Chapitre 34 -Terra - Émelie se sent mal
En raison de ma longue absence, je vous propose un petit rappel pour vous aider à situer ce chapitre dans l’histoire.
Ce n’est pas simple de faire court, j’espère que ce sera suffisamment clair pour bien comprendre ce qui suit.
Chapitre 27
Amélia et Émelie confirment l’existence de leurs vies parallèles ainsi que la synchronicité de leur blessure identique à la main. Elles réalisent que leurs émotions intenses agissent comme une clé activant le miroir. Elles soupçonnent être suivies (par Greg et Sarah, mais elles l’ignorent encore). Emelie aperçoit alors une silhouette sombre, vêtue de noir, tapie près des buissons.
Chapitre 28
Amélia médite sur le lien profond et intime qui l’unit à Emelie. Tandis qu’elle évalue les dégâts causés par la tempête, Adam arrive pour vérifier les lieux. Amélia est aussitôt troublée par son charme. Une bousculade causée par le chien Orthos la fait tomber dans les bras d’Adam. Leur échange est brusquement interrompu par l’arrivée inattendue d’Ethan Walker, l’ex d’Amélia.
Chapitre 32
Jack arrive en Australie, obsédé par Emelie et persuadé qu’elle est partie pour un autre homme. En la voyant rire avec Adam, il est frappé par une révélation brutale : Emelie est heureuse sans lui. Il comprend que ce qu’il ressent n’est pas de l’amour, mais une obsession malsaine. Il décide alors de laisser une lettre avant de partir. En quittant les lieux, il aperçoit Justin dans un taxi, paniqué, et se précipite vers sa voiture.
Chapitre 33
Ethan confronte Amélia, toujours aussi autoritaire et possessif. Adam adopte une posture protectrice à ses côtés, avant de retourner chez lui, les laissant discuter tout en précisant à Amélia qu’il est juste à côté si besoin.
Hors de lui par le refus à sa demande en mariage, Ethan pousse violemment Amélia contre le plan de travail de la cuisine. En rage, elle le met à la porte. Ethan est perturbé par ce qu’il vient de faire à la femme qu’il aime. Alertés par les cris, Adam et Orthos arrivent pour lui porter secours; Ethan est déjà parti. Adam s’éclipse à contrecoeur pour aller chercher son fils au sport, Liam. Bouleversée et seule, Amélia exprime son besoin viscéral de retrouver Emelie.
Chapitre 31
Pendant tout ce temps, Justin et Justine ont suivi une petite formation sur l’utilisation des énergies et des ondes vibratoires, donnée par la cousine Alma et la grand-mère de Justin, Gwendoline. Justine retente l'expérience de la méditation pour aller dans l'autre monde. Justin voit son double apparaitre. Justine exprime le besoin de retrouver cette page manquante, et Justin lui confie que c'est lui qui l'à... il propose de la lui donner par le biais du miroir.
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Monde 2 : Terra
Le taxi ralentit, puis s’immobilise à quelques mètres de la maison d’Émelie. Justin tend un billet au chauffeur, attrape la poignée, prêt à sortir, mais une sensation soudaine l’arrête net. Un vertige brutal l’envahit, clouant son corps au siège sans qu’il puisse bouger. Sa tête lui paraît bien trop lourde, et une pulsation sourde naît dans ses tempes, grandit, s’intensifie, comme si quelque chose cognait de l’intérieur.
Il ferme les yeux, pose une main contre son front, les doigts crispés. Il essaie de reprendre pied, de comprendre ce qui lui arrive. Le temps devient flou, suspendu, insaisissable. Il ne sait plus s’il reste là quelques secondes ou plusieurs minutes.
Quand il rouvre enfin les paupières, un voile fluide flotte devant lui, à peine visible, comme un frémissement dans l’air. Puis il disparaît, aussi vite qu’il est apparu. Néanmoins, ce qu’il découvre ensuite n’a rien de « normal » à son sens : une lueur marron, beige et terne semble émaner du chauffeur. Elle enveloppe son corps d’un halo diffus, sans relief, mais vidé de toute intensité.
Justin, cligne des yeux, secoue légèrement la tête et elle est toujours là, persistante. Est-ce… son aura ? Il ne sait pas vraiment. Ce qu’il voit lui échappe, et, pourtant, c’est bien là, devant lui.
Il se laisse aller contre le siège et inspire profondément, tentant de faire le tri entre ce qu’il ressent et ce qu’il imagine. Sous sa main, posée machinalement sur sa poitrine, il sent l’épaisseur de la page de carnet qu’il garde sur lui. Ce simple contact ravive en lui une certitude : il doit en parler à Émelie.
