Chapitre 2 (2/2)

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La mélodie se rapprochait de plus en plus, mais l’angoisse ne revint pas. Leurs déguisements et leurs visages masqués les faisaient se sentir bien plus sûres d’elles. Les voix et les rires enflèrent. Une haute et grande salle de bal se matérialisa bientôt devant leurs yeux. Elles croisèrent quelques nobles sur leur passage, dont la plupart discutaient et flirtaient allégrement dans des coins sombres, à l’abri des regards.

  • Ils s’amusent bien par ici à ce que je vois, fit Talia à l’oreille de son amie.
  • Ceux qui se font passer pour saints sont finalement les plus débauchés. Quand tu y réfléchis, c’est assez logique. L’anonymat des masques leur donne la possibilité de ne plus devoir maintenir les apparences.

Talia fit mine de réfléchir alors qu’elles se rapprochaient de la lumière.

  • J’ai bien envie de laisser place à mon côté obscur, moi aussi. C’est excitant comme situation, flirter en total anonymat avec un sombre inconnu. Ça me fout des frissons rien qu’en y pensant. Pas toi ? demanda-t-elle en posant la main sur le bras de son amie.

Meril grimaça. Elle n’avait pas vraiment la tête à ce genre de frivolité ces derniers temps.

  • Pas vraiment non.
  • Quel rabat-joie !

Le couloir laissa place à un balcon, dont l’escalier descendait pour rejoindre la salle de bal. Elles se rapprochèrent du bord, posant leurs mains sur la rambarde. De grands lustres en cristal pendaient du plafond. Le rez-de-chaussée fourmillait de nobles masqués tous aussi bien apprêtés les uns que les autres.

  • Si seulement je pouvais avoir de quoi dessiner. Regarde cette multitude de couleur, c’est magnifique ! fit Talia aussi embêtée qu’excitée. On descend ?
  • Je préfère rester un peu ici, profiter de la vue.

Talia parut ennuyée. Elle n’arrivait vraisemblablement pas à rester en place.

  • Bon moi j’y vais, souhaite moi bonne chance !
  • Fais attention à toi tout de même. On se retrouve ici plus tard ? demanda Meril, pas très rassurée à l’idée de se séparer de son amie.

Cette dernière lui fit un grand sourire.

  • Ne t’inquiète pas ça va bien se passer. Profites-en un peu pour t’amuser. À plus tard !

Elle lui fit une petite courbette et se dirigea vers l’escalier d’une démarche assurée, le menton bien droit, le regard masqué tourné vers l’assistance. L’esprit de Meril se remit à vagabonder alors qu’elle contemplait les danseurs. Elle souffla, il était hors de question que l’image de Rodan lui gâche sa soirée. Elle inspira profondément, tira sur sa robe et descendit, elle aussi, les escaliers. Lorsqu’elle se retrouva en bas des marches, ses yeux furent attirés par le buffet qui semblait l’appeler sur sa gauche. Son amie avait raison, les croquettes de poisson n’avaient pas été suffisantes. Elle se servit un petit apéritif, le gouta en gémissant de plaisir tant il était savoureux.

Elle se retourna pour chercher Talia du regard dans la foule qui lui faisait face. Sa vision s’arrêta sur un homme qui semblait la fixer, ou le festin derrière elle. Elle n’aurait su le dire avec certitude. Elle se déplaça de deux pas sur le côté et remarqua que l’homme l’avait vraiment prise pour cible. Interloquée, elle leva un sourcil. Il se regardèrent en chien de faïence quelques instants encore alors qu’elle mastiquait sa bouchée. Lasse, elle mit fin à l’échange pour reporter son attention sur les petits fours qui avaient bel et bien éveillée sa faim. Elle chemina de table en table afin de trouver de nouvelles saveurs tout aussi délicieuses les unes que les autres. Quand elle reporta son attention sur l’assemblée, elle remarqua une jeune femme en robe vert émeraude et son habituelle tresse sur l’épaule qui minaudait devant un homme. Talia n’en faisait qu’à sa tête mais il était vrai qu’elle au moins s’amusait. Son regard continua son chemin et croisa de nouveau celui de l’inconnu. Il s’était déplacé et discutait avec une femme, une coupe à la main.

