Chapitre 18 – Épilogue

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— Il y aura six groupes d’éclaireurs, chacun d’eux sera commandé par un guerrier expérimenté, et assisté par un second et un signaleur, qui sera un dresseur de corbeau ou un magicien. Ou une !

Les deux derniers mots de la trustwoman de Frilvorg firent sourire les auditrices… aucun homme de Drakenvik ne pratiquait la magie, et Hrafn était le seul mâle capable de tenir un corbeau.

Bryndis sourit elle aussi en ajustant soigneusement sa cotte de maille. Sa première armure avait vécu plusieurs batailles et serait bientôt bonne pour la ferraille, mais elle en était fière comme si c’était une robe de princesse. Elle écoutait d’une oreille discrète la vierge-guerrière égrener les noms des chefs d’équipe jusqu’à ce qu’un d’entre eux attire son attention :

— Sven Hjarulfsson commandera la troisième équipe, avec pour second Knutt Halmodsson et Mathide comme signaleuse, la quatrième équipe sera commandée par…

Bryndis n’éntendit pas la suite. Ainsi Sven commanderait une équipe… son premier commandement !

Bien sûr, il serait secondé par un guerrier bien plus expérimenté que lui même. Knutt était un batailleur féroce, un des plus redoutables vétérans de Hjarulf. Mais l’événement avait une valeur symbolique forte : Sven était désormais un chef. La manière dont il avait osé interpeller Thorin, l’envoyé du roi du Norland, y était certainement pour beaucoup.

Une fois le discours terminé, Bryndis prit une profonde inspiration et se présenta à la guerrière d’un pas qui se voulait décidé.

— Pardonnez-moi Madame, mais j’aimerais – elle avala sa salive – rejoindre le groupe de Sven.

La femme-officier tourna la tête et l’examina de haut en bas. Elle semblait à la fois lire dans ses pensées et remarquer la moindre tache de rouille sur sa cotte de maille et le moindre faux pli dans sa tunique. Après quelques secondes qui durèrent une infinité, elle se décida à parler.

— Tu viens du Hall de Hjarulf ? Oui je pense dans ce cas que ça pourrait se faire. Et je vois que tu sais ajuster une armure. Va voir Frilvorg ! Elle a justement besoin de quelqu’un.

— Oui, merci !

Et Bryndis entra dans le Hall.

— À votre service, capitaine ! S’exclama-t-elle.

Une surprise l’y attendait.

Frilvorg était en train d’ajuster – ou plus exactement d’essayer d’ajuster – les différentes pièces d’une armure en écailles rouge-orangée sur une guerrière visiblement trop petite pour elle. Mais les pièces de l’armure étaient conçues pour être repliées ou détachées en fonction de la taille du porteur.

— Entre, Bryndis. Tu peux ranger dans le coffre les pièces qui sont sur le banc de gauche. Chacune dans le bon compartiment s’il te plaît ! Il y a une rune sur chaque pièce pour les retrouver facilement.

— Mais c’est… l’armure en cuir de Baltarog d’Audrun.

— C’est mon armure, corrigea Frilvorg. Elle m’a été offerte par Askeir Varnodsson, le père de Grimm quand j’avais douze ans. Je ne sais pas comment il a fait pour triompher d’un Baltarog, mais elle a été conçue pour s’ajuster à la taille du porteur. Il faut juste agrafer ou dégrafer les pièces dont on a besoin.

— Elle est rudement lourde, protesta Mathilde. Je dois vraiment la porter ?

— Le jour ou j’ai vu Audrun porter cette armure, je crevais de jalousie, avoua Bryndis. Elle avait treize ou quatorze an et moi dix. Où est ce que je range ces machins là ?

— Audrun a finalement préféré apprendre la magie avec les arcanistes bretons, soupira Frilvorg, leurs mages renoncent à l’armure et comptent sur la magie pour les protéger. Tu peux ranger le kilt dans le petit compament du bas, les manches dans les compartiments allongés à gauche et à droite… Mathilde, cesse de bouger et cesse de te plaindre. Tu seras bien contente d’avoir cette armure lorsqu’un guerrier essaiera de t’étriper. Le coup rebondira sur les écailles. Et maintenant que les manches sont à ta taille, ça ne va pas mieux ?

