Episode 8 : Faible et mortel, mais toujours là

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Solliciter son aide, vraiment ? En repensant aux airs calmes du Vieillard lorsqu’il avait prononcé ces mots, elle sentit une bouffée de colère monter en elle.

Cet homme – Ismaël Sykes – était la preuve que les humains étaient des êtres fourbes, menteurs et égoïstes. Elle se jura qu’une fois libre, elle allait trouver un moyen détourné pour lui faire payer cette torture qu’il lui imposait : prendre l’avion en compagnie de Leo, un des pires humains qu’elle ait pu côtoyer depuis sa très longue existence.

Il était resté perplexe lorsque le Vieil homme avait confirmé qui elle était. Il ne l’avait pas cru :

« Allons le Vieux, tu ne vas quand même pas me faire croire que cette Miss secrétaire serait la Mort en chair et en os », s’était-il moqué avec un petit sourire en coin.

Ah ! Comme elle détestait ce sourire ! Elle se souvenait qu’il l’esquissait à chaque fois qu’il parvenait à lui échapper… Elle rêvait de lui arracher le visage pour faire disparaitre ce rictus plein de suffisance.

Il lui avait cependant fallu se faire une raison, car le Vieillard, à qui elle devait désormais obéissance et soumission, avait décidé de lui imposer Leo pour protéger sa progéniture. Elle allait ainsi devoir le supporter lui et ses sourires en coin.

Et la voilà qui se retrouvait quelques jours plus tard dans ce qu’ils appelaient un jet privé en compagnie de ce grossier personnage. Seules personnes à bord, ils étaient assis l'un en face de l'autre sans s'adresser la parole.

Cela faisait des heures qu’ils étaient dans les airs, et elle s’ennuyait à mourir. Leo, lui, était plongé dans une espèce de grand livre (Playboy lut-elle sur la couverture) dont les pages affichaient principalement des images de femmes très peu vêtues.

« Mais quel être pervers et débauché », songea-t-elle avec dégoût.

« Si tu pouvais arrêter de me fixer comme ça », lança Leo sans lever les yeux de son livre. « Non seulement c’est chiant, mais c’est aussi très impoli. Pourtant en tant qu’être millénaire, tu devrais avoir appris et assimilé les bonnes manières depuis très longtemps, non ? »

Sans répondre, elle continua de le fixer avec insistance. Mais comment cet humain avait-il fait pour lui échapper à chaque fois qu’il s’était retrouvé aux portes de la mort ? Elle le regardait et ne voyait qu’un être fragile, un amas de chair dont la vie ne tenait qu’à un fil.

Et pourtant, malgré son statut d’être faible, Leo était encore et toujours là. Confiant, tranquille et souriant. Comme à chaque fois qu’elle était venue à lui pour faucher son âme.

Qu'avait-il donc de si spécial ? Elle chercha du regard quelque chose qui expliquerait cette chance incroyable qui le suivait comme une ombre. Mais elle ne trouva rien d’extraordinaire.

Elle devait toutefois admettre qu’il y avait quelque chose de très séduisant chez lui : avec ses cheveux blonds tirés en arrière, ses yeux verts et la petite mèche rebelle qui lui tombait sur le front, Leo dégageait une sorte de beauté et de charisme magnétique qui attirait ses congénères comme des mouches.

Mais il n’en restait pas moins comme n’importe quel humain : faible et pathétiquement mortel. Elle en fut presque déçue.

« Miss secrétaire, je t’ai dit d’arrêter de me mater », lança sèchement Leo en posant son livre sur la petite table qui se trouvait entre eux. Il se pencha ensuite légèrement vers elle et planta son regard vert dans le sien. « T’as quelque chose à me dire peut-être ? »

« Je te demanderais d’arrêter de me donner ce surnom ridicule, humain », répondit-elle sur le même ton. « Je te le répète, je suis la Mort et non une… secrétaire. »

« Mais oui, mais oui… » marmonna-t-il en se levant. Visiblement, il ne la croyait toujours pas. « Je vais me servir à boire. Tu veux quelque chose ? Peut-être un petit doigt de scotch pour te décoincer un peu ? »

Il s’éloigna en ricanant, sans attendre sa réponse. Elle le suivit du regard en se demandant ce qu’elle faisait là. Avec lui. Pouvait-il s’agir d’une simple coïncidence qu'ils se retrouvent ensemble dans cet avion ? Qu'elle soit désormais liée et soumise à un humain qui connaisse Leo ? Celui dont elle voulait à tout prix faucher l’âme ? A moins que toute cette histoire ne soit finalement qu’une vaste machination de la Destinée ? Oui, mais dans quel but ?

Elle détourna les yeux et les posa sur la petite fenêtre circulaire à sa gauche. Et tout en observant le défilé de nuages d’un air absent, elle se dit que même si elle les obtenait, les réponses à toutes ses questions ne lui plairaient sûrement pas.

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