— Bon, vous sortez, oui ou non ? lance sèchement le chauffeur, visiblement agacé.
— Oui… juste un instant, s’il vous plaît, répond Justin, la voix encore un peu voilée.
— Hum !
Il ferme à nouveau les yeux et applique la technique que lui a apprise Alma. Il gonfle lentement ses poumons, laisse l’air envahir son corps, puis expire doucement, jusqu’à ce que la tension redescende.
Lorsqu’il les ouvre de nouveau, un homme traverse la rue, à quelques pas devant le taxi. Une silhouette nette, familière. Un halo rouge, légèrement teinté de rose, flotte autour de lui. À cette vue, son cœur se serre.
Il va vraiment falloir que je demande à Granny pourquoi les gens n’ont pas tous la même couleur et pourquoi j’ai des sensations différentes lorsque je les distingue…
Intrigué, Justin se penche vers le pare-brise, les yeux fixés sur lui. Il reconnaît cette démarche, cette présence. Son souffle se coupe.
— Jack ?
Le futur ex-mari d’Émelie, posté sur le trottoir d’en face, semble soudain pris de panique. Son regard se fige sur Justin, puis se détourne aussitôt. Sans attendre, il se précipite vers sa voiture, claque la portière, et démarre en trombe dans un crissement de pneus. Justin fronce les sourcils, troublé par cette fuite brutale.
— Pourquoi s’enfuit-il ainsi ? murmure-t-il, encore assis à l’arrière du taxi.
Une onde glacée le traverse. Son corps se tend, son esprit s’emballe. Des pensées sombres déferlent comme un torrent : Est-ce qu’il a fait du mal à Émelie ? Et si elle était blessée ? Et si c’était trop tard ?
Porté par une impulsion, il bondit hors de la voiture et court vers la maison, ses pas lourds martelant le trottoir. La gorge sèche. Il hurle :
— Émelie !!
Inquiet, haletant, le cœur tambourinant contre sa cage thoracique, il tend la main vers la sonnette, mais n’a pas le temps d’appuyer : la porte s’ouvre à l’instant même.
Un homme lui tourne le dos. Grand, bien bâti, il occupe tout l’espace de l’entrée. Justin reste figé, surpris par cette silhouette inattendue. L’individu ne le remarque pas. Son attention est toute dirigée vers Émelie, qui lui adresse un sourire éclatant.
Autour de lui, Justin perçoit une aura, d’un vert émeraude clair, translucide, qui enveloppe l’inconnu. En une fraction de seconde, son regard s’y accroche. Le tumulte intérieur, la peur qui tambourinait dans sa poitrine, l’inquiétude pour Émelie se suspend.
Il ne comprend pas vraiment pourquoi, mais quelque chose en lui se relâche. Sa respiration se calme, ses muscles se détendent, comme si cette énergie, issue de lui, chassait ses angoisses. La panique s’efface, balayée par cette étrange certitude : Émelie va bien.
— On se dit à ce soir, alors ! lance l’homme, la voix rieuse.
Justin ne prononce pas un mot. Son esprit s’interroge.
Un rencard ? Émelie a un rencard ? Et avec lui ?
***
Émelie allait justement répondre à la proposition d’Adam quand son regard croise celui de Justin, planté dans l’entrée, l’air éberlué. Un frisson la parcourt. Son cœur bondit. Elle laisse échapper un cri de surprise et court vers lui comme si les semaines de séparation s’étaient évaporées d’un souffle.
— Justin ! tu es là ! s’écrie-t-elle en se jetant à son cou.
Elle l’étreint avec tendresse, dépose un baiser sur sa joue, oublie l’espace d’un instant la présence d’Adam, encore dans le cadre de la porte.
Se reprenant, elle se tourne vers lui :
— Adam, je te présente Justin, mon meilleur ami. Et Justin, voici Adam, mon voisin… et parfois jardinier à ses heures.
Ils échangent une poignée de main, un brin tendue.
— Enchanté, Adam, bredouille Justin, un peu déstabilisé par la prestance que dégage cet Adam.
— Moi de même. Je suis ravi de vous rencontrer, répond-il avec chaleur.
Puis, se tournant vers elle :
— C’est toujours bon pour ce soir ?
— Oh oui, absolument ! J’ai hâte de voir ce fameux phare, dit-elle avec un sourire sincère.
— Promis, tu ne le regretteras pas. C’est là qu’on observe les plus beaux couchers de soleil de toute la région.
Adam siffle doucement. Son chien, qui s’amusait dans le jardin, accourt en jappant. Tous deux s’éloignent à grands pas, laissant Justin et Émelie seuls dans l’entrée.
