12. Première soirée filles

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Héloïse avait fini le check-up des trois ESAO à sa charge et m’avait retrouvée, ce qui m’avait permis d’échanger avec elle sur les notions abordées dans le manuel. M’étant déjà beaucoup documentée après le service militaire, seules les spécificités du F11 m’avaient surprise.

— Bon, je pense avoir tout lu. Pas tout mémorisé, mais ça va être l’heure d’aller dîner.

Héloïse, assise en tailleur sur le sol, se leva puis demanda :

— Et sinon, tes premières sensations ?

— Ça a été.

— Tu sais que j’entends tout ce que le colonel et l’adjudante se disent pendant l’exercice.

— Elles ont dit quoi ?

— L’adjudante a dit que t’avais des airs de frigo mais que t’étais en réalité une chaudière nucléaire.

Elle pouffa de rire tandis que je ne savais pas comment prendre la remarque. Mon estomac grognait tandis que nous marchions. Ne m’ayant pas déridée, Héloïse me dit :

— Non mais, plus sérieusement, t’as tout de suite su apprivoiser la façon de se déplacer du Furet, t’es super douée. Je pense que Paksas ne s’est pas trompée en te prédisant une future carrière d’officier.

— On verra. Ce n’était que le premier jour.

— C’est vrai.

Nous pénétrâmes dans le réfectoire, les autres filles de ma promotion étaient déjà installées avec le gynécien blond. Les assiettes étaient pleines, m’indiquant qu’elles venaient d’arriver. Je remplis mon plateau et les rejoignis. Caitlin me fit une place à côté d’elle en décalant sa chaise, puis elle me dit :

— T’avais pas déjà pris des frites ce midi ?

— Ben j’adore les frites.

— Fais attention quand-même, me conseilla Dahlia.

— Ça va, elle est épaisse comme un implant utérin, se moqua Kirsten.

— Et ce n’est pas comme si on ne se dépensait pas, ajouta Sadjia. Je crois que je vais aller me chercher des frites aussi.

Elle quitta la table et Caitlin leva son verre d’eau.

— À défaut d’alcool, je lève mon verre à cette première journée.

— Dommage, approuva Héloïse. J’ai besoin d’un remontant. Ça a été la journée la plus angoissante de toute ma vie.

Peter se moqua d’elle :

— Pourquoi t’es angoissée ? Ce n’est pas toi qui pilote.

— Mais je sors de l’école. J’ai posé mes premiers catalyseurs utérins, et j’ai monté ma première selle neuve sur le F11 de Clarine.

— Tu t’en es bien tiré, dis-je.

Sadjia se rassit parmi nous et Héloïse qui avait besoin d’évacuer sa journée poursuivit :

— Quand t’as une vraie femme devant toi et qu’elle te confie son intimité, ce n’est plus pareil que sur des demi-mannequins en plastique. Ça n’a strictement rien à voir.

— Mettre les doigts dans une autre chatte, ce n’est pas ton truc ? se moqua Mercedes.

— Ce n’est pas que je trouve ça dégueu, mais c’est violer l’intimité qui me gêne. Surtout le clito, je trouve ça encore plus intime et t’es obligée de le dégager pour bien placer l’épingle. Ça ne me dérange pas personnellement, c’est vis-à-vis de vous.

— On y a survécu, la rassura Caitlin.

— C’est le cas de le dire, soupira Dahlia.

Je grignotai mes premières frites. Sadjia réfléchit à voix haute :

— Même si on s’en sort à l’entraînement, il y aura bien un moment où ces machines n’auront plus d’effet, où même l’électrisation, ce sera quelque chose de fade. Ces filles qui font ça depuis des années, j’aimerais bien les rencontrer si elles existent.

— Je pense que leur secret, c’est de renouveler leurs fantasmes, supposa Héloïse Mais ça doit être dur de penser à ses fantasmes en même temps que tu piou ! piou ! piou !

Ses index imitèrent des pistolets lasers, alors je lui répondis :

— Sauf si on n’en a pas.

— Genre, t’as pas de fantasme ?

— Je ne crois pas, non.

Caitlin posa sa main sur la mienne et planta son regard droit dans le mien :

— Une idole de ton adolescence ? Ton premier amour ?

— Je ne suis jamais tombée amoureuse. Mec ou fille, ça ne m’a jamais intéressé.

— Mais comment t’as découvert que t’étais sensible ? Je veux dire la première fois que tu t’es caressée, c’est bien en pensant à quelqu’un.

— C’est super intime comme question, lui fit remarquer Dahlia.

— Allez, on est entre filles, insista Caitlin. Peter, il n’écoute pas.

Prise dans son regard, je marquai une hésitation avant de jouer franc-jeu. Après-tout, je n’avais rien à cacher de ce côté-là :

— Non. C’est par curiosité. Au collège, tout le monde ne parlait que de ça. Par curiosité, j’ai essayé. Et j’ai simplement écouté mon corps, et ses réactions.

— Mais tu ne penses à rien ? Pas même à un truc ?

— Non, au contraire, je me vide la tête.

— C’est donc ça ton secret, plaisanta Kirsten. T’as rien dans le crâne.

Elle éclata de rire.

— Ça doit être ça.

— Je te charrie ! Hein ?

— Je sais.

Mercedes me sourit. Héloïse essaya de prendre ma défense en me remettant sous les projecteurs :

— Vous vous moquez, mais elle est la seule qui a eu trois orgasmes de suite.

