Episode 7 : Miss secrétaire

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Les souvenirs assaillirent Leo lorsqu’il pénétra dans le séjour. Rien n’avait changé : l’endroit était toujours aussi spacieux. Les canapés et la table basse étaient là où ils avaient toujours été, près de l’immense baie vitrée qui déversait un flot de lumière dans toute la pièce.

Il ressentit un pincement au cœur en se souvenant que c’était ici que sa mère aimait passer le plus clair de son temps… Elle y venait pour lire un livre ou tricoter de jolis vêtements pour les jumeaux.

Avant, lui aussi avait beaucoup aimé cet endroit. Mais aujourd’hui, les sentiments de joie et de sérénité jadis éprouvés avaient complètement disparu. Il ne ressentait désormais plus qu’une immense colère sourde qui lui donnait des envies de meurtre… ou tout simplement de vomir.

« Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu restes dans cette maison », grinça Leo en s’installant le plus loin possible du canapé préféré de sa mère. « Parce que ça pue le passé et les souvenirs ‘heureux’ ? », se moqua-t-il d’un ton amer en mimant des guillemets lorsqu’il prononça le dernier mot.

Ismaël ne répondit pas et se contenta de lui adresser un mince sourire. Pendant un instant, son regard se perdit au loin, et Leo n’avait surtout pas envie de savoir à quoi il pouvait bien penser.

« Bon, alors c’est quoi toute cette histoire à propos de tes gamins ? Pourquoi l’Autre et ses démons voudraient leur peau ? » demanda le jeune homme en se laissant aller contre le dossier de son siège. Ses points de suture le picotaient désagréablement, mais ça ne le gênait pas trop. Ce n’était rien comparé à la sensation de se prendre une balle dans le ventre ou un couteau en pleine poitrine.

Ce qui le dérangeait c’était le mal de crâne qui venait de l’assaillir. Il était convaincu que c’était cet endroit qui lui filait la migraine. Et puis il avait faim.

Il était sur le point de réclamer son hamburger et ses frites lorsqu’une jeune fille déboula brusquement dans la pièce. Elle passa devant lui sans un regard et se planta directement devant Ismaël.

« Je te remercie pour les vêtements Vieil homme », déclara-t-elle platement, la posture bien droite comme si elle avait un balai dans le cul. « Tu devras cependant me fournir d’autres chaussures, car aucune de celles que tes humains m’ont présentées ne me convient. »

Leo se redressa légèrement de son siège en détaillant la nouvelle venue avec beaucoup plus d’intérêt. Rares étaient ceux qui osaient s’adresser ainsi au « grand » Ismaël Sykes. Peut-être s’agissait-il de sa nouvelle maitresse ?

Mais il se fit la réflexion que même pour un vieux pervers comme Ismaël, elle était beaucoup trop jeune. Petite et mince, elle ne devait pas avoir plus de 20 ans. Sa peau très pâle contrastait joliment avec ses cheveux de jais. Elle les avait rassemblés en un chignon strict et serré qui lui donnait des allures de secrétaire ou de bibliothécaire. Ce qui collait parfaitement avec sa tenue : un tailleur-jupe aussi strict que sa coiffure. Il ne lui manquait plus que les lunettes.

« Qui est donc cette charmante demoiselle le Vieux ? » demanda Leo avec amusement. « J’aime beaucoup la façon dont elle te parle. »

Miss secrétaire daigna enfin se tourner vers lui : il vit alors qu’elle avait de grands et étranges yeux mordorés. C’était la première fois qu’il voyait des yeux pareils. Et c’était très perturbant. Surtout qu’ils étaient braqués sur lui et le fixaient sans ciller.

« Tu devrais être mort », lui dit-elle alors sèchement. Il crut déceler de l’incrédulité et de la colère dans son regard et sa voix.

« Euh… excuse-moi, mais on se connait ? » demanda Leo, en haussant un sourcil perplexe. Il ne se souvenait pas avoir déjà rencontré cette fille avant. Peut-être une conquête d’un soir ? Non, impossible d’oublier de tels yeux.

« Leo, je te présente... » commença Ismaël, mais Miss secrétaire ne le laissa pas terminer sa phrase.

« Je suis la Mort. Celle que vous appelez la Grande Faucheuse », coupa-t-elle d’une voix solennelle en se redressant de toute sa taille, sans cesser de fixer Leo de ses yeux étranges. « Je suis celle qui récupère les âmes et les conduits vers l’Au-delà. »

Leo sentit un début d’agacement monter en lui alors qu’elle le toisait comme s’il n’était qu’un insecte insignifiant sous ses petits pieds nus.

« Quoi ? Comment ça la Mort ? » demanda-t-il avec méfiance. « Vous faites une espèce de jeu de rôle ou quoi ? »

« Je suis la Mort », répéta-t-elle en continuant de le toiser. « Et toi, pathétique humain, tu ne devrais plus être là. Ta vie aurait dû se terminer dans cet entrepôt. »

Sans blague ! songea Leo en plissant les yeux. Cette fille était visiblement tarée.

« La Mort… vraiment ? » se moqua-t-il en esquissant un petit sourire narquois. « Ouais, c’est ça. Et moi je suis Dieu tout puissant. »

Elle le fusilla des yeux, tandis que Leo, se calant plus confortablement dans son canapé, continuait de sourire. Ils se défièrent du regard pendant plusieurs secondes, avant que le Vieux ne se décide à intervenir.

« Leo, cette jeune fille est vraiment la Mort, la Grande Faucheuse », déclara-t-il en se levant.

Il fit ensuite un geste poli vers Miss secrétaire pour l’inviter à s’asseoir, mais cette dernière lui lança un regard noir et resta debout, droite comme un « i ».

« Je l'ai sollicité pour t’aider à protéger les jumeaux ».

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