Overdose de monotonie

3 minutes de lecture

Le réveil est ardu, inévitable, sans concession possible. Vaseuse, l'esprit embrumé, je peine à m'extirper de mon confortable nid. Une nouvelle journée débute. Mais peut-on qualifier de ''nouveau'' un disque qui joue inlassablement les mêmes chansons, sur un vieux gramophone grésillant ?

Est-ce la vie d'adulte qui m'a fait perdre le plaisir d'ouvrir les yeux ? D'envier le néant ? Le point final ? Où me suis-je perdue, dans mon script ? J'essaie de lire à travers les ratures, les pâtés d'encre, les lettres hésitantes et les pages arrachées, mais je n'arrive pas à reconstituer ce puzzle dont j'ai perdu des pièces.

Les heures passent, longues et silencieuses, dépourvues de toute consistance. Je m'abandonne à la contemplation du vide, y trouve une familiarité presque réconfortante, et divague pendant de longues heures, tissant des fils de rien dans mon esprit fatigué. Mes yeux se posent sur la pendule. Le temps est passé, bien plus que je ne l'imaginais, et ma page est encore blanche.

Les journées sont sans saveur, si on oublie l'amertume du soleil déclinant. Ce sentiment d'avoir usé mon temps à mauvais escient. Je demande à mon cerveau de se taire, de cesser de dessiner des plans, de mener des enquêtes où je suis la victime d'un nombre incalculable de coupable. Il ne s'arrête pas. Son marteau continuera d'accabler le monde entier.

Je regarde les gens qui m'entourent dans le blanc des yeux. Je suis là, ailleurs et partout en même temps. Les informations se succèdent, se classent, s'entassent. J'approuve d'un mouvement de tête et esquisse un sourire. Je me rends compte que je n'ai rien à raconter. Le sentiment que tout le monde a une vie bien plus palptitante que la mienne m'envahit.

Je cherche à apprendre, lorsque l'occasion se présente, mais les pensées parasites forment une cacophonie toniturante. Les gens en savent plus que moi. Je ne sais rien. Mes connaissances paraissent toujours infimes ou médiocres. Je n'ai pas grand chose à leur apprendre. Suis-je même simplement intéressante pour être écoutée ?

Je garde le silence en toute circonstance, parlant avec moi-même, dressant des bilans bien trop longs pour signifier quoi que ce soit. Les phrases sont redondantes, trop formelles, d'une banalité consternante. Je n'en tire rien. À trop vouloir m'introspecter, je m'emmêle dans ma toile de rien et finis par m'y étouffer. Mes réflexions meurent avant même d'avoir émergé.

Ma tête est lourde, chargée de pierres, tandis que mon corps est trop las pour soutenir l'édifice vacillant de cette vie. Je m'allonge pour un simple repos, une courte pause pour ralentir ma noyade. Je m'endors en quelques secondes à peine et me réveille davantage fatiguée, quelques minutes plus tard. Je m'épuise moi-même. Mon esprit est hélas prisonnier de cette enveloppe charnelle.

Je mange les mêmes discours, bois les mêmes calomnies. Etouffés par le bruit des couverts, mes rouages se bloquent. La machinerie folle s'arrête. Mon regard glisse sur ce qui m'entoure, cherche le rien au milieu de tout ce vide. On continue de me parler, mais je n'écoute plus. Encore une fois. Le repas se termine en silence. Dieu merci, c'est fini.

L'eau ruisselle sur ma peau, me lave de l'ennui, fait taire le monde. La chaleur m'embaume, réconfortante, et me plonge dans une torpeur paisible. Les rouages se débloquent tandis que mes muscles se dénouent. Il n'y a plus que le martellement des gouttes et la buée sur le miroir.

Je me couche en proie à mes pensées. Je sais que demain sera une copie conforme d'aujourd'hui, et j'en suis déjà lasse. Mais parviendrais-je seulement à me reposer ? La nuit m'effraie, mes sens restent aux aguets. Le sommeil ne sera pas réparateur. Le réveil sonnera, et tout recommencera. La monotonie est hélas une vieille amie...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Clarence Alston ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0