30. Au revoir copines

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C’était étrange de prendre le bus en uniforme avec toutes mes camarades et l’adjudante. Ça me rappelait la sortie avec les Lionnes, mais cette fois-ci, nous nous enfoncions plus loin dans un autre arrondissement de Luxembourg. Seul Peter n’était pas là, obligé par sa vie de couple. Lorsque le bus stationna à la rampe de notre station, Kirsten annonça en descendant :

— Je vous préviens, mon adjudant, ce soir, je vais boire.

— Tu peux boire autant que tu veux, Jorgensen. Il faudra en assumer les conséquences toutes ensemble.

— Sérieusement, tiens-toi Kirsten, la supplia Mercedes. Je n’ai pas envie de faire des pompes parce que tu ne t’es pas levée ou que t’as vomi dans la chambre.

Nous longeâmes les rues métalliques bâties au-dessus des autres, illuminées par des couleurs vives et artificielles et d’immenses publicités. Boisson, nourriture, gadgets, recrutement, il y en avait pour tous les goûts. Sans prêter attention au chemin, nous fiant à notre instructrice, nous critiquions celles qui nous apparaissaient mensongères. Sadjia était particulièrement choquée du sourire d’une enfant sur une affiche de fast-food.

— Sérieux, t’as déjà goûté un de leurs hamburgers ? Mais ils sont dégueu !

— Moi j’aime bien, insista Caitlin.

— Non ! Tu ne peux pas dire ça !

— Laisse-la, elle est Irlandaise, ça se saurait si les Irlandais avaient du goût, se moqua Kirsten.

— En tout cas, intervint l’instructrice, vous ne direz pas la même chose d’où je vous emmène.

— Attendez ! s’exclama Caitlin ! On fait une photo devant celle-ci ?

Son index désignait une immense affiche en longueur avec la fausse pilote d’ESAO souriante, cette même affiche qui trônait devant ma boutique de Burritos. Je dis :

— Je suis partante ! C’est cette affiche qui m’a fait me décider.

Caitlin donna son smart-data à l’instructrice et nos allâmes nous placer. Elles me mirent devant avec Héloïse. Et nous dévoilâmes nos dents pour paraître encore plus heureuses que la fille sur l’image lumineuse. Caitlin partagea la photo sur nos messageries et me dit :

— Je ne tague pas votre profil avec, je pense que vos proches seraient surpris. Clarine, tu l’as eue ?

— Oui.

— Trop bien. Tu nous enverras des messages quand tu seras à bord.

— Je l’y obligerai, promit Héloïse.

En observant nos visages rayonnants, masquant presque la pilote de la publicité, je repensai à Nathalie. Finalement, peut-être cette fille n’était pas une actrice. Dans tous les cas, elle était beaucoup moins mensongère qu’elle ne me l’avait fait croire.

Quelques pas plus loin, les néons roses et or du restaurant indien nous accueillirent.

Deux heures plus tard, le ventre repus de nourriture exotique, le cœur enivré de cocktails de fruit très alcoolisés, nous rions. Kirsten que j’avais connue surtout caustique, n’arrêtait pas de délirer, inventant des stratégies débiles digne de mangas.

— Et là ! Réactivation du méga-gode ! Jouissance extrême ! Et le rayon découpe le destroyer !

— Non pas avec le gode, dis-je. Moi j’utiliserai le lapeur, trois petits coups, et je détruirai deux destroyers.

— Je n’aime pas le lapeur, dit Mercedes. Ce n’est pas agréable.

— Tu veux rire ? pouffai-je.

— C’est parce que tu ne sais pas ce que c’est une vraie langue. Et une langue, ça peut être mou, ça peut être dur…

— J’ai une idée, pouffa Sadjia ! Comme cadeau à Clarine, on lui fait un cunni à tour de rôle. Dix secondes chacune et celle qui la fait jouir remporte une nuit d’amour !

— Oh t’es dégueu ! protestai-je.

Kirsten passa derrière moi, me saisit sous les aisselles et me leva de ma chaise.

— Vas-y Sadjia ! Commence !

Sadjia enfouit son visage contre mon treillis et remua son nez contre mon entrecuisse en imitant un bruit de lapement canin.

— Ça suffit, vous avez assez bu, nous interrompit l’adjudante. Vous vous donnez en spectacle.

Héloïse haussa les épaules :

— Faut bien conforter la réputation des pilotes.

— Allez, on y va. Attendez-moi dehors, l’addition est pour moi.

Nous nous levâmes, l’équilibre chancelant. Je remerciai l’adjudante qui, restée sobre venait de m’offrir la meilleure soirée du mois. Elle nous ramena ensuite au bus volant, comme un berger veillant sur ses moutons.

Héloïse me murmura :

— Tu vas accepter la proposition de Sadjia ?

J’éclatai de rire, elle s’éloigna, puis se rapprocha de Sadja. Mon hoquet hilare m’empêcha de les entendre discuter.

Le bus nous emmena. Mercedes, la tête en appui sur la vitre, me scrutait paisiblement. Kirsten discutait avec l’adjudante en regardant la ville défiler à l’avant. Caitlin, Héloïse et Sadjia gloussaient à l’arrière du bus. Je m’attendais à un mauvais coup de leur part, à un bizutage de départ, alors l’euphorie de l’alcool redescendit très vite.

Le bus nous abandonna aux portes du régiment, et nous nous séparâmes de l’adjudante dans les couloirs. Nous gagnâmes notre chambre, sans parler. Retrouvant nos habitudes, nous nous déshabillâmes face à nos casiers. J’enfilai mon débardeur, gardai ma culotte et montai dans mon lit. De ma hauteur, j’aurais pu discerner les filles ivres approcher dans la pénombre.

Chacune éteignit la lumière, et je guettai, anxieuse. Après cinq minutes, j’entendis des draps se rouvrir, et un murmure au fond de la chambre :

— Attends.

Je poussai les draps pour que mon bras fût libre de frapper le premier visage qui voudrait me surprendre. Mais je n’ouïs plus rien, avant qu’un soupir s’échappât. Je me penchai pour voir entre les lits au fond de la pièce. Sadjia était en train d’embrasser les jambes grandes ouvertes d’Héloïse. La voix éraillée de la gynécienne ne tarda pas à s’exprimer en français :

Oh la vache ! Oh putain de putain de pute !

— Je ne comprends rien à ce qu’elle dit, pouffa Kirsten, mais ça a l’air bon.

— C’est mon premier cunni ! expliqua Héloïse avant se fondre dans un couinement murin. Oh la vaaaache !

Les aigus brisaient sa voix et on se doutait bien qu’il était impossible pour elle de se taire. Je voyais sa silhouette se tordre, se cambrer tandis que Sadjia la maintenait par les cuisses. Assister à une telle torture attisa ma curiosité et mon ventre se troubla d’une chaleur humide.

Puis, la voix d’Héloïse s’étouffa brutalement, son corps se banda moins d’une seconde, encore, encore, et encore jusqu’à ce qu’elle se tendît longuement pour essayer de faire durer l’effet. Elle lâcha dans un souffle :

— Merci ! Merci !

Sadjia déposa un baiser sur sa bouche, puis retourna à son lit :

— Bonne nuit.

Héloïse resta béate, les jambes grandes ouvertes et ne bougea plus, sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration profonde. Comprenant que je ne risquais aucun bizutage, je me remis sur le dos et fermai les yeux, heureuse pour ma gynécienne. L’alcool ou la fatigue, la chaleur de mon ventre se dissipa doucement avec la tombée du sommeil.

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