dans la norme moyenne de la société shinobi. Les Utak étaient une famille respectée pour leur efficacité, ni plus ni moins.

— Pas vraiment. J’ai été élevé en tant que soldat et je ne me suis jamais vu faire autre chose.

— Quelle personnalité originale, le taquina Chiaki en lui envoyant un caillou rebondir contre sa chaussure.

— Je t’emmerde, Uchiwa, rétorqua t-il sur le même ton de plaisanterie.

 Tous trois riérent de bon cœur. Une fois calmé, Bril ajouta :

— Le père donne au fils…

— Tu racontes quoi là ? ricana Chiaki, tandis que Yoko haussa un sourcil de surprise.

— Un dicton transmis de père à fils dans ma famille, expliqua Bril en souriant avec affection. Tant que mon père m’estime, je serais heureux.

 Les Genins continuèrent à discuter jusque tard dans la nuit, partageant leurs ambitions concernant leurs entraînements et abordant progressivement des sujets de plus en plus légers. Les parents de Yoko finirent par les raccompagner à la sortie, bien plus souriant qu’à leur arrivée.

****

 Lorsqu’il arriva chez lui, le cœur de Bril était bien plus léger qu’à son réveil le matin même. Malgré le coup de sang de Chiaki, les trois Genins s’étaient rapprochés intimement ce soir. Le jeune garçon avait le sentiment qu’une véritable amitié venait de naître entre eux. Malgré sa grande fatigue morale, Tora avait même laissé Chiaki s’approcher de sa maîtresse.

 En avançant dans le couloir d’entrée, Bril fut étonné d’y découvrir deux sacs de voyage. Il les tâta et constata qu’ils étaient remplis au maximum de leurs capacités. Père partait-il en mission ? Un seul sac suffisait habituellement.

 Pris d’un mauvais pressentiment, il traversa la salle, se laissant guider par la lumière provenant de leur cuisine. Le garçon fut étonné d’y découvrir Makoto, mains croisées devant son visage. Deux doigts frottaient son front, tandis qu’il fixait avec gravité une lettre, posée devant lui sur la table.

 Bril connaissait cette position et cela n’annonçait rien de bon.

— Père ? l'interpella-t-il d’une voix tremblante. Que se passe-t-il ?

 Makoto releva la tête et plongea son regard droit dans celui de son fils. Même lors de ses entraînements les plus difficiles, jamais le Genin n’avait lu un tel sérieux en lui. L’aspirant y ressentit à la fois l’inquiétude d’un père et l’expérience du vétéran s’apprêtant à accomplir son devoir.

— Chikara entre en guerre, mon fils.

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