L'assistante du Diable

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Je suis en train de me coiffer depuis quelques minutes lorsqu'on toque à la porte de ma chambre.

- Qui est-ce ? demandé-je en me retournant.

- Les femmes de chambre qui vous ont servie hier soir, mademoiselle.

Je quitte le tabouret pour leur ouvrir. Elles me font une grâcieuse révérence, puis entrent et l'une d'elles me demande :

- Bien dormi ?

- Oh oui ! Je n'avais plus fermé l'oeil depuis des jours ! Enfin. . . jusqu'à hier.

- Tant mieux, renchérit l'autre, car notre maître vous attend. Nous sommes venues vous apprêter.

- Je vous préviens : il n'est pas question que je remette une robe aussi inconfortable que celle de la veille.

- Ne vous en faîtes pas. Le seigneur Lucifer a choisi lui-même votre tenue.

Cette information, qui devait visiblement me rassurer, ne fait qu'accroître ma crainte. Je grimace en murmurant :

- Oh non. . . Pas encore. . .

Heureusement et à ma grande surprise, les deux démonnes me présentent un chemisier blanc et un tailleur noir, accompagnés d'escarpins sombres.

- Vous faut-il de l'aide pour vous vêtir ou vous coiffer ? s'enquiert la domestique qui m'a annoncé qu'elles étaient venues me préparer.

- Non, merci. . . Au fait, je ne connais même pas vos noms.

- Mon nom est Mimi et voici ma soeur jumelle Sassa.

Elles sont jumelles. . . Le visage de Vanessa me revient en tête et je la secoue frénétiquement pour la chasser de mon esprit.

- Est-ce que tout va bien ? me demande Sassa.

- Euh. . . Oui, oui, ça va, mais. . . Je trouve vos prénoms bien curieux.

- Vous êtes perspicace, me complimente Mimi en souriant. Ce sont effectivement des surnoms donnés par notre maître en personne.

- Quels sont vos véritables prénoms, alors ?

- Nous serions bien incapables de vous le dire, avoue Sassa. Nous n'étions encore que des fillettes lorsque nous sommes entrées au service du seigneur Lucifer et tous nous appellent ainsi depuis qu'il nous a donné ces jolis surnoms, alors au fur et à mesure du temps, nos véritables noms se sont effacés de nos mémoires, comme plus personne ne nous les rappelait en les utilisant.

- Nous ne sommes pas malheureuses pour autant, s'empresse d'ajouter Mimi. Nous sommes bien traîtées par notre maître tant que nous travaillons bien et lui restons obéissantes.

- Oui et, même si nous ignorons pourquoi il nous a donné ces surnoms, nous les considérons comme une marque d'affection de sa part. Pour quelle autre raison prendre la peine de nous renommer ?

- En vous arrachant vos noms de la sorte, ne vous a-t-il pas arraché vos racines avec ? Je veux dire. . . En effaçant vos prénoms de vos mémoires, il a effacé vos origines et votre passé avec, non ?

Les deux démonnes se figent pendant un instant, puis Mimi admet :

- C'est vrai que nous n'avons plus de souvenirs de notre vie d'autrefois, mais c'est dû au jeune âge auquel nous sommes entrées au service du seigneur Lucifer et au temps qui s'est écoulé depuis.

- Je pense, insisté-je, que l'effacement de vos prénoms est aussi lié à cette perte de mémoire. Un simple prénom peut rappeler tellement de choses. . . En vous arrachant les vôtres, il vous a arraché tous les souvenirs liés à ces derniers.

Elles froncent les sourcils, puis Mimi m'adresse une révérence, accompagnée de ces mots :

- Si notre présence ici ne vous est plus utile, nous vous quittons. Nous avons encore quantité de choses à faire.

Sa soeur l'imite, puis elles quittent la chambre à reculons en prenant soin de refermer la porte. Je me tourne vers les vêtements qu'elles ont apportés pour m'habiller lorsque j'entends Sassa mumurer :

- Est-ce que tu penses que. . .

- Nous ne devons pas penser, l'interrompt sa jumelle. Encore moins réfléchir. Tu sais ce qu'il nous en coûterait. . .

Le bruit de leurs pas s'estompant m'indique qu'elles s'éloignent. Lucifer semble effectivement bien traiter ses serviteurs : les deux démonnes ne sont ni amaigries, ni fatiguées et elles ne présentent aucune marque de maltraitance. En revanche, ce bon traitement a un prix : une obéissance aveugle. La punition destinée aux rebelles semble terrible, au vu de la peur que j'ai entendue dans la voix de Mimi quand elle l'a évoquée.

Subirais-je le même sort si jamais je désobéissais à mon nouveau patron ? Et que se passerait-il si je ne respectais pas le pacte ? Est-ce qu'il cesserait tout simplement de m'offrir son aide ou est-ce qu'il me le ferait regretter d'une bien plus terrible façon ? Pour être franche, je crois que j'aimerais mieux ne pas savoir. J'ai quand même affaire au Diable en personne. . .

Une fois habillée, je ramasse mes cheveux bruns en un chignon, puis sors de la chambre. Ce n'est qu'alors que je me rends compte que je ne connais pas encore bien les lieux et que les deux femmes de chambre ne m'ont pas indiqué où m'attendait Lucifer.

Je m'apprête à tourner sur la droite, comme on ne cesse de dire que ce côté-là porte chance, lorsque je me souviens que la gauche est souvent associée au Diable. Je marche donc dans cette direction et toque à la porte se trouvant au fond du couloir.

- Entre ! me répond la voix de Lucifer.

J'esquisse un sourire et tourne la poignée. Le maître des lieux est assis dans un grand fauteuil, face à un large bureau en bois sombre orné de dorures sur lequel reposent bon nombre de papiers.

- Bien le bonjour, me salue-t-il. Tu as un bon sens de l'orientation pour me retrouver dans une aussi grande demeure que tu ne connais pas encore.

- J'ai surtout un bon sens de la déduction.

- Assieds-toi, dit-il en me désignant une chaise lui faisant face.

Je m'exécute et il poursuit :

- Tu commences ton travail d'assistante du Diable aujourd'hui. . .

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