Justin reste figé. Il essaie de remettre un peu d’ordre dans ses pensées, mais l’image d’Émelie, radieuse et complice avec cet inconnu, s’incruste comme un pop-up gênant. Il la fixe, les sourcils levés, mi-incrédule, mi-dramatique.
— Hey, toi… Tu ne voudrais pas me présenter ton chevalier aux cheveux de surfeur ? Qui est ce bel étalon ? souffle-t-il, un sourire en coin.
Émelie, prise de court, détourne les yeux. Elle bat en retraite vers la cuisine, allume la bouilloire comme si sa vie en dépendait, et s’applique à avoir l’air occupée — ou du moins, hydratée.
— Un thé ? Menthe ou fruits rouges ? demande-t-elle, presque trop légère.
— Émelie… continue Justin, sur un ton ferme. Ne fais pas comme si de rien n’était. Tu vas vraiment éluder la question comme ça ?
Elle ne répond pas immédiatement. Dépose calmement un sachet dans une tasse, puis soupire en se tournant vers lui.
— D’accord… Adam est le neveu de ma propriétaire. Il est passé ce matin pour vérifier les dégâts causés par la tempête. Parfois, sa tante l’envoie s’occuper du jardin. C’est tout.
— Mouais… un peu rapide comme explication, non ? Regarde, tu rougis.
Elle souffle, se masse les tempes. Dans un ton plus bas, presque confus.
— En vérité, le croiser ce matin m’a rassurée. J’avais fermé tous les volets parce que j’ai cru distinguer une silhouette derrière un buisson. Il a fait le tour, mais n’a rien trouvé.
— Attends… Tu as aperçu quelqu’un ? Et si c’était… lui ?
— Qui, lui ?
— Jack ! Je viens de le surprendre en train de sortir de la maison. Quand nos regards se sont croisés, il a pris la fuite.
Émelie se redresse d’un bond, sidérée.
— Quoi ? Jack ? Mais… il n’est pas censé être en Australie !
— Je pensais qu’il t’avait rendu visite.
— Non. Je ne l’ai pas vu. Qu’est-ce qu’il fait ici ?
— Aucune idée, répond Justin en secouant la tête.
Un malaise s’installe entre eux. Émelie se précipite dehors, scrute les alentours, cherche désespérément un signe. Mais la rue est vide. Justin la suit, plus calme.
— Il est déjà parti. Il a pris sa voiture.
Alors qu’elle retourne vers la maison, son regard tombe sur la boîte aux lettres. Une enveloppe marron dépasse à peine. Elle s’en empare, l’ouvre d’un geste fébrile. À l’intérieur, un mot manuscrit.
Ce matin, j’étais en colère contre toi…
Ses yeux parcourent les lignes, son cœur se serre.
Mais quand j’ai vu ce rayon de lumière illuminer ton visage en présence de cet homme, j’ai eu un choc.
Ce sourire… celui qui m’avait bouleversé la toute première fois que je t’ai croisé à la fac.
Celui qui éclairait tout autour de toi sans que tu t’en rendes compte.
Celui qui m’avait donné envie de t’aimer.
Et je me suis demandé : depuis combien de temps ai-je cessé de le mériter ?
Ses mains tremblent. Elle lit la suite, les yeux embués.
Ce n’est pas lui qui te l’a volé, ce sourire. C’est moi qui l’ai éteint. À force de t’oublier, de te prendre pour acquise. De me perdre, et de t’entraîner avec moi.
Je ne cherche pas à effacer le mal. Ni à revenir. Je voulais juste que tu saches… que cette lumière sur ton visage est l’une des plus belles choses que j’ai connues.
Et que je suis désolé. Pour tout ce que je n’ai pas vu. Pas dit. Pas compris.
Jack
Les larmes roulent sur les joues d’Émelie. Elle reste un moment figé, la lettre contre sa poitrine. Une époque se referme, doucement, sans haine. Elle sent en elle un mélange de tristesse et de libération.
Elle sort son téléphone, cherche le contact enregistré depuis des années : Mon Chéri. Elle efface le surnom, le remplace par Jack. Puis, sans ajouter un mot, elle lui envoie un simple message :
Merci.
***
Derrière elle, Justin ne dit rien. Elle se tourne vers lui, les yeux mouillés, mais un sourire serein sur les lèvres.
— Un chapitre s’achève.
— Un autre commence, termine Justin.
Un silence s’installe, les mots se font rares pendant quelques instants. Justin a soudainement très chaud. Serait-ce encore un effet de ses dons en éveil ? Il ôte sa veste et soupire de soulagement. La feuille qu’il avait glissée dans la poche intérieure s’est échappée. Émelie, quant à elle, la remarque et la ramasse d’un geste prompt.
