Chronique journalistique

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Récit de R. de Gilor, selon le journaliste Howard Ligac

Préface

A l’origine, l’histoire de R., nom coupé pour l’anonymat par peur d’on ne sait quoi, a été raconté par le journaliste Howard Ligac dans le journal qui l’a embauché à Eter, L’Œil Nouveau, en trois cent vingt-sept après la Guerre Civile. Howard Ligac a rapporté l’histoire pittoresque d’un homme de Gilor par épisode d’une centaine de lignes chaque dimanche.


A titre posthume de ce journaliste, une première version complète de ce récit a vu le jour aux presses d’Eter, sous l’impulsion du journal qui a eu, en quatre cents ap. G.-C., le projet de publier un livre des meilleurs articles de ces journalistes passés. L’article, dans sa version gargantuesque, d’Howard Ligac a été reconnu comme l’un des meilleurs et l’histoire de cet homme de Gilor a même reçu quelques prix littéraires à Eter, par l’Université entre autres, et même à l’extérieur de la Vallée, à Barge, Œ et Elberon.


Les éditions de l’Occident proposent aujourd’hui un livre unique de cette histoire, en hommage à Howard Ligac bien sûr et aussi à ce très mystérieux R. dont on ne sait rien, sauf une chose : qu’il a réellement existé, si jamais la question s’est un jour posé, et que son histoire est authentique. Tout comme les mots d’ouverture du journaliste, épouvantable tableau du journalisme d’investigation.

Eter ; année quatre cent quatre-vingt après la Guerre Civile


I ; Un Drame à Gilor


A Gilor, lorsqu’un journaliste en manque de sujets sur lequel écrire se promène dans les rues, un petit espace, cloisonné entre la Grande Rue du Marché et celle des Bouchers, sert de dépotoir aux déchets communs. Un lieu oublié qui voit pourtant passer beaucoup de marcheurs, les marcheurs du dimanche comme ceux de la semaine. Lorsque le dépôt est plein, des agents de la ville, bénis soient-ils pour leur travail, veillent à le vider en transportant le surplus dans une fosse à l’extérieur de la ville, celle aux pieds de la colline aux corbeaux.

Voilà un lien bien étrange à faire, le journalisme et un espace à déchet, n’est-ce pas ? J’ose le faire après bien des jours à hésiter. Hésiter à écrire sur le sujet que j’ai pourtant tiré de ce lieu, hésiter aussi à le publier puisqu’il va entraîner les lecteurs dans les méandres de l’histoire de l’Être Humain et tout n’y est pas beau, bien des coins et recoins sont dégradants, justes bons à jeter… aux déchets. J’étais en recherche de sensations fortes, voilà tout, et après des lectures de certains de mes compères sur des histoires dramatiques de familles qui ont rencontrés des malheurs les plus horribles possibles, je marchais dans les rues de Gilor avec l’objectif de trouver pire encore. De trouver l’histoire d’un homme, d’une femme, d’enfants même, qui ont rencontrés plus que les pires péripéties que vous imaginerez dans vos esprits. Il y serait question de mort bien sûr, de morts plurielles seraient encore mieux, de maladies miteuses aussi et d’un protagoniste qui perd la raison petit à petit, devant vos yeux. C’est à cela que je pensais lorsque j’ai remonté la Grande Rue du Marché. Je me suis arrêté quelques secondes pour refaire les lacets de ma chaussure gauche quand en relevant la tête j’ai croisé le regard de ces agents de la ville que j’ai décrit plus haut.

Ils étaient autant surpris que moi de ce regard croisé, quand tout à coup mes yeux ont suivi la course d’un bout de papier volant. De loin, il avait au moins la curiosité d’avoir des dimensions uniques, ni un rectangle classique, ni un carré, non, le papier ovale voletait avec difficulté jusqu’à toucher le sol en se coinçant entre deux pavés. A peine dans cette position, la pince du balayeur de la ville le serrait avec assurance et il terminait enfin sa course dans les poubelles prêtes à partir. Prit de désir et croyant un petit peu en ma bonne étoile, j’appelais les agents de la ville :


« Excusez-moi messieurs ! Puis-je voir ce que vous venez de ramasser ?

- Pardon ? Qui, enfin, quoi ? me fit le premier des deux agents.

- Le papier que vous venez de prendre, là.

- Oui, bah quoi ?

- Je peux le voir ?

- Non, c’est un déchet, il va finir incinéré.

- Je suis désolé d’insister, c’est mon papier, il est là mais je ne voulais pas le jeter.

- Laisse-lui reprendre son truc, Hec’. Fit le second agent, puis le premier me laissa prendre dans le sac ledit papier.

- Merci beaucoup messieurs. »


Puis, après d’autres échanges courtois, je jetais enfin les yeux sur l’écriture de ce morceau de papier. Une première aventure vient d’être vécue grâce ou à cause de ce bout de feuille, il va s’agir de conter toutes celles qui vont suivre. Le papier révélait à lui seul toute l’histoire qui va nous occuper les mois à venir :

Avis de décès.

R. de Gilor a été retrouvé

le trentième jour du premier mois de l’année trois cent vingt-sept.

Son cadavre a été retrouvé par des explorateurs loin à l’ouest de la ville.

Son fils pleure sa mort inutile en quête d’un prophète de la Force.


Voilà de quoi créer de la curiosité. Qui est ce R. ? Pourquoi est-il mort loin à l’ouest de la ville ? Qui est ce prophète et que prophétise-t-il, la Force ?

Et puis j’avais une piste, un « fils ».


Un tour rapide aux registres de la ville pour trouver l’identité du récent décédé ainsi que de son fils auquel je suis allé rendre visite dans la même journée. J’avais mon histoire, mon article et même plus que cela. J’écrivais déjà dans mon petit carnet tout ce que je venais de vivre, en notant scrupuleusement tous les détails. Peut-être pas jusqu’à prendre la température extérieure, le nombre de nuages dans le ciel ou encore combien de chats noirs j’ai croisé dans la rue, mais presque. Je ne sais pas pourquoi j’étais si sûr de moi déjà avant de véritablement commencer mon enquête, mais je mettais tous les dés de mon côté.

Arrivé à l’adresse du fameux « fils », dans la rue des Grandes Arcades, je me suis trouvé face à un imprévu décidément… imprévu. La maison à l’adresse que j’avais avait brûlée. La porte d’entrée ainsi que la façade donnant sur la rue étaient encore debout, ce qui était impossible à dire pour tout le reste. L’incendie a dû être sévère et il était surtout très récent puisque que je pouvais voir quelques restes de braises ici où là dans les restes de quelques grandes poutres e bois de soutient.

Avant que je me dise que cet incendie ferait un bon papier, un inconnu vint me voir pour me tenir ces propos alambiqués :


« Si tu mets la charrette avant les bœufs, tu n’avanceras pas mieux que ces animaux. »


Ce qui a eu au moins la clarté de me faire sursauter. L’homme qui s’avançait encore vers moi continuait :


« Si tu mets les bœufs avant la charrette, tu ne sauras pas mieux les guider ensemble. »


Et même en me concentrant sur ses paroles, je ne sus pas quoi répondre. Sauf à travers une illumination passagère :


« Alors je tire les bœufs et je fouette la charrette ! »

Ce qui a eut pour résultat de faire disparaître d’un coup l’homme dans un écran de fumée, celui d’une braise qui venait de rendre son dernier râle.

[A suivre]

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