Elle sortit de la salle, s’aventura dans un couloir afin de pouvoir s’aérer à l’extérieur. Sur son chemin, son attention fut captivée par un tableau trônant sur le mur. Elle s’arrêta quelques instants pour l’analyser plus attentivement. Le dessin représentait une contrée verdoyante, hors du temps, vraisemblablement tout droit sortie de l’imagination de son auteur. L’œuvre était chatoyante de couleurs, la cité dépeinte semblait être envahie par la nature. Les nombreux arbres qui la composaient étaient tellement grands et majestueux, Meril n’en avait jamais vu de tel. Ils étaient entrelacés à des bâtiments de toute beauté, d’une finesse architecturale sans pareil. L’ensemble semblait connecté, harmonieux. La jeune femme se sentit irrésistiblement attirée par cet univers féérique. Elle aurait aimé y vivre, pouvoir explorer ses moindres recoins chaque jour, délaissant sans regret le monde morne dans lequel elle avait toujours vécu. Alors qu’elle allait poser les doigts sur la peinture, elle sentit une présence se rapprocher et s’arrêter derrière elle.

  • Vous ne devriez pas être là, fit une voix grave et suave dans son dos.

Le souffle de l’homme vint lui chatouiller la nuque. Avec une rapidité déconcertante, il attrapa sa main de la sienne, laissant apparaitre un tatouage sur son poignet. Meril avait déjà vu ce motif quelque part, un serpent entourant une coupe. Lorsqu’il surprit son regard sur son tatouage, l’homme se dégagea rapidement.

  • Je ne comprends pas de quoi vous parlez, fit Meril en se retournant.

L’homme, ou jeune homme peut être, elle ne sut le dire avec le masque qu’il portait, était de taille moyenne et la dépassait d’une bonne tête. Ses cheveux bruns étaient peignés vers l’arrière, une seule mèche bouclée s’en échappait et descendait sur son front. Un sourire en coin lui mangeait le visage, laissant apparaitre une fossette dans un coin de sa joue.

  • Vous savez très bien de quoi je parle. Une femme telle que vous n’a rien à faire ici. Je l’ai vu dès que j’ai posé les yeux sur vous, répondit-il en la détaillant des pieds à la tête pour parfaire son argumentation.

Cet homme commençait vraiment à l’agacer. Les yeux de la jeune femme plongèrent dans les siens.

  • Je le répète, je ne vois pas de quoi vous parler. Mais puisque vous insistez, peut-être que je devrais souligner le fait qu’il est étrange qu’un pirate soit présent à cette petite soirée. Vous ne trouvez pas ?

L’homme mima la surprise en formant un « OH » avec ses lèvres. Il approcha sa main vers la jeune femme et se saisit d’une mèche de cheveux dorés avec délicatesse. Leur couleur semblait le captiver.

  • Madame est perspicace à ce que je vois.
  • Et elle mord quand on l’importune, fit-elle en chassant la main de sa crinière. Je me fiche du pourquoi de votre présence, ça ne me regarde pas. Alors maintenant, du balai !

Le sourire de l’inconnu se transforma en un rire profond qui agita sa poitrine et le fit légèrement renverser la tête en arrière. Meril frissonna sous l’intense vibration qui lui parvenait. Son regard masqué se porta malgré elle sur la poitrine de son interlocuteur, dont la chemise était quelque peu déboutonnée. Elle releva la tête avant qu’il ne puisse s’en rendre compte.

  • Eh bien, madame, mes excuses pour le dérangement. Ce fut tout de même un plaisir. Profitez bien de votre soirée et de vos petits fours. J’espère que nous nous reverrons très bientôt.

Il s’inclina dans un mélange d’élégance et de provocation et repartit vers la salle de bal, laissant Meril de nouveau seule, avec son esprit embrouillé et sa gorge sèche. Il était grand temps pour elle d’aller prendre l’air.

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