— C’est bon, on le saura, soupirai-je en mettant mon front dans ma main.

— Quelle chance ! lâcha Caitlin. Qui en a eu deux ?

Mercedes et Sadjia levèrent le doigt en même temps qu’elle.

— Bah alors ! lâcha Mercedes en direction de Kirsten.

— Quoi ? L’important c’est de prendre son pied, n’est-ce pas ?

Prise à partie Dahlia se défendit :

— Je n’ai pas pris mon pied, j’ai juste eu une réaction physiologique.

— Mais t’y as pris du plaisir, souligna Cailtin.

— Non. Mon corps a réagi mais je n’ai ressenti aucun plaisir.

— Genre !

— C’est ce qu’on appelle dissocier le corps et l’esprit.

— Ben tu n’as pas de chance, alors, conclut Sadjia.

— C’est clair, ajouta Kirsten, le seul truc bien à être enfermée dans une cocotte-minute, t’en profites même-pas.

— C’est comme ça, trancha Dahlia.

Nous poursuivîmes le repas.

Mise mal à l’aise par les sourires en coin, Dahlia fut la première à partir. Sitôt qu’elle passa la porte du réfectoire, Caitlin s’esclaffa :

— L’autre !

Héloïse secoua la tête :

— Elle est tellement coincée qu’elle ne veut même pas reconnaître qu’elle a joui.

— Faut avouer qu’on a du mal à l’imaginer jouir, commenta Sadjia.

— Je ne sais pas si y avait la place pour la tige anale avec le balai qu’elle a déjà dans le cul, fit remarquer Kirsten.

— En tout cas, elle a couiné comme une belette, sourit Héloïse.

— Tu entends tout ? réalisa Mercedes.

— Pour les premiers entraînements on a bloqué les ESAO en communication continue. Et hormis en mission sur le terrain où faut éviter que l’ennemi capte les communications, c’est mieux d’avoir une communication continue. C’est mon rôle de suivre ce qui se passe à bord.

— Mais à la base t’es que mécanicienne, remarquai-je.

— Gynécienne, c’est la maintenance des ESAO et le suivi médical de premier niveau des pilotes… enfin médical, c’est vite dit. Suivi clinique plutôt. Et puis au moins, je peux vous parler quand y a une faiblesse.

— Et ça vous plaît de nous entendre jouir ? railla Kirsten.

— Moi, confie Peter, je préfère quand vous coupez la communication. Je me suis habitué, mais au début, ça me gênait.

Héloïse se redressa sur sa chaise, les yeux écarquillés, le sourire jusqu’aux oreilles et avoua :

— Moi ça m’excite grave !

Je souris à moi-même, car si quelques heures auparavant, j’aurais cru que ça m’aurait dérangé, je ne m’en sentais aucunement violée. D’une part parce que la personnalité d’Héloïse me plaisait bien et d’une autre parce que ça ne changeait rien au plaisir que cette expérience m’avait fait vivre.

Le réfectoire se vida, puis on se sépara sur nos commérages. Les deux gynéciens nous confirmèrent que la journée de demain serait beaucoup plus longue et éprouvante. Je n’osais dire en toute franchise que j’avais trouvé cette journée très bien et que j’avais hâte de découvrir cette journée éprouvante.

Nous retrouvâmes notre étroite chambre. Héloïse rejoignit le lit du fond qu’elle occupait déjà, puis elle s’empara des affaires de toilettes avant de quitter la chambre. Dans mon casier, mon smart-data m’indiquait un message en absence. Mon père m’avait appelé. Je posai mon béret afin de masquer l’enseigne des ESAO, sortis dans le couloir et me tournai dos au mur pour ne pas qu’il vît mes camarades. Il décrocha après seulement trois secondes.

— Salut ma chérie !

— Salut Papa !

— Comment s’est passé cette première journée ?

— Calme, c’était une journée d’intégration. Visite médicale, remise des uniformes et beaucoup de théorie.

— Et les membres de ton équipe ?

— Sympa. Même la pilote d’ESAO. Après, il y a des personnalités très différentes, mais c’est une unité qui devra composer avec beaucoup de talent de l’armée de terre.

— Je vois le genre. Opérations spéciales ?

Je souris :

— Tu sais bien que je ne peux pas en parler.

— Tu as appelé ta mère ?

— Non. Peut-être demain. Et toi, tu pars bientôt ?

— Ça se rapproche.

Mon père me raconta tout ce qu’il avait prévu de faire avant de repartir. C’était dommage que nous fussions séparés avant la fin de son escale. Il était évident qu’entre lui, moi et mon frère, nous réunir tous les trois serait désormais mission impossible.

Héloïse passa devant moi et me lâcha :

— Bonne nuit, lieutenant !

— Toi aussi.

Mon père ayant entendu, il sourit, toujours rassuré de me croire officier.

— Je vais te laisser. Bonne nuit ma chérie.

— Bonne nuit Papa.

Je refermai le smart-data, puis retrouvai la chambre plongée dans le calme de la semi-pénombre. Je préparai mes vêtements pour demain, puis m’allongeai en culotte et débardeur au-dessus de Mercedes, après avoir empoigné mon manuel. Dans l’obscurité et le silence, nous relisions toutes le guide d’utilisation de nos ESAO.

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