— Oui, je peux bouger les bras, admit Mathilde. Mais je crois que j’aurais préféré une cotte de mailles toute simple… tout le monde va me regarder.

— Le métal « tout simple » des cottes de mailles est incompatible avec l’usage de la magie des arcanes, expliqua Frilvorg. Le Baltarog est un monstre gardien du Muspellheim, il est à la fois guerrier et magicien et son épaisse peau de cuir ne contrarie pas sa magie. Elle fait même rebondir les sorts de feu vers leur expéditeur. Et tout le monde va te regarder quand tu te montreras, j’y compte bien… ainsi les hommes comme Beryar sauront que tu es sous ma protection.

— Et Thornald ? s’interrogea Mathilde. Lorsqu’il reviendra… Il est vivant n’est-ce pas ?

— Oui, Hjarulf devrait faire une annonce à son sujet avant le départ.

— Où est-ce que je mets la grande ceinture avec toutes ces poches ?

— Sur l’épaule droite, pour qu’elle puisse y accéder facilement de la main gauche. Mathilde, tu peux récupérer tes composantes de sorts. Tu n’en as pas encore beaucoup, Mais je te montrerai ou te procurer ce qui manque.

Lorsqu’ils sortirent, la tenue de Mathilde fut effectivement le centre de tous les regards. Le visage stupéfait de Beryar fit sourire la petite sorcière. Mais Frilvorg détourna rapidement l’attention.

— Nous sommes prêtes Jarl… pardon, nous sommes prêts.

Hjarulf, qui avait assisté à la fin des préparatifs, grimpa sur un banc, presque sans aide, et étendit les bras dans un geste de bénédiction sur les guerriers qui lui faisaient face.

— Guerriers, vierges-guerrières et habitants de Drakenvik. Nous sommes désormais en guerre. Siegfried, l’assassin de son roi et usurpateur du trône de Norland a la prétention de devenir notre maître. Ses hommes ont semé dans les colonies le chaos, le meurtre et le mensonge. Oui le mensonge, car Thornald Bordolfsson est bien vivant, et en grand danger car tout porte à croire que Thorin va lui tendre une embuscade sur les côtes. C’est pourquoi j’ai ordonné, avec l’approbation des capitaines, que des groupes d’éclaireurs surveillent nos côtes et signalent leur présence. Il y aura trois équipes d’éclaireurs en permanence, la sortie d’aujourd’hui rassemble toutes les équipes pour une reconnaissance de l’itinéraire et les consignes à suivre en cas d’alarme. Siegfried apprendra à ses dépens que les hommes de Drakenvik et de Holdgard ne sont pas ses esclaves.

Les hommes firent claquer en cadence le fer des armes sur les boucliers en scandant des « Haï » d’une voix forte. Mathilde allait se boucher les oreilles mais Frilvorg lui fit un signe négatif.

— Tu es une magicienne maintenant et plus une petite fille, murmura-t-elle lorsque le calme fut revenu. Le fracas des armes doit être aussi naturel pour toi que le chant des oiseaux.

— Drôles d’oiseau ! répliqua Mathilde avec un petit rire.

Au même moment, les corbeaux qui attendaient sagement sur le toit du Hall de Frilvorg se dispersèrent, et chacun d’eux vint se poser sur le bras d’une guerrière… ou d’un guerrier. Hrafn Geirsson était équipé d’un gant de fauconnier, il murmurait à l’oreille de son corbeau comme si c’était un chat domestique et l’animal répondait par des croassements approbateurs.

Mathilde rejoignit son équipe ou Sven et Bryndis marchaient côte à côte, sans oser se tenir par la main. Elle n’était pas encore tout à fait une femme libre, mais elle n’était plus vraiment une esclave.

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