Episode 33 : Introspection

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Les premières lueurs de l’aube pointaient le bout de leur nez lorsqu’ils purent enfin s’arrêter dans un motel pour se reposer un peu. Hana soupira de bien-être en sortant de la douche. Elle se sentait enfin propre, après un débarbouillage rapide dans la ville morte où ils avaient déboulé un peu plus tôt.

Le spectacle qu’ils y avaient découvert à la sortie du passage secret n’était que désolation : une terre grise et sans vie, la faune et la végétation en cendre, les bâtiments délabrés comme s’ils étaient inhabités depuis des années… Et plus aucune trace d’être vivant. Sans parler des voitures qui n’étaient plus que des carcasses fumantes ! C’était effrayant.

Ils avaient fini par dénicher un véhicule encore en état de marche dans le parking souterrain d’un immeuble. Puis Leo avait accepté qu’ils se décrassent un peu et changent de vêtements avant de quitter les lieux sur les chapeaux des roues.

Hana quitta la chambre double sur la pointe des pieds. Kaleb et Kami s’étaient endormis sur l’un des lits, serrés l’un contre l’autre comme à chaque fois qu’ils étaient bouleversés. Certains trouvaient ça gênant ou malsain, mais c’était devenu une habitude depuis la mort de leur mère. Leur relation était si fusionnelle que cela mettait souvent les gens mal à l’aise.

Hana les couva un instant d’un regard maternel, mais également voilé de tristesse. Ils étaient encore si jeunes et pourtant les problèmes les suivaient déjà comme une ombre aussi tenace que menaçante.

Qu’allaient-ils faire maintenant ? Hana se dirigea vers la chambre de Leo, décidée à savoir ce qu’il avait prévu. Une fois devant la porte, elle entendit des éclats de voix. Inquiète, elle oublia de frapper avant d’entrer.

« Donc si j’ai bien compris, Vassago est gravement blessé, mais encore vivant quelque part dans la nature ? Non, mais je rêve ! Et moi qui croyais que tu pouvais le buter d’un simple claquement de doigts ! T’es la Grande Faucheuse putain ! »

Debout face à face, Leo et Mo étaient en train de se fusiller du regard. Cette dernière avait troqué son t-shirt crasseux contre une robe fleurie qui ne lui allait pas du tout. Le vêtement détonnait complètement avec son air austère.

Leo était, quant à lui, toujours torse nu. Et d’après ses cheveux humides et la serviette sur ses épaules, il devait tout juste sortir de la douche... il était vraiment magnifique !

« Oui j’étais sur le point de l’anéantir, mais il a fait appel à des goules », répliqua Mo avec colère. « Ensuite j’ai ressenti la panique des deux petits humains et cela m’a obligée à intervenir ! Vassago en a alors profité pour s’échapper ! Et puis d’abord, pourquoi est-ce que je devrais me justifier devant toi ? Tu n’es qu’un sale, petit et misérable humain ! » cracha-t-elle ensuite, le regard brillant de rage, avant de quitter la pièce en trombe.

Les poings serrés, elle passa devant Hana sans lui accorder un regard, le pan de sa robe voletant presque comiquement derrière elle.

« Tu devrais arrêter de lui parler comme ça », murmura Hana en s’approchant de Leo. « Non seulement c’est odieux, mais… tu n’as pas peur ? C’est la Mort quand même ! »

« Bah si elle voulait me tuer, elle l’aurait déjà fait depuis un bail », répliqua le jeune homme en s’allumant une cigarette d’un geste désinvolte.

Il s’assit ensuite sur un coin du lit et inspecta sa blessure à l’épaule d’un œil critique. Hana fut surprise que la cicatrisation soit déjà bien avancée.

« Comment c’est possible ? » demanda-t-elle, curieuse. « Il y a une demi-heure encore, la plaie était à vif et toute sanguinolente. Et là… »

« Ah ça, c’est un petit truc que Lars a voulu tester », répondit Leo en rigolant comme un gamin. « C’est son trip d’ailleurs ! Faire des expériences avec les runes et moi je suis le cobaye ! »

Il tira une longue bouffée sur sa cigarette puis reprit :

« Alors c’est simple, j’ai des runes gravées dans le dos qui me permettent de guérir et cicatriser plus vite que la normale. »

Hana ne put alors s’empêcher d’admirer les symboles noirs et rouges qui parcouraient savamment la peau du jeune homme. Il en avait partout sur son dos, son torse et même jusque sur la nuque : une espèce de petit serpent qui ondulait le long de la cervicale. Fascinant.

« Donc, tu veux dire que tous tes tatouages… sont magiques ? » murmura la jeune femme.

Sans s’en rendre compte, elle avait avancé la main pour effleurer une sorte de symbole tribal au niveau de son omoplate droite.

Mauvaise idée, car le contact de ses doigts sur la peau de Leo la fit frissonner. C’était étrange, mais son épiderme était tout doux… cela réveilla des sensations et des pensées qu’elle essayait vainement d’étouffer depuis le retour de ce dernier.

Mais reprends-toi ma pauvre fille ! clama une petite voix indignée dans sa tête.

Leo l’avait jetée comme une moins que rien il y a 10 ans. Elle devrait lui donner des gifles au lieu de se sentir autant attirée par lui.

Surtout que cette soirée avait bouleversé Hana au plus haut point. Le cœur serré, elle se demanda comment Leo en était venu à devenir cet effroyable assassin qu’elle venait de voir à l’œuvre cette nuit ? Comment était-il passé de l’adolescent romantique au tueur à gages le plus craint et recherché du monde ?

Pendant un instant, la jeune femme le revit abattre froidement tous ces gens, le regard amusé et vide de toute compassion pour ses victimes. Et malgré tout, elle l’avait trouvé incroyablement sexy. Elle était folle !

« Ça va toi ? »

Hana fut tirée de ses pensées par cette question anodine, mais posée d’une voix douce. Les yeux verts de Leo la fixaient avec sollicitude.

« Ecoute, pour tout à l’heure, je ne voulais pas te crier dessus… » reprit-il avec gène. « C’est juste que tu m’as fichu la trouille et… »

« Pourquoi est-ce que tu n’as jamais donné de nouvelles », la coupa-t-elle brusquement d’une petite voix tremblante.

« Quoi ? » fit-il sans comprendre. « De quoi tu parles ? »

Bien décidée à ne pas recroiser son regard, Hana baissa les yeux, mais elle se dit que ce n’était finalement pas une bonne idée, car elle devait maintenant les fixer sur ses super abdos tatoués…

« Tu es parti, et tu ne m’as plus jamais donné de tes nouvelles », articula-t-elle d’un ton qu’elle voulait glacial. « Tu n’as jamais répondu à mes appels, mes textos, mes mails… Je veux savoir pourquoi Leo. Pourquoi ? »

Il ne répondit pas et resta juste planté devant elle sans rien dire. Furieuse, Hana leva les yeux et rencontra un regard dénué de toute émotion… rien.

Les yeux verts de Leo étaient vides et froids. Furieuse de son apathie, Hana le gifla.

« Je t’avais supplié de rester », lui cracha-t-elle d’une voix tremblante de colère. « Je t’avais dit ce que je ressentais pour toi, et toi… et toi… »

Les mots restèrent bloqués dans sa gorge, elle était dans un tel état de rage. C’était comme si toutes ces années de ressentiment enfouies au fond d’elle venaient d’exploser d’un seul coup.

« Je te déteste Leo, je te hais ! » s'écria-t-elle. Les mots sonnèrent très creux et puérils à ses oreilles, mais elle s’en fichait. Il fallait qu’elle le lui dise, qu’il sache à quel point il l’avait blessée.

Ses yeux brillaient de larmes contenues, mais elle n’avait surtout pas envie de pleurer devant lui. Surtout qu’il ne disait toujours rien. Il se contentait juste de la regarder, mais il avait l’air vaguement surpris, une main posée sur la joue qu’elle venait de gifler.

Furieuse et blessée, Hana se leva d’un bond et tourna les talons dans l’intention de partir. Elle sentit alors une main s’enrouler doucement sur son poignet.

« Hana… », entendit-elle murmurer.

Leo l’attira ensuite contre lui pour la serrer très fort dans ses bras.

Elle fut complètement prise au dépourvu lorsque le jeune homme se pencha vers elle et qu’il pressa délicatement ses lèvres contre les siennes…

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