— Tiens, tu as fait tomber ça.
Justin récupère le papier et l’ouvre.
— Justement, je voulais t’en parler.
La feuille de papier, jaunie par le temps, est soigneusement dépliée et posée au centre de la table. Émelie se penche, les sourcils froncés. L’écriture est élégante, ancienne, mais les schémas griffonnés en marge semblent n’avoir ni queue ni tête. Elle passe un doigt dessus, les traits tirés par la concentration.
— Je ne comprends rien… C’est quoi, cette feuille ? demande-t-elle, la voix voilée.
— Je vais tout t’expliquer, répond Justin.
— Attends… une seconde. Ajoute Émelie, je dois prendre un doliprane. J’ai ce mal de crâne… qui s’intensifie, c’est limite supportable…
Elle se lève lentement, titube presque, se masse les tempes avec des gestes saccadés, puis revient s’asseoir, le teint blême.
Justin commence son récit : les souvenirs flous autour du terme « monde parallèle », la quête des carnets, l’apparition dans la cave de cette silhouette vaporeuse — son double — et la phrase étrange prononcée dans le silence. Il évoque son voyage en Australie, pour aller à la rencontre avec sa grand-mère Gwendoline, les révélations sur les dons familiaux, l’énergie, les vibrations… jusqu’à cette page, celle qu’il doit absolument remettre à Amélia.
— Tu crois que tu pourrais lui transmettre… par le miroir ? demande-t-il avec hésitation.
— Je… je ne sais pas… une fois une batte de baseball s’est brisée en deux en le traversant…
Mais elle ne termine pas sa phrase. Émelie se fige.
Ses doigts, crispés, s’agrippent au rebord de la table. Sa respiration s’accélère brusquement.
— Ma tête… murmure-t-elle, presque dans un souffle.
Des perles de sueur naissent à ses tempes, puis roulent le long de ses joues. Ses paumes se plaquent sur son crâne, qu’elle secoue faiblement.
— Émelie ? Hé… Émelie, tu m’entends ?!
Justin bondit de sa chaise, stupéfait. Il voit le visage au teint cireux d’Émelie se tordre de douleur.
— Émelie !
Il la soutient tant bien que mal, l’aide à rejoindre le canapé. Elle tremble, comme traversée par un courant invisible. Il pose une main sur son épaule, cherche son regard.
Elle tente de respirer plus lentement, mais ses poumons refusent. L’air se fait rare. Une pression terrible l’écrase de l’intérieur, comme si quelque chose, quelque part, aspirait son énergie vitale.
Il n’y a rien autour d’elle. Rien d’anormal. Et pourtant, son corps hurle, panique, cède.
***
Puis, une image, floue d’abord, déchirée, prend forme dans son esprit : le visage d’Amélia. Elle pleure. Elle souffre. Quelque chose ne va pas. Elle le sent, au plus profond d’elle.
— Amélia… ? souffle-t-elle, à peine audible.
— Émelie ?!
La voix de Justin monte dans les aigus, tremblante, impuissante.
Il la regarde, plié en deux sur le canapé, la douleur gravée sur chaque trait. Il ne peut pas rester là. Il faut agir. Vite.
Il fouille frénétiquement ses poches. Rien. Son téléphone ? Il panique. Il était là, tout à l’heure. Où est-il ?!
Justin désespéré, ses yeux balayent la pièce, jusqu’à ce qu’ils se posent sur la table, à côté de sa tasse. Il se précipite, bousculant une chaise au passage.
Ses mains tremblent lorsqu’il s’empare de l’appareil. Pas de faux mouvement. Il ne peut pas se permettre de le faire tomber.
Il se tourne vers Émelie. Son état empire.
Sur l’écran, il hésite. Quel numéro faut-il composer dans ce pays ? Pourquoi ce détail lui échappe-t-il ? Pourquoi maintenant ?!
Il suffoque presque, sa gorge se serre, les larmes lui montent aux yeux. Il crispe la mâchoire. Il doit se ressaisir.
Après deux secondes de recherche sur « google », il s’apprête à appeler les urgences, quand un frémissement étrange le pousse à se retourner.
Un halo ondule sur toute la surface de la peau d’Émelie. Multicolore, vibrant, presque vivant, comme une aurore boréale. Des volutes de lumière glissent autour de son corps, dansent lentement comme si elles tentaient de la protéger… ou de l’emmener ailleurs.
Justin reste figé. Son téléphone lui échappe de ses mains.
Et si… ce n’était pas une simple